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"Shanghai, mon amour", la face obscure de l'économie chinoise révélée

Écrit par La Grande Époque
19.04.2007
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Didier

Heiderich est spécialiste de la communication de crise,

enseignant, directeur de la publication du Magazine de la communication

de crise et sensible et auteur de Rumeur sur internet, éditions Village Mondial, 2004. Enfin, il est le président de l’Observatoire

international des crises, association qui fait le lien entre les travaux

des chercheurs et la société civile.

Suite au blocage en Chine du site internet de l'Observatoire

international des crises

il a répondu à quelques questions, lors d'une entrevue avec Hanna Wang.

  • Didier Heiderich (攝影: / 大紀元)

 

 

LGE : Pouvez-vous nous présenter l'Observatoire International des Crises, quels sont sa vocation et ses objectifs?

DH : Notre association a pour but d’aider les industriels et les entrepreneurs à comprendre ce qu’est la gestion de crise et la communication de crise. Ses membres ont la double casquette d’enseignant universitaire et de consultant dans le domaine de la gestion et de la communication de crise.

LGE : A quel moment avez-vous su que votre article avait été censuré et que votre site avait été bloqué?

DH : On l’a appris par des correspondants en Chine fin février 2007. Reporters sans frontières l’a vérifié et c’est bien cet article qui est la source du blocage.

LGE : Comment en êtes-vous arrivé aux conclusions de cet article, est-ce que vous avez fait des enquêtes en Chine?

DH : Ça vient de gens que j’ai rencontrés qui connaissent bien la Chine et des articles que j’ai lus. Par rapport à cette pensée commune selon laquelle la Chine serait un terrain de jeu extraordinaire pour le libéralisme et pour l’industrie, c’est concomitant d’autre chose. Les crises pouvaient surgir aujourd’hui de la façon dont les industries réalisaient leurs achats et leurs sous-traitances. En particulier, entre la situation extraordinaire de la Chine et la situation des droits de l’homme sous le régime actuel, il y avait un risque pour tous les industriels de devenir autistes et de refuser de voir tous les petits désagréments qu’il peut y avoir soit un achetant soit en investissant en Chine. Par rapport à toutes les entreprises en Occident qui parlent toutes de responsabilité sociale et de responsabilité environnementale, ça montre un décalage considérable entre ce discours qui veut qu’une entreprise soit plus responsable et de l’autre côté oublier totalement cette responsabilité-là, à partir du moment où vous investissez en Chine.

LGE : Pourquoi le gouvernement français ne s’aperçoit-il pas de la situation « autistique » de ces entreprises en Chine?

DH : Il y a un décalage dans le discours parce que ce que le régime chinois est capable de leur montrer lors de visites à Shanghai, est mis en scène et les investisseurs français refusent de voir ce qui est en périphérie, et ce qu’on ne veut pas leur montrer et qui est nettement moins bien. Je dirais que la réalité chinoise est plus complexe, plus difficile, plus dure que ce qu’on se l’imagine. Elle est moins respectueuse des droits de l’homme et de l’environnement que ce qu’ils veulent bien montrer aux investisseurs. Finalement, là où il y a de l’autisme c’est dans le refus de voir ce qu’il peut y avoir en périphérie.

LGE : Pouvez-vous nous dire ce que vous connaissez de cette périphérie?

DH : Tout d’abord il y a la problématique des déplacements massifs de population avec un appauvrissement des paysans qui, pour vouloir survivre, acceptent de travailler dans les grandes villes dans des conditions de travail extrêmement difficiles, qui sont très loin du minima du Bureau International du Travail. C’est la pollution et la désertification qui continue à avancer, ce sont toutes les difficultés que vont rencontrer ceux qui vont travailler dans des usines qui travaillent pour des Occidentaux, c’est la pénibilité du travail, ce sont des conditions qui sont totalement inacceptables.

LGE : Quelle est votre motivation?

