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Franz Liszt (1811-1886), virtuose adulé, compositeur fécond et grand séducteur

Écrit par Raymond Laberge, Collaboration spéciale
11.04.2007
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Mais aussi fervent catholique et religieux consacré (1re partie)

Le virtuose prodige du piano

On peut encore voir parfois de nos jours sur les routes d’Europe une

roulotte que tire un maigre cheval et que suivent des femmes au teint

bistre, aux jupes bariolées, au colliers de sequins: ce sont des

tziganes. Peu nombreux chez nous au Canada, ils formaient, par contre,

il y a un peu plus d’un siècle, en Hongrie, de véritables tribus

errantes. Un soir, l’une d’elles y installa son campement à l’entrée

d’un bourg, celui de Raiding. Une vieille tzigane qui lisait dans la

main qu’un enfant lui tendait lui dit: «Toi, mon petit, tu quitteras

Raiding, mais ce sera pour y rentrer dans un carrosse doré.»

 

  • Des mains de pianiste à l'oeuvre(攝影: / 大紀元)

 

Or, cette prophétie allait se réaliser: l’enfant s’appelait Franz Liszt. Né en Hongrie, en l811, le petit Franz bénéficie du soutien d’un père, violoniste de grande valeur, qui cultive très tôt les dons musicaux qu’il a su déceler chez l’enfant. Pianiste et compositeur prodige, l’adolescent s’est déjà produit avec succès à Vienne, Paris, Londres, lorsqu’en 1827, son état de «baladin» et d’«amuseur de salon», comme il dira, lui inspire soudain un grand dégoût. Il se sent appelé à la prêtrise et passe son temps à de pieuses lectures, telle que l’Imitation de Jésus-Christ. De retour à Paris, il passe de longues heures en prière à l’église Saint-Vincent-de-Paul. Le grand amour partagé qu’il éprouve, en 1828, pour Caroline de Saint-Criq, une de ses élèves, est brutalement interrompu par le père de la jeune fille, et il ne parvient pas à retrouver son équilibre. Malgré les directives de son confesseur, il persiste dans ses projets religieux.

Période stérile sur le plan musical: ni création, ni exécution, il faudra le bouillonnement politique et artistique des années 1830 en Europe pour que Franz Liszt reprenne goût à la vie. Il s’engage aux côtés de l’écrivain et penseur français, Félicité de Lamennais, qui voit en lui l’occasion de réaliser une de ses ambitions: réconcilier Église et Révolution en la personne d’un artiste croyant et social. Liszt soutient le compositeur Hector Berlioz, se lie avec le virtuose du violon Paganini, les compositeurs Frédéric Chopin et Félix Mendelssohn. L’adolescent instable est devenu un homme.

Tandis que les salons se disputent le pianiste à la mode, en 1833, celui-ci voit entrer dans sa vie Marie d’Agoult. Elle est mariée et déjà mère de trois enfants. Mais ne représente-t-elle pas, malgré leurs communs scrupules à se fréquenter, cette personnalité à laquelle aspire le musicien, cette femme rédemptrice qu’il attend? Liszt hésitera quelques mois, avant de céder à sa passion: période mise à profit pour rédiger, à l’intention de la Gazette musicale, une étude sur l’ennoblissement de la musique religieuse… Et Liszt se décide à enlever Marie…

De cette liaison naîtront trois enfants, dont Cosima, la future épouse de Richard Wagner. Au fond, l’union de Liszt et de Mme d’Agoult est sincère, passionnée, mais assez mal assortie. Franz n’était qu’ardeur et désintéressement. Marie, au contraire, est ambitieuse, parfois mesquine et presque toujours jalouse. Jalouse de Franz, mais aussi des femmes qui avaient du talent. Jalouse de l’écrivaine George Sand, qui a été présentée à Liszt et dont elle enviait la fécondité intarissable. Au printemps de 1837, les deux femmes avaient passé ensemble plusieurs mois à Nohant, pendant que Liszt vivait seul à Paris, passant son temps à engager des duels singuliers au piano avec d’autres virtuoses de cet instrument.

Liszt était un romantique et la comtesse d’Agoult se croyait unique. Leur amour s’alimentait aux plus nobles sources, mais George Sand note cependant, au sujet des deux amants, ce seul mot qui en dit long: «Galériens…» Liszt en eut sans doute conscience. Le boulet lui pesait: il en brisa la chaîne et reprit sa vie de musicien errant. Ses trois enfants – Cosima, Blandine et Daniel – envoyés avec leur mère à Paris, Franz reprend les routes européennes. Il joue, il joue partout. À Rome, il s’imprègne de la Renaissance italienne. À travers l’Autriche et l’Allemagne, il accomplit de longues tournées pour réunir les soixante mille francs nécessaires à l’érection d’un monument de Beethoven à Bonn. À Leipzig, il est accueilli avec réserve. À Berlin, il donne 21 concerts consécutifs. Paris, Londres, l’Écosse, l’Allemagne, la Russie, l’Autriche, c’est le carrousel des nations et des capitales. À la faveur de ses voyages, Liszt revoit sa Hongrie natale.

Au milieu des triomphes, ce sont les mille coups d’épingle de la jalousie. Liszt les néglige bravement. Il joue à perdre haleine; on dirait qu’il veut oublier, fuir un présent qui le mécontente. Et, de fait, au mois d’avril 1844, à Paris, c’est la rupture définitive avec Marie d’Agoult. De 1844 à 1847, ce sont les dernières tournées, les derniers concerts. À 36 ans, Liszt a connu tous les triomphes. Il en est fatigué. Il aspire à autre chose, à mieux, à plus haut que des succès de vedette. Il se sent fait pour une autre vie, appelé à un destin bien différent. Mais il a besoin d’être poussé à la décision héroïque. C’est la princesse de Sayn-Wittegenstein qui, en 1847, lui montre le chemin: celui de la retraite. Se retirer du monde pour apprendre à le dominer. Fuir les capitales, gagner la province. Renoncer au piano du virtuose pour l’estrade du chef ou l’écritoire du compositeur. Rejoindre, par la méditation mystique, la piété instinctive de son enfance. Liszt a eu tout ce à quoi tout homme aspire: une jeunesse ardente, brillante et voyageuse. Ce qu’il lui faut conquérir à présent, c’est un âge mûr recueilli et fécond. Ainsi, s’accomplira sa destinée sous le signe d’un idéal authentique, et non pas d’un succès de pacotille.

Faire de la musique une prédication ardente

Et voilà Liszt, le soir de son arrivée à Weimar, en Allemagne, en 1848, à la fois au milieu et sur la charnière de sa vie. Il y a en lui deux hommes: l’un est épris de gloire; l’autre de beauté pure. L’un aspire à briller; l’autre à durer. L’un veut se servir; l’autre veut servir. Sans doute, le premier de ces deux êtres que Liszt porte en lui ne mourra jamais tout entier. Jusqu’au bout, il y aura le grand virtuose à côté de l’homme de génie. On dirait que Liszt avait deviné ce qu’un jour écrira Maurice Barrès: «Il faut quitter sa jeunesse d’un pas assuré et chercher mieux…» Oui, chercher mieux. La république des artistes de Weimar est là, sous ses yeux et à ses pieds, endormie dans la nuit. Liszt se dit en lui-même: que de belles et bonnes choses je vais pouvoir faire dans le silence de cette petite ville!

Liszt y a été nommé, quelques années plus tôt, maître de chapelle, dans cette ville où règne le grand-duc Charles-Alexandre. La ville jouit d’un grand prestige littéraire depuis qu’elle a accueilli les poètes Goethe et Schiller. La société raffinée qui l’habite fait bon accueil au couple; pour sauver les apparences, la princesse de Sayn s’installe à l’Altenburg, vaste propriété située sur les hauteurs, tandis que le musicien conserve une résidence en ville. Le virtuose du piano s’efface derrière le chef d’orchestre, le compositeur et le professeur. Une importante partie de son activité est consacrée à imposer, par le concert ou par l’écrit, des créateurs contemporains souvent mal accueillis. Wagner, tout d’abord, dont il avait fait la connaissance en 1840, trouvera auprès de lui un appui qui ne se démentira pas. Années au cours desquelles s’affirme en Liszt une personnalité nouvelle. Ami jamais las, il érige en vertu l’exercice de la charité et ne se laisse pas atteindre par les jalousies et les antipathies. C’est avec une certaine sérénité qu’il compose la plupart de ses œuvres symphoniques.

L'auteur de l’article est historien.

La suite de l'article sera publiée la semaine prochaine...

 

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