La démocratie testée au Timor Oriental

Écrit par Shar Adams, La Grande Époque - Australie
30.04.2007

 

 

 

 

 

 

 

La façon, pacifique ou non, dont avancera le Timor Oriental dépendra largement de l’attitude du Parti d’opposition Fretilin, analyse l’expert Francisco Da Costa Guterras. 

  • Comptage des bulletins après la fin du 1er tour des élections présidentielles est-timoraises(Staff: Paula Bronstein / 2007 Getty Images)

 

 

A la surprise générale, le Fretilin, parti d’obédience marxiste, arrive en tête du premier tour des élections présidentielles au Timor oriental, suite à un scrutin controversé avec plus de 30 % d’abstentions assez largement interprétées comme conséquence de pressions sur les électeurs.

Plus de 500 000 électeurs se sont rendus aux urnes le 9 avril pour choisir un président entre les 8 candidats, parmi lesquels jusqu’à des chefs de tribus. Au final trois candidats seulement avaient une chance d’être élus : M. Ramos Horta, actuel Premier ministre (et prix Nobel de la Paix 1996), Francisco « Lu Olo » Guterres du Fretilin , et le fondateur du mouvement de résistance des étudiants et du parti démocratique Fernando «Lasama» de Araujo.

Le gagnant surprise du premier tour est Francisco Guterres avec 28 % des suffrages, suivi de Ramos Horta avec 23 %. M. Guterras pense donc que le second tour devrait voir une coalition de candidats minoritaires se ranger aux côtés de M. Ramos Horta – soutenu par l’actuel président et héros national Xanana Gusmao – face à un front commun organisé  par «Lulu Olo» Guterres et «Lasama».

Interrogé depuis Dili par La Grande Epoque, M. Guterras indique que la ville est calme et qu’aucune émeute n’est prévu. C’est la première fois depuis que le Timor Oriental a obtenu son indépendance de l’Indonésie, en 1999, que les Est-timorais élisent leur président. Comme à chaque événement politique de la plus jeune nation d’Asie, les craintes sont nombreuses de voir se rouvrir les cicatrices des années de guerres, comme cela a eu lieu début 2006 lors de conflits entre le Président et son Premier ministre. Malgré le calme actuel, le risque existe que des combats ensanglantent à nouveau Dili si les résultats du second tour des élections ne sont pas en faveur du Fretilin.

«Je ne suis pas certain que le Fretilin accepte les résultats », s’inquiète M. Guterras. « S’ils perdent j’ai peur que les violences reprennent. Cela détruirait tous les efforts faits pour le développement d’une démocratie».

La présidence est-timoraise est pourtant considérée comme une fonction purement cérémoniale ; mais tout l’enjeu des élections vient du fait qu’elles sont aussi un galop d’essai et un test des intentions de vote avant les élections parlementaires, décisives, prévues entre fin juin et début juillet.

«Celui qui gagnera la présidentielle gagnera aussi les prochaines élections», analyse M. Guterras, qui travaille à l’Institut sur le Timor de Dili, la capitale. D’après lui, Fretilin a eu sa chance au Gouvernement et n’a pas amélioré la situation du Timor, ce qui ouvre la voie au changement politique.

«Fretilin a eu sa chance pendant 4 ou 5 ans. Ils n’ont offert au peuple aucun développement significatif.»  «Les gens veulent du changement. Ils veulent un nouveau régime, un régime qui puisse offrir stabilité et développement économique, un régime qui puisse les sortir de la pauvreté», dit-il.

D’après lui, les partis d’opposition ont montré dans le passé qu’ils pouvaient accepter le choix du peuple en acceptant leur défaite après la première élection et en donnant une chance à Fretilin. Fretilin en fera-t-il autant ?

«Cela va être un énorme test pour notre démocratie», dit Guterras.

Le Timor oriental n’a pas connu de repos depuis son indépendance. La dernière réminiscence des années de guerre s’est manifestée en mai 2006.  En effet, une force de maintien de la paix internationale, dirigée par l’Australie, a dû intervenir pour faire cesser les combats entre les forces gouvernementales et des milices armées par le Fretilin, et un groupe de rebelles dirigé par un ancien chef militaire est-timorais, Alfredo Reinardo.

Le Major Reinardo, toujours dans le maquis et adulé par le peuple comme un libérateur s’étant opposé à «l’affairisme» du Fretilin, a toujours dit rester fidèle au Président Xanana Gusmao – tout en rejetant l’autorité du Gouvernement dirigé par le Fretilin.

«Mon commandant suprême est le Président. Je reçois mes ordres du Président, pas du Premier ministre», disait-il alors à ABC. L’ancien Premier ministre, Mari Alkatiri du Fretilin, avait finalement dû quitter son poste.

Pour M. Guterras, l’influence de Reinardo est intacte, et il devrait agir pour contrer le Fretilin.

«Nous n’avons pas de nouvelles de lui, mais je pense qu’il espère que le Fretilin ne gagne pas. Il serait extrêmement difficile de réconcilier Reinardo et le Fretilin, je crois que Reinardo va plutôt soutenir Horta».

Plus de 3 000 soldats étrangers, essentiellement Australiens et Néo-zélandais ainsi que 1 800 observateurs étrangers ont été déployés au Timor Oriental pour observer le déroulement des élections.