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Les menaces sur les avocats ralentissent les procédures judiciaires

Écrit par Irin News
13.05.2007
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IRAK 

BAGDAD - En décidant de quitter plus tôt son étude le 4 avril, Muhammad Shami, un avocat irakien de 44 ans, ne pouvait pas imaginer qu’il échappait ainsi à une tentative d’assassinat.

Peu de temps après être arrivé chez lui, il reçut un appel téléphonique

d’un employé de la société voisine de son étude, l’informant que deux

de ses collègues avaient été abattus dans leur bureau.

«J’étais désespéré et terrifié parce que je pensais que j’allais être

la troisième victime. Nous avions déjà reçu plusieurs menaces de mort

au cours des trois derniers mois pour avoir défendu certains dossiers,

mais nous ne pensions pas que nous risquions notre vie en faisant

appliquer la loi», raconte maître Shami.

 

  • À Bagdad, des Irakiens sunnites lors de la prière du vendredi(Staff: KARIM SAHIB / 2006 AFP)

 

Depuis ce jour, Me Shami n’est plus retourné à son étude.

«À mon grand regret, j’ai dû licencier mes collaborateurs», ajoute-t-il. «Des employés travaillant dans l’immeuble de mon étude m’appellent souvent pour m’informer que je suis recherché par des hommes masqués qui, en mon absence, ont inscrit sur la porte de l’étude des messages de menaces de mort.»

Me Shami envisage désormais de partir s’installer en Jordanie avec sa famille.

Les menaces à l’encontre des juges et des avocats se sont multipliées au cours des quatorze derniers mois en Irak, où on assiste également à une escalade généralisée de la violence sectaire depuis l’attaque d’un lieu saint chiite en février 2006.

Plusieurs centaines de juristes ont quitté le pays en raison des menaces et des persécutions dont ils font l’objet ; ce qui retarde les procédures judiciaires et prive des milliers de personnes de leurs droits légitimes.

Depuis l’invasion de l’Irak par les forces de la coalition dirigées par les États-Unis, au moins 210 avocats ont été tués et des dizaines d’autres ont été blessés au cours de tentatives d’assassinat, a indiqué l’Association des avocats irakiens (ILA).

«Beaucoup d’avocats irakiens ont été assassinés pour avoir plaidé dans des affaires d’adultère, de crimes d’honneur, de reconnaissance de droit de propriété, de garde d’enfants et de divorce, puisque les problèmes des communautés religieuses et les subtilités de la loi islamique constituent l’essentiel des dossiers de l’accusation ou de la défense», explique Safa’a Farouk, avocat et porte-parole de l’ILA.

De nombreux avocats «ont reçu des menaces et ont dû abandonner des dossiers et des centaines d’autres ont fui le pays, laissant derrière eux un immense vide dans le système judiciaire irakien», a-t-il ajouté.

Le sectarisme, une pression sur les avocats

Selon Me Farouk, le nombre d’avocats en activité en Irak a baissé d’au moins 40 % en l’espace d’une année. Des centaines de dossiers sont en souffrance en attendant que des avocats veuillent bien s’en saisir.

En outre, compte tenu des fortes tensions qui existent entre les communautés musulmanes, sunnite et chiite, les juges subissent d’énormes pressions pour les obliger à rendre des jugements favorables aux membres de leur communauté religieuse. Dans ces conditions, les avocats sont souvent les perdants.

«C’est un problème très sérieux. Quand vous gagnez un procès, vous devenez la cible de la partie adverse, et quand vous le perdez, c’est votre client qui cherche à vous tuer. Aujourd’hui, les clients s’adressent généralement à des avocats de la même communauté ethnique ou de la même confession qu’eux pour les aider à gagner leurs procès», affirme maître Farouk.

Les avocats «devraient respecter le principe de la neutralité, mais en Irak ce n’est pas le cas. Malheureusement, certains juges et avocats acceptent des pots-de-vin et cette pratique ternit notre image de neutralité», ajoute-t-il.

Le 18 avril dernier, deux avocats ont été assassinés après avoir gagné un procès opposant une famille qui avait été dépossédée de sa maison et de ses biens par une autre famille. À la sortie du tribunal, les avocats ont été abattus dans la rue par des membres de la partie perdante.

«Le plus choquant dans cette histoire est que personne n’a réagi et que les auteurs de ces meurtres n’ont pas été inquiétés. Ils sont libres et continuent de menacer la famille qui a gagné le procès», a souligné Jua’ad Mustafa, un avocat qui a assisté à la scène.

«Nous sommes désespérés parce que nous ne pouvons pas travailler en toute sécurité. Les études des avocats et les tribunaux sont désormais les cibles des violences sectaires, mais le gouvernement et les forces de sécurité ne font rien pour que la situation change», renchérit Me Mustafa.

C’est l’Irakien ordinaire qui pâtit le plus de la violence dont sont victimes les représentants de l’appareil judiciaire. Il se retrouve parfois contraint de supplier les avocats pour que ceux-ci acceptent de défendre ses intérêts surtout lorsqu’il s’agit de dossiers sensibles ou impliquant des membres d’une autre communauté religieuse.

«Depuis quatre mois, j’essaie de trouver un avocat pour assurer ma défense et celle de ma fille et sanctionner mon mari qui nous torture et nous bat depuis de nombreuses années. Tous ceux que j’ai contactés refusent, arguant que si nous gagnons le procès, mon mari les tuera», explique tragiquement Umm Khalil, 41 ans, mère de trois enfants.

En attendant d’en trouver un, «je dois me cacher pour fuir mon mari qui a promis de nous tuer, ma fille et moi, pour l’avoir poursuivi en justice», développe-t-elle.

 

 

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