Bagdad : quatre années de combats

Écrit par Vincent Duclos, La Grande Époque - Montréal
24.04.2007

Avril 2003 – L’armée américaine prend Bagdad. Après avoir renversé le régime de Saddam Hussein, le président George W. Bush déclare, le 1er mai 2003, que la guerre est terminée, et que l’«opération libération de l’Irak» est un succès.

Le 18 avril 2007 – Quelque 190 civils irakiens perdent la vie dans des attentats dont 140 au seul marché d’al-Sadriyah, à Bagdad. Il s’agit du plus lourd bilan provoqué par une seule explosion depuis l’invasion de 2003. Les combattants sunnites qui revendiquent l’attentat semblent se moquer du nouveau plan de sécurité mis en branle par les autorités américaines et irakiennes et qui entre dans son troisième mois. Rien de vraiment différent à Bagdad. Au cours du dernier mois seulement, plus de 100 voitures ont explosé. 

  • Un soldat américain prend une position de tir(Stringer: WISSAM AL-OKAILI / 2007 AFP)

 

Sécurisation de Bagdad

Lancé le 14 février dernier avec tambours et publicité, le plan de sécurisation visant à diminuer radicalement le niveau des violences dans la capitale irakienne prévoit notamment le déploiement de 90 000 soldats américains et irakiens d’ici le mois de juin. Critiqué de toutes parts, ce nouvel effort américain donne jusqu’à maintenant des résultats plutôt mitigés.

C’est dans une ville endeuillée par les attentats de la veille que Robert Gates, le chef du Pentagone, est arrivé le 19 avril dans la capitale irakienne. M. Gates a profité de sa visite en Irak pour avertir que l’engagement américain n’en était pas un «à avoir nos jeunes hommes et femmes patrouillant sans fin les rues irakiennes». Il a aussi, au terme d’une visite de deux jours, demandé au premier ministre chiite de «tendre la main aux sunnites», ce à quoi M. Maliki a répondu avec optimisme.

Maliki a déclaré, lors d’une visite en Égypte, que grâce au plan de sécurité la violence aurait été en grande partie maîtrisée. Le recours des rebelles aux voitures piégées démontrerait, selon lui, qu’ils craignent d’affronter directement les forces de sécurité.

La colère dans la rue

Il semble toutefois que l’optimisme des gouvernements américains et irakiens ne soit pas partagé par tous. «Ce qui s’est passé prouve que le plan de sécurité n’est pas dirigé contre ceux qui sont derrière la vraie terreur», a affirmé au journal L’Humanité Saleh Hassen Issa Al Igaili, député du mouvement chiite radical de Moqtada Sadr. «Il va sans dire que les organisations terroristes produites ou supervisées par l’occupant étaient derrière cette calamité », accuse ce dernier.

Même son de cloche dans les rues chiites de Bagdad. «Le gouvernement parle du plan de sécurité, mais des dizaines de personnes meurent chaque jour. Personne ne nous protège», déplore un habitant du quartier de Sadriyah, cité par Reuters.

Il y a quelques semaines à peine, un très prudent optimisme venait de la volonté des milices chiites de Moqtada Sadr de laisser tomber les armes et de collaborer avec le plan de sécurité. Or, l’incapacité des forces de sécurité à protéger les communautés chiites appelle au retour au travail des groupes armés.

Divisions et contradictions à Washington

La pression exercée sur l’administration Bush concernant la guerre en Irak est de plus en plus forte. Le 19 avril, le chef de la majorité démocrate au Congrès américain, Harry Reid, déclarait que cette guerre était «perdue». Il ajoutait ainsi sa voix à celles de millions d’Américains qui se demandent comment se fait-il que la première puissance militaire de la planète, après quatre années d’occupation où elle dépense un milliard de dollars chaque semaine, a peine à pacifier ce petit pays de 24 millions d’habitants.

Pour sa part, le président, George W. Bush, a affirmé, dans un discours du 20 avril, que le plan de sécurisation mis en branle «remplit les attentes», et que «le cours du combat commence à changer». D’un côté, Washington se félicite du succès de ses actuelles opérations, mais il est mis en doute par les acteurs locaux, à commencer par les Bagdadiens eux-mêmes. De l’autre côté, la volonté de mettre en accusation l’Iran, ou encore les différentes parties impliquées dans le conflit pour les violences actuelles, est de plus en plus visible. «C’est au peuple irakien et aux élus irakiens de montrer aux États-Unis et au monde qu’ils sont prêts à faire le dur travail nécessaire pour se réconcilier et aller de l’avant», a lancé M. Bush.

L’utilisation par les dirigeants américains d’un discours axé sur la responsabilité des Irakiens de prendre en charge leur destin politique est de plus en plus présente. Il est permis de se demander si une telle tendance ne cacherait pas un certain pessimisme quant à l’avenir de la mission américaine, contrastant ainsi avec le discours officiel qui se garde de parler d’un éventuel retrait des troupes et se concentre plutôt sur les objectifs de sécurisation à atteindre.