Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Pleins feux sur Pékin avant ses Jeux

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque - Montréal
10.05.2007
| A-/A+

 

 

ANALYSE 

 

Les «Olympiques du génocide»

En associant le terme «olympiques du génocide» avec le nom de la ville de Pékin, les gens au courant du dossier des droits de l’homme de la Chine peuvent penser à l’occupation du Tibet ou de la persécution de la pratique spirituelle Falun Gong. Mais cette expression ne fait, au départ, pas référence à ses deux drames.

Son inventrice est l’actrice Mia Farrow qui, dans une lettre publiée dans le Wall Street Journal du 28 mars 2007, a dénoncé les liens unissant la Chine et le Soudan. La lettre, intitulée The ‘Genocide Olympics’, suggère que le génocide ayant lieu au Darfour, téléguidé par le gouvernement soudanais, est en grande partie rendu possible grâce à l’aide économique et militaire du géant chinois

  • Le logo des Jeux de Pékin(Staff: TEH ENG KOON / 2007 AFP)

 

Les informations présentées par Mme Farrow, actrice décorée et ambassadrice itinérante de l’UNICEF, n’apportaient rien de nouveau au dossier. La relation entre les exactions commises au Soudan et le gouvernement de Pékin est régulièrement soulevée par divers médias et par les organisations de défense des droits de l’homme. La protection que la Chine accorde au régime de Khartoum (capitale soudanaise) se fait au grand jour dans les instances internationales comme le Conseil des droits de l’homme de l’ONU.

Mais cette salve publique, par une personnalité du show-business, est venue déranger les mandarins rouges pour qui l’image de leur pays dans le monde avant l’été 2008 est d’une importance primordiale. Le geste crucial de Mme Farrow a été d’interpeller le célèbre directeur hollywoodien Steven Spielberg, lui qui a été engagé par Pékin pour monter la cérémonie d’ouverture des Jeux de 2008. Comment celui qui est derrière la Liste de Schindler, ardent critique du nazisme et de l’Holocauste, pourrait relier son nom à un gouvernement qui participe indirectement à un autre génocide?

On rapporte que M. Spielberg, suite à ces associations nuisibles à sa propre intégrité, aurait écrit personnellement au dirigeant chinois, Hu Jintao. Ce dernier aurait dépêché au Soudan un émissaire pour sonder la situation. Les commentateurs y ont vu le pouvoir de la «diplomatie hollywoodienne», ses acteurs semblant avoir une voix qui porte plus loin que celle des politiciens.

Y a-t-il donc une lueur d’espoir pour les populations africaines noires du Darfour où les villages sont pillés et brûlés, les femmes violées, les enfants faits esclaves, etc.? Déjà en novembre 2006, le magazine Maclean’s rapportait que le conflit se répandait au Tchad et en République centrafricaine, les milices arabes janjaweed appuyées par Khartoum, porteuses d’une idéologie raciste, sortaient des frontières du Soudan pour poursuivre leurs actes barbares.

Pour l’instant la lueur est faible. La résolution de la question du Darfour nécessiterait le déploiement d’une force onusienne significative et effective, ce à quoi la Chine et le Soudan s’opposent depuis toujours. Les Jeux de Pékin arrivant à grands pas, est-ce que M. Spielberg fera confiance aux autorités chinoises et maintiendra son partenariat si rien n’a changé? Même advenant un geste considérable de la Chine pour se distancer le plus possible du Soudan, ce qui demeure improbable compte tenu de la grande quantité de pétrole en jeu, M. Spielberg pourra-t-il, en toute conscience, fermer les yeux sur la répression du peuple chinois par le régime du Parti communiste?

Contrairement à son engagement d’aller de l’avant avec la protection des droits de l’homme comme condition à l’obtention des Jeux, les rapports se multiplient pour dénoncer exactement le contraire.

Le dernier de ces rapports provient d’Amnesty International. Publié le 30 avril 2007, il souligne les efforts du régime chinois pour éradiquer toute dissension en vue d’arriver à une société «harmonieuse» et «stable». Avant les Olympiques, Pékin adopte la politique de «frapper fort» contre les ennemis de l’État, soit toute personne qui remet en cause la dictature du Parti unique ou qui demande le respect des droits de l’homme fondamentaux.

Amnesty se dit déçue par la réponse offerte par le Comité international olympique (CIO) quant à ces dernières mises au point sur les droits de l’homme en Chine. Le CIO semble engagé sur la voie de la sourde oreille, car c’est également sa propre crédibilité qui est en jeu dans cette histoire. L’idée selon laquelle l’octroi des Jeux à Pékin aurait l’effet d’un pouvoir souple menant le pays vers plus d’ouverture se révèle de plus en plus erronée.

Les voix appelant au boycott n’ont pas encore gagné en puissance et celles qui s’opposeraient à une telle action portent le nom des plus grosses multinationales, et ce sont ces dernières qui commanditent l’événement sportif (Coca-Cola, General Electric, Johnson & Johnson, McDonald's, etc.). Quant aux gouvernements au niveau mondial, à moins d’un choix critique de s’établir dans les principes et convictions du monde libre et démocratique, il est à ce jour peu probable qu’ils risquent de subir les foudres du dragon rouge en s’abstenant de participer à des Jeux dont l’esprit fondateur d’humanité et de fraternité ne pourra être respecté et qui serviront au régime chinois de caution concernant son stratagème de «montée pacifique» sur la scène internationale et de répression sévère à l’intérieur de ses propres frontières.

Y aura-t-il des athlètes qui choisiront la conscience avant la gloire personnelle et refusent de jouer les Jeux ou qui, pourquoi pas, déploieront un drapeau du Tibet sur la plus haute marche du podium? D’ici août 2008, une panoplie de possibilités s’étale pour l’humanité où les choix éthiques marqueront le déroulement d’un événement planétaire.

 

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.