DH : Ma motivation vient du fait de vouloir prévenir à un moment donné qu’une pensée commune aussi forte et fermée est une erreur. Et de croire que la Chine accepte une part du capitalisme ce n’est pas pour autant qu’elle deviendrait plus démocratique. Je pense que ça  c’est quelque chose de totalement faux. Je pense également que ce n’est pas en acceptant ça que nos dirigeants – et je parle bien de nos dirigeants parce que si on interroge les Français individuellement, je ne pense pas qu’ils soient d’accord avec le fait qu’on ne conteste pas les pratiques du régime chinois – en revanche nos dirigeants préfèrent taire, et je pense que c’est une erreur – de ne pas contester, de ne pas dénoncer ce régime-là en espérant derrière obtenir des marchés importants pour nos grandes entreprises.

LGE : Donc pour vous ce n’est pas une chance, économiquement, il n’est pas sûr que ce soit profitable pour les Occidentaux?

DH : Absolument, je pense que même économiquement c’est une erreur.

LGE : Et comment en arrivez-vous à ces conclusions?

DH : Parce que à un moment donné qu’on le veuille ou pas, il y a la « morale des affaires ». La problématique de la liberté d’expression et des libertés d’une façon générale posera un problème qui finira par toucher très directement les problématiques économiques, ne serait-ce que par le respect du contrat, etc. Il n’y a pas seulement des informations concernant des sujets très sensibles du type dissidence, contestation du régime, etc., qui sont filtrées, mais également l’information de type économique. En travaillant sur la base d’informations qui ne sont pas les vraies ou les bonnes informations, on finit par faire certainement des erreurs d’ordre économique.

LGE : Est-ce que vous pensez que depuis 1989 la nature du régime chinois a changé?

DH : La nature n’a pas changé, et on n’a pas le droit de cautionner ce régime qui est une dictature. Vous savez ça choque beaucoup les Français quand je le dis, surtout les industriels qui refusent, qui sont incapables d’entendre autre chose que ce qu’ils ont envie d’entendre. Chaque fois que j’en parle, et j’en parle souvent avec des nouveaux industriels qui ont investi en Chine, ils refusent d’entendre que c’est une dictature. Ils semblent, comme les Chinois le sont, sous l’emprise du régime communiste qui bloque leur compréhension.

LGE : Pourquoi ce comportement apparaît-il chez les investisseurs?

DH : Il y a un tel conditionnement de cette pensée unique, que les gens les plus raisonnables qui ont le plus d’expériences ont oublié littéralement tout leur savoir-faire en matière de gestion des affaires.

LGE : Et pourtant les Français sont connus pour leur esprit critique…?

DH : Les Français ont toujours eu une fascination vis-à-vis de la Chine, ajoutez à cela un discours ambiant qui est toujours le même (si on regarde tous les articles écrits dans les journaux économiques concernant la Chine, ils vont tous dans le même sens), tout cela ne fait qu’accroître cette fascination et à un moment donné ça supprime tout esprit critique.

LGE : Est-ce que vous pensez que les droits de l’homme puissent être dissociés des relations commerciales avec la Chine?

DH : Je suis entièrement d’accord que l’on ne peut pas séparer les choses. Les Occidentaux n’ont pas le droit de prétendre vouloir dicter la morale au monde et d’oublier ces principes, à partir du moment où il s’agit de faire de l’argent, soyons clairs.

LGE : Selon vous, quelle est la conséquence de la pensée unique sur les Chinois ?

DH : La pensée unique pour les Chinois a abouti au fait que lorsque l’on critique le régime, chaque Chinois a l’impression que c’est lui que l’on critique.

LGE : Dans votre analyse, comment pouvez-vous dire que l’investissement en Chine n’est pas en fait un bon choix économique pour une entreprise ?

DH : À partir moment où il y a refus de voir la réalité, on court des risques inconsidérés industriels, financiers ou autres. C’est une évaluation entre le niveau du risque et la probabilité qu’il y ait un accident qui arrive. Concernant les investissements en Chine, il y a un manque de prudence initiale.

LGE : Est-ce qu’il y a des facteurs qui sont plus importants dans votre analyse?

DH : Les facteurs qui sont importants, c’est le risque humain. Le risque humain, dans la probabilité de réussite ou de crise d’une entreprise, est prépondérant. Et à partir du moment où on accepte d’aller investir dans un pays qui ne respecte pas les droits de l’homme, on prend un risque énorme, un risque de crise véritablement gigantesque. La Chine c’est une poudrière, à un moment il suffira qu’il y ait une étincelle et un scandale immense, pour que tous ceux qui sont allés investir en Chine en étant peu regardant des facteurs humains et des conditions de vie et du respect des droits de l’homme, puissent être condamnés par l’opinion publique de manière très lourde. A un moment donné on se réveillera de notre anesthésie et pour ça il suffira qu’un événement grave se pose et devienne emblématique.

LGE : À part le facteur humain, est-ce qu’il y a d’autres facteurs qui sont défavorables pour investir en Chine?

DH : Le second c’est d’investir en faisant des transferts de technologies et de perdre en Occident la technologie. Je vais vous dire pourquoi ils le font quand même, aujourd’hui nous n’avons plus de politique industrielle. Ça veut dire la seule qui conditionne la marche des affaires c’est le profit à court terme. Donc à partir du moment où on peut réaliser des profits à court terme, c’est devenu un facteur déterminant. Ça veut dire qu’on ne considère plus comme important de perdre des technologies. C’est véritablement perdre car à partir du moment où on transfère des technologies en même temps on ferme des usines en Occident. Il faut véritablement être conscient de ça. Aujourd’hui comme les gouvernements n’ont plus la main sur la marche des affaires, et que ce qui fait fonctionner les affaires c’est les rendements financiers à court terme, plus personne ne s’intéresse véritablement à l’avenir en Occident.

LGE : C’est la responsabilité des Occidentaux qui ont un esprit de court terme.

DH : Oui et c’est un événement énorme pour nous car derrière l’enjeu est considérable.

LGE : Est-ce que c’est dans les principes de la France de privilégier les investissements à court terme plutôt que les libertés et les droits de l’homme ? Et est-ce que les investissements aident les Chinois?

DH : Ceci est totalement contraire à nos principes ancestraux. Non, ça n’aide pas les Chinois. Là il y a une erreur fondamentale, en couvrant nos esprits. Et pour tous ceux qui ce sont battus en France pour que l’on ait des valeurs de liberté, qu’on ne respecte pas lorsque l’on travaille avec la Chine, d’abord d’un point de vue purement moral et éthique ça me paraît assez catastrophique, d’autre part c’est une vision à court terme, car en faisant ces courbettes, le jour où il y aura une crise réelle visible (car elle est réelle mais pas encore visible), le jour où cette crise sera visible en raison d’un incident médiatique, on posera la question à nos gouvernants, comment ça se fait que vous ayez accepté de collaborer avec ce régime-là en leur faisant des courbettes….

LGE : On sait que la plupart des investissements étrangers sont utilisés pour contribuer à la répression en Chine, peut-être que les Occidentaux n’ont pas encore les chiffres en tête?

DH : Oui ni les chiffres, ni même la conscience.

LGE : Et sur le rôle des gouvernements?

DH : Je pense que nos gouvernements participent volontairement au fait de museler les dissidents, à partir du moment où les intérêts d’ordre industriels et économiques sont en jeu.

LGE : Vous avez cité un exemple de la visite de Hu Jintao en France…

DH : Les dissidents ont été éloignés de cette visite-là, avec l’interdiction de manifester aux abords. Je me souviens très bien de la façon dont les forces de l’ordre faisaient en sorte qu’il n’y ait pas de problème y compris sur les passages du convoi officiel en voiture. Je pense à titre personnel qu’il y a une complicité des régimes occidentaux avec le régime chinois à partir du moment où ça concerne des intérêts d’ordre stratégique et économique.

 

LGE : Pour finir conseillez-vous aux industries françaises d’aller investir ou de ne pas aller inverstir en Chine ?

DH : Très simplement je ne conseille pas de ne pas investir en Chine, je pense également que ce serait une erreur que de déserter ce pays, d’ailleurs ce n’est pas imaginable dans le monde d’aujourd’hui. Mais simplement à chaque fois que quelqu’un veut investir en Chine, c’est de retrouver ses réflexes initiaux de managers du bon sens, et puis d’avoir beaucoup de rigueur sur toutes les affaires qui sont faites là-bas. Rigueur au niveau des affaires et rigueur sur le plan également de l’humain et de l’environnement. 

Propos recueillis par Hanna Wang

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