Jacques Chirac 1995 – 2007 : « bilan chinois »

Écrit par Ludovic Genin, La Grande Époque
17.05.2007

 

 

 

Lors de son dernier conseil des ministres, le 9 mai 2007, Jacques Chirac a reçu pour conclure douze années de gouvernance une encre du peintre franco-chinois Zao Wou-ki, représentant «un trait d’union entre l’Orient et l’Occident». Pourquoi le choix de ce symbole de préférence à un cadeau inspiré des grands travaux qui ont formé les priorités du Président sortant : la réduction de la fracture sociale, le développement durable…? Très probablement parce que, plus qu’autre chose, c’est la position de Jacques Chirac quant au régime chinois qui restera comme une des grandes marques de ses deux présidences.

 

  • Jacques Chirac(攝影: / 大紀元)

 

 De grandes idées, de grandes erreurs

La grande idée de Jacques Chirac en 1997 a été de construire un partenariat stratégique dit de «dialogue constructif» avec la Chine, de sortir de l’embargo diplomatique qui avait fait suite aux massacres de la Place Tian An Men de Pékin en 1989, et ainsi ouvrir en douceur les portes de la démocratie. Des partenariats économiques ont alors été signés, et les dialogues à huis clos ont remplacé les condamnations publiques des tortures et lavages de cerveau. Si le régime chinois actuel est indéniablement reconnaissant à la France d’avoir adopté cette position et de l’avoir imposée à la plupart des partenaires européens, la Chine elle, ne le sera certainement pas et ne manquera pas de nous le faire savoir dès qu’elle se sera débarrassée de la dictature communiste qui continue de l’oppresser. En effet, dix ans plus tard, le bilan est loin d’être positif. Les partenariats économiques ont pris l’avantage sur la promotion des valeurs et du modèle français. M. Chirac s’est par exemple exercé au relativisme et a considéré lors de ses déplacements en Chine que la notion des droits humains variait d’un pays à un autre, et que le premier d’entre eux était de toute façon celui de pouvoir se nourrir. Avec de telles affirmations, les relations avec le régime chinois sont évidemment devenues de plus en plus «confiantes et amicales» –  les analystes dressent pourtant un bilan sévère de l’ère Chirac.

Début avril par exemple, Long Xinmin, le directeur de la censure chinoise (l’Administration générale de la presse et de la publication) a reçu la Légion d’Honneur par l’Ambassadeur de France en Chine juste avant de quitter son poste. L’association Reporters Sans Frontières se dit «attristée d’apprendre que Long Xinmin quitte ce poste stratégique décoré d’une Légion d’honneur de la République française qu’il ne mérite en aucun cas.» et rappelle ce que les autorités françaises semblent avoir oublié : «un chef de la censure au service d’un Etat autoritaire ne devrait pas être récompensé d’un titre distinguant les valeurs de la République française».

La stratégie de la complaisance

Les médias français reviennent par exemple sur le fait que le Président Jacques Chirac a plusieurs fois au nom de la France «franchi la ligne rouge de la complaisance, à la limite de la compromission». Qu’il a par exemple pris la tête d’une croisade en faveur de la levée de l’embargo européen sur les ventes d’armes à la Chine, imposé au lendemain du massacre de Tiananmