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Procès historique à Montréal

Écrit par Sharda Vaidyanath, La Grande Époque - Ottawa
05.04.2007
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Le procès de Désiré Munyaneza est le premier au Canada relatif aux crimes de guerre depuis la nouvelle législation à ce sujet

Justice au Canada

«[Juger Munyaneza à Montréal signifie que] nous n’allons pas confier à quelqu’un d’autre la responsabilité de poursuivre et de condamner les criminels étrangers. Nous allons le faire nous-mêmes», affirme Nicole LaViolette, professeure à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa et experte en loi criminelle internationale.

  • En 2004, des restes humains sont découverts dans l’église de Nyamata, Rwanda(Stringer: GIANLUIGI GUERCIA / 2004 AFP)

 

Mme LaViolette déclare qu’en termes juridiques, le procès de Désiré Munyaneza (pour son implication dans le génocide rwandais), qui a débuté la semaine dernière à Montréal, met pour la première fois en pratique le principe de «compétence universelle» de la loi canadienne.

L’experte en droit international considère que cela n’aurait pas été possible il y a seulement dix ans. Au cours des années 80, la Cour suprême canadienne avait déclaré la justice canadienne incompétente dans le cadre du procès de criminels de guerre nazis. Des experts considèrent celui de Munyaneza comme «très significatif». Il s’agit du premier procès pour crimes de guerre au Canada depuis quinze ans.

Depuis, cependant, le code criminel canadien contient les outils nécessaires. Le Canada a signé en 1998 un traité international sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre dans le cadre de l’adoption du Statut de la Cour pénale internationale (CPI). En octobre 2000, il a amendé sa loi criminelle en conséquence, ce qui donne la compétence aux tribunaux de poursuivre des étrangers suspectés d’avoir commis de tels crimes même à l’extérieur du pays.

Gary Caplan, auteur d’un volumineux rapport de 300 pages intitulé Rwanda: The Preventable Genocide (Rwanda : le Génocide qui aurait pu être évité) affirme : «Il y a une catégorie de crimes – les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide – qui sont si affreux et tellement plus graves que les crimes affreux ordinaires, qu’ils appartiennent au monde entier.»

Caplan est convaincu que le Canada a non seulement le droit, mais aussi le devoir de poursuivre les instigateurs de tels crimes, où qu’ils soient. «Cela place le Canada dans une position très forte internationalement. Je pense que sur ce point nous sommes bien en avance sur le peloton», soutient-il.

«Quand un conflit se termine, les gens vont partout dans le monde et atterrissent à des endroits comme le Canada», mentionne Jane Stoyles, coordinatrice du CCJI. «Nous avons encouragé le gouvernement à s’occuper de ces cas qui impliquent des fonctionnaires étrangers haut placés, parce que les poursuites criminelles sont initiées par le gouvernement.»

Peter Showler, auteur du livre Refugee Sandwich, croit que le Canada ne peut extrader Munyaneza vers le Rwanda, car il y a toute raison de croire qu’il pourrait y être torturé. «En tant que signataire de la Convention des Nations Unies contre la torture, la seule alternative pour le Canada est de le juger», estime-t-il.

Pour M. Showler, le Canada n’a pas, depuis la seconde guerre mondiale, su juger efficacement les criminels de guerre. «Une partie du problème est que c’est très difficile de lancer des procès ici, alors que tous les témoins sont ailleurs et que les événements ont eu lieu ailleurs.»

D’ailleurs, le juge et les procureurs se sont rendus à Kigali en janvier dernier pour rassembler des preuves et interroger des témoins ne pouvant se déplacer à Montréal. Ces informations seront utilisées au cours du procès.

Un seul juge aura en charge le procès de Munyaneza. Les procureurs essaieront d’établir le lien entre le génocide, les tortures, les viols et le rôle de Munyaneza en tant que commandant de milice.

Les procès d’envergure internationale comme celui-ci ont souvent un coût élevé et ne sont, d’après M. Showler, pas les moyens idéaux sur le long terme de faire face à des personnes, comme Munyaneza, qui demandent le statut de réfugié. Gary Caplan est, cependant, de son côté satisfait du soutien apporté par le gouvernement Harper à ce procès.

«En principe, cela devrait envoyer un message aux criminels de guerre qui se cachent au Canada et à ceux qui commettent des crimes de guerre au Soudan et au Darfour, leur disant qu’ils doivent faire attention, qu’ils n’auront ni l’impunité ni l’immunité au Canada.»

D’après Mme LaViolette, deux autres pays seulement, la Belgique et la Suisse, ont tenu des procès similaires. «Nous sommes en avance sur 189 autres pays, et le Canada est à la proue», fait-elle valoir. Stoyles rappelle pour sa part que le gouvernement rwandais, qui conduit lui-même des procès dans sa «Cour du peuple», soutient le procès de Munyaneza au Canada.

Désiré Munyaneza

Désiré Munyaneza, un quadragénaire autrefois riche homme d’affaires au Rwanda, a deux jeunes enfants. Après avoir été transféré à Montréal, à la fin de 2005, il a été poursuivi sous sept chefs d’accusation, deux pour génocide, deux pour crimes contre l’humanité et trois pour crimes de guerre. S’il est reconnu coupable, il fera face à la prison à perpétuité.

Munyaneza a fui le Rwanda pour le Canada en 1997 et a demandé le statut de réfugié. Sa demande, y compris les deux appels qu’il a faits, a été rejetée sans que sa déportation ne soit demandée. En octobre 2005, après une enquête de cinq ans de la Gendarmerie Royale du Canada, il a été inculpé sur la base de la législation sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre et a été arrêté à Toronto pour son rôle supposé dans le génocide rwandais de 1994. Cette année-là, en une centaine de jours, près d’un million de Tutsis et de Hutus modérés avaient été tués dans le génocide.

Le procès montréalais devrait durer au moins six mois et inclure le témoignage capital du sénateur Roméo Dallaire qui dirigeait, en tant que général, la mission de maintien de la paix des Nations Unies au Rwanda en 1994.

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