Candidat anti-Sarko, Bayrou pourrait rafler la mise

Écrit par Marc Gadjro, La Grande Époque - Montréal
19.04.2007

 

 

 

PRÉSIDENTIELLES

À une semaine du premier choc électoral, la campagne présidentielle française s’emballe. Ratissant depuis des mois bien au-delà des lignes de fractures idéologiques, les principaux candidats tentent à grand-peine de maintenir la cohésion de leur camp respectif. Les Français ont rarement paru aussi indécis. Un temps dépassé, François Bayrou devrait rafler la mise. Petit flottement avant l’impact…

  • : François Bayrou, candidat aux présidentielles françaises.(Staff: DAVID ADEMAS / 2007 AFP)

 

«Assez de l'esprit sectaire!»

Alarmiste à souhait, l’appel lancé samedi par l'ancien premier ministre socialiste, Michel Rocard, en faveur d’une union Bayrou-Royal contre le candidat de l’UMP, Nicolas Sarkozy, a fait l’effet d’une bombe et a retenti tout au long de la semaine dernière. 

La gauche «ne doit pas refuser l'alliance avec un centre [droit] rénové». Immédiatement répercuté par Bernard Kouchner, un autre «éléphant» du PS de surcroît membre de l’équipe de campagne de Ségolène Royal, le raffut ne pouvait pas mieux tomber pour François Bayrou, grand pourfendeur du bipolarisme politique français dont la cote de popularité, véritable phénomène de cette campagne, semblait marquer le pas depuis plusieurs semaines.

Du pain béni pour Bayrou

«C'est pain béni» pour le candidat de l'UDF, qui prétend former un gouvernement d'union nationale dépassant le clivage droite-gauche, et que ses opposants qualifient d'homme seul, sans équipe et sans programme, note Philippe Braud, professeur parisien de sciences politiques, qui relève cependant que M. Rocard est «très isolé» au PS.

Les appels de Rocard et Kouchner sont «pour moi un très grand espoir de pouvoir rassembler au-delà des clivages habituels», a réagi dimanche le candidat centriste, ajoutant qu'il y a «beaucoup de gens, à droite comme à gauche, qui veulent une démocratie de réforme constructive et déterminée». Dans son manifeste, M. Rocard ajoutait qu'«isolés, ni eux (les centristes) ni nous n’avons aucune chance de battre la coalition de Nicolas Sarkozy et Jean-Marie Le Pen».

Contre la droite nationaliste

En effet, le même jour, le bras droit du candidat UMP, Brice Hortefeux, proposait d'introduire une dose de proportionnelle dans le mode de scrutin appliqué aux prochaines législatives, ravivant les soupçons sur un éventuel rapprochement entre UMP et FN, pour qui la proportionnelle est une vieille revendication.

Ainsi débordés de l’intérieur par une partie de leurs propres troupes, les deux principaux candidats n’ont pas tardé à réagir. Nicolas Sarkozy a vite affirmé qu'il ne se sentait «absolument pas engagé» par les propos de M. Hortefeux, et Jean-Marie Le Pen a affirmé qu'il n'y avait «aucun accord, pas même de conversation» avec Nicolas Sarkozy.

Ségolène Royal s’est, elle aussi, insurgée contre l’idée d’une alliance entre son parti et celui de François Bayrou, assurant qu'elle ne se livrerait à «aucune manœuvre dans le dos des électeurs». «Pas question que le PS s’allie avec l’UDF, formation de droite dont les choix politiques sont contraires aux nôtres», a sèchement déclaré Laurent Fabius, un autre cadre socialiste.

Le retour du vote utile

Mais les commentateurs n'en soulignent pas moins que des fissures apparaissent, alors même que plus d'un tiers des sondés se déclarent encore indécis. Selon les derniers sondages, M. Sarkozy recueille de 26 à 29 % des intentions de vote, Mme Royal de 23 à 25 %, M. Bayrou de 17 à 21 % et M. Le Pen de 13 à 15 %.

M. Sarkozy l'emporte au second tour sur Mme Royal, avec de 51 à 53,5 %, mais en supposant qu'il puisse parvenir au second tour, M. Bayrou est donné vainqueur sur le candidat de l'UMP.

 

D'où la tentation, pour certains à gauche, d'un «vote utile» pour battre M. Sarkozy.

L'appel de Rocard est une nouvelle preuve du fait que le PS «est partagé entre deux tendances, celle de l'ancrage à gauche et celle d'une alliance avec le centre, avec des personnalités comme Dominique Strauss-Kahn», note Philippe Braud.

«Et le message derrière cet appel, c'est qu'il faut soutenir celui qui est le plus à même de battre Sarkozy. Donc, Bayrou», ajoute-t-il.