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L’éthique et la guerre

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque - Montréal
11.05.2007
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ANALYSE

Les pacifistes peuvent dire qu’aucune guerre n’est morale, mais l’éthique dans la manière de conduire la guerre est bel et bien un enjeu moderne dans les combats qui opposent armées régulières et insurgés

Les erreurs militaires américaines en Afghanistan commencent à peser lourd sur le climat du pays. La semaine dernière, une bévue impliquant le bombardement de civils dans une région n’étant pas reconnue comme étant un fief des talibans a provoqué des manifestations contre les troupes étrangères et le gouvernement Karzai.

La réponse de Karzai était claire : il faut lutter contre les talibans, mais la mort de civils innocents n’est pas justifiable. D’autres messages sont également vifs et cruciaux : la patience du peuple afghan a des limites et chaque erreur des troupes étrangères est une faille de plus à exploiter pour les insurgés.

  • Des manifestants brûlent un drapeau américain,(Stringer: STRDEL / 2007 AFP)

 

La bataille pour les cœurs est primordiale sur le terrain. Tous les efforts mis en branle pour améliorer les conditions de vie de la population peuvent être ruinés par des actes isolés d’individus indisciplinés ou qui craquent sous la pression.

Un autre massacre avait eu lieu au mois de mars dernier lorsque, après une attaque contre leur convoi, les militaires américains avaient tiré sans discrimination sur des civils avec leurs mitraillettes.

La mort de civils causée par les forces étrangères est habituellement le résultat de dommages collatéraux lors de bombardements aériens ou de tirs d’artillerie, et les erreurs de jugement qui confondent les insurgés aux Afghans ordinaires ont également causé des pertes.

Les moindres gestes des troupes étrangères demeurent déterminants. En tant que forces occupantes étant supposées représenter la civilisation et amener la sécurité, elles n’ont aucune manière de négocier les questions éthiques.

Le traitement des Afghans faits prisonniers par l’armée canadienne puis remis aux autorités afghanes a causé un scandale qui a mis en ébullition la Chambre des communes dernièrement. Selon le rapport d’enquête du Globe and Mail, les soldats canadiens étaient irréprochables dans leur traitement des détenus, agissant humainement à leur égard. La faille était dans le système lui-même, car après le transfert des prisonniers, ces derniers devenaient la proie des geôliers et tortionnaires brutaux qui occupent toujours des postes dans le système de sécurité du pays.

Le refus du gouvernement Harper de reconnaître l’existence d’abus et de mauvais traitements a été fustigé par l’opposition, mais finalement une nouvelle entente a été conclue avec les autorités afghanes, octroyant aux représentants canadiens un accès illimité aux prisonniers afghans pour s’assurer que leurs droits fondamentaux soient respectés. Mais cela pourrait être insuffisant. Certains appellent à la création de prisons de l’OTAN ou canadiennes pour gérer les détenus de manière convenable.

Dans une lutte contre des ennemis accusés de terrorisme et de barbarisme, le maintien d’une ligne de conduite impeccable est la donnée la plus importante. Cette évidence devrait être gardée en tête autant par le gouvernement canadien que par les troupes sur le terrain. Il ne s’agit pas d’une question d’opinion publique pour éviter les scandales et ne pas froisser les Canadiens et les Afghans, il s’agit d’un simple principe d’intégrité et d’humanité.

Un récent sondage auprès des troupes américaines en Irak, effectué par une équipe médicale de l’armée auprès de 1700 soldats, a révélé des problèmes majeurs au niveau des mentalités par rapport à l’éthique. Moins de la moitié des individus sondés croient que la population irakienne doit être traitée avec respect et dignité. Plus du tiers croient que la torture est justifiable si elle aide à sauver un camarade ou à soutirer de l’information des insurgés. Environ 10 % ont dit avoir maltraité un Irakien en le battant, en le frappant ou en détruisant de la propriété inutilement (BBC).

Les Afghans, se retrouvant entre des soldats de ce genre et des talibans, vers qui peuvent-ils se tourner?

Les erreurs militaires ou les dérapages des forces étrangères, causant la mort de civils, ne font pas partie de la stratégie de combat, contrairement aux civils tués par les insurgés. Deux rapports sur les attaques contre les civils afghans ont été publiés à la mi-avril par Amnesty International (AI) et Human Rights Watch (HRW).

Les deux organisations, qui condamnent régulièrement les violations des droits de l’homme dans la guerre contre le terrorisme, s’en prennent à cette occasion aux talibans qu’ils accusent de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.

«En conduisant des attaques indiscriminées comme des attentats-suicides dans les endroits publics et en ciblant délibérément des travailleurs civils, les talibans commettent des crimes de guerre», déclare Claudio Cordone, directeur de recherche chez Amnesty. «Le fait que de telles attaques soient répandues et réalisées en tant que partie intégrante de la politique talibane constitue des crimes contre l’humanité», ajoute-t-il.

HRW note que près de 700 civils ont été tués par les talibans en 2006, soit l’année la plus sanglante depuis 2001.

«Les insurgés commettent de plus en plus de crimes de guerre, souvent en s’en prenant directement à des cibles civiles. Même quand ils s’en prennent à des cibles militaires, les attaques des insurgés sont tellement indiscriminées que les civils afghans sont les principales victimes», explique Joanne Mariner, directrice de la branche terrorisme et contre-terrorisme chez HRW.

Amnesty rapporte que le code militaire des talibans, le Laheya, approuve explicitement la prise à partie et le meurtre de civils. «La règle 25 déclare que lorsqu’un professeur continue d’enseigner après avoir été averti par les talibans, il doit être battu. Et s’il continue d’enseigner “contrairement aux principes de l’Islam”, il doit être tué. Pareillement, une fatwa talibane, ou un édit religieux, ordonne de mettre à mort quiconque appuie l’intervention menée par les États-Unis», est-il écrit dans le communiqué de presse d’AI.

Human Rights Watch a trois demandes principales. Premièrement, les insurgés doivent cesser toute attaque contre la population civile et arrêter les actes visant à intimider et à terroriser les Afghans. Deuxièmement, le gouvernement du Pakistan doit agir plus efficacement contre les insurgés qui s’entraînent et se réfugient dans les zones tribales frontalières pour planifier des attaques qui violent les lois de la guerre. Troisièmement, les forces afghanes et étrangères doivent «développer de meilleures règles d’engagement pour minimiser les pertes de vies civiles durant les hostilités». Pour ce faire, les installations militaires peuvent être «disposées plus loin des lieux civils, les convois ne devraient pas passer par des endroits populeux et la réponse aux attaques perçues ou réelles des insurgés doit être améliorée pour éviter de s’en prendre à des civils».

 

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