L’ikebana, l’art japonais de cultiver les fleurs

Écrit par Radio Son de l’Espoir
03.04.2007

 

 

 

 

 

Ikebana est un mot d’origine japonaise, qui signifie « la nouvelle vie

des fleurs ». Ike c’est le chemin et hana : les fleurs, donc la

nouvelle vie, le nouveau chemin des fleurs. Parce qu’évidemment on

coupe des fleurs, on coupe des branches et on redonne vie aux fleurs

qui sont coupées. Et surtout on ne copie pas la nature.

  • Un ikebana géant (攝影: / 大紀元)

 

 

Ikebana vient de Chine au 7e siècle. Un prêtre bouddhiste a rapporté ces notions d’ikebana qui sont en fait une offrande aux dieux, au bouddha, qui était uniquement réalisée par des moines. Les premières personnes qui ont fait de l’ikebana sont des hommes. Il y a actuellement beaucoup de femmes, mais à l’époque ce n’était que des hommes et des moines. Par la suite, c’est arrivé au Japon et comme toujours, les Japonais ont introduit d’autres notions et ont fait évoluer cet art à leur manière. Aujourd’hui l’ikebana en Chine et l’ikebana au Japon ne sont plus du tout les mêmes.

LGE : En quoi consiste l’ikebana ?

Madame de Castelbajac : Ikebana consiste à mettre ensemble des fleurs et des branches, dans un équilibre qui correspond à la relation qui peut exister entre le ciel, l’homme et la terre. C’est la base de l’ikebana, c’est le triangle dont on a entendu parler sans toujours savoir ce que ça veut dire : la branche la plus haute correspond à la relation avec le ciel, la branche moyenne qui est placée aux 2/3 de la première correspond à l’homme et la dernière, la plus petite, placée à 1/3 de la 2e correspond à la terre. C’est le rapport entre les trois qui fait que l’arrangement réalisé est un ikebana, c’est-à-dire que l’arrangement triangulaire crée dans l’esprit des gens la perfection qu’ils recherchent. Cette perfection qu’on tente d’obtenir, en réalité, on ne l’obtient jamais car la perfection n’existe nulle part. La perfection de la relation entre le ciel, l’homme et la terre ferait qu’il y aurait la paix dans le monde et que plus personne ne se querellerait…

LGE : Une harmonie...

Mme de Castelbajac : Exactement, une harmonie totale, c’est là notre but en fait.

LGE : Le vase a aussi son importance ?

Mme de Castelbajac : Le vase a une importance immense, et c’est un de nos plaisirs car par rapport au vase, on se dit : tiens qu’est-ce que je vais mettre dedans ? Comment je vais arranger ? Il est évident qu’un vase haut et rond ne recevra pas les mêmes plantes qu’un vase plat et bas qu’on appelle moribana, un plat dans lequel on mettrait très peu d’eau, et l’eau peut égaler la terre, c’est-à-dire quand je parle des trois points, l’eau peut être l’équivalent de la terre.

LGE : D’autres matériaux pourraient être utilisés, comme des cailloux par exemple ?

Mme de Castelbajac :  Les écoles très anciennes n’utilisent pas d’autres objets que les fleurs et les branches. Les cailloux ont toujours été utilisés car ils ont l’avantage de cacher ce qu’on fait en dessous pour maintenir l’ensemble.

Mais dans notre école, l’école Sogetsu, qui est l’une des plus récentes  (elle existe depuis 1929), on peut utiliser ce qu’on veut : verre, plexiglas, fer, porcelaine. C’est une école créée par Sofu Teshigahara, décédé depuis un certain nombre d’années.

Il a créé une école complètement différente car il ne voulait plus des règles strictes des écoles du début dont son père faisait partie. Ensuite il y a eu la guerre, donc il n’y avait plus tellement de matériaux pour faire des arrangements floraux. On y a donc inclus les choses qu’on trouvait : métal fer, bois, mais toujours avec des fleurs. Et toujours des fleurs vraies, jamais des fleurs artificielles.

Les branches peuvent être abîmées, vieilles, sèches ou jeunes, belles, vertes ou colorées. Ce sont toujours des choses vivantes au départ.

LGE : On dit que le pratiquant d’ikebana a un dialogue avec les végétaux ?

Mme de Castelbajac : Dans le sens où la personne qui organise un arrangement d’ikebana les disposera en fonction de ses goûts, de la saison, des couleurs. Ceci aussi à partir du vase car le vase donne lieu à un choix différent selon sa couleur et sa construction. Le dialogue avec les fleurs est le même que celui que l’on a avec les plantes que l’on a chez soi et que l’on arrose. Vous savez quand on a une plante, on dit qu’il faut lui parler.

Dans le cadre d’ikebana, on peut dire que les branches ont aussi leur mot à dire, c’est-à-dire que vous voulez faire telle chose, mettre votre branche pliée un peu de telle manière et elle ne veut pas toujours. C’est donc un peu ça la relation que l’on a physiquement, matériellement avec la fleur. L’état mental dans lequel vous êtes se reflète dans les arrangements qui sont tristes lorsqu’on est triste et gais quand on est gai. Ca se voit, on peut tout de suite le reconnaître. Mais comment ça se passe, c’est un peu difficile à dire, c’est très personnel, c’est la personne qui fait et agit avec les fleurs, avec ses mains ; on courbe certaines branches, on coupe comme il faut les fleurs dans l’eau de manière à ce qu’elles gardent vie plus longtemps.

LGE : Vous même vous pratiquez l’ikebana depuis longtemps ?

Mme de Castelbajac : oui, depuis 15 ans.

LGE : Pouvez-vous nous dire ce que ça vous a apporté ?

Mme de Castelbajac : Il y a 16 ans j’ai vécu un très grand drame dans ma vie et pour me remettre de cette perte immense, j’avais des amis qui pratiquaient l’ikebana qui m’ont dit : Viens avec nous, tu verras c’est sympa. J’ai été éblouie dans la mesure où ce rapport, cette intimité avec les fleurs m’a transformée et beaucoup aidée.

LGE : Apaisée ?

Mme de Castelbajac : Oui. On travaille toujours dans le silence, car c’est le silence qui fait que l’on a ce rapport avec les plantes. J’ai eu comme professeur une Japonaise. Bien qu’elle ne parle pas français, elle avait vraiment un talent pour nous faire partager toute les émotions que l’on peut vivre et tout ce qui se passe au Japon, les fêtes qui font que nous effectuons des arrangements différents, selon les saisons et les fêtes. On ne fait pas les mêmes arrangements en hiver qu’au printemps et ça c’est tout à fait dans l’ordre des choses d’utiliser une fleur de saison.

LGE : C’est une sorte de sagesse, non ?

Mme de Castelbajac : C’est une sagesse à laquelle on essaie d’arriver. Au début, on a toujours envie de mettre beaucoup de choses, et en fait, l’apprentissage de l’ikebana nous enseigne à nous défaire de ce qui est en trop. On coupe des branches, on coupe des feuilles parce que même si cette feuille est très jolie, elle est tout de même en trop. Si vous voulez, par rapport à notre intériorité, on a souvent tendance à avoir trop de choses. Avec l’ikebana, on apprend à se détacher , à ne garder que le minimum.

LGE : Cela apprend un certain principe de l’impermanence, à vous détacher également du bouquet ?

Mme de Castelbajac : C’est un art de l’impermanence parce que maintenant je fais un arrangement et si je reviens ce soir, il y aura une feuille qui aura changé de place, ou une fleur qui se sera détachée. Un arrangement d’ikebana est beau dans l’instant, maintenant. On ne le fait pas pour qu’il dure plusieurs semaines. D’ailleurs il ne dure jamais plusieurs semaines.

LGE : Cela vous apprend à vous détacher vous aussi ?

Mme de Castelbajac : On a voulu faire en sorte que l’ikebana soit un art qui puisse être pratiqué par tout le monde. Le maître d’ikebana Teshigahara qui a créé l’école Sogetsu dit : « Un ikebana peut être fait n’importe où, par n’importe qui, avec n’importe quels matériaux ». Cela avec les rites qu’on utilise. Il ne veut pas qu’ikebana soit pratiqué par des gens triés sur le volet. On peut trouver une âme, une philosophsie profonde, un calme profond avec n’importe quel matériel.

 

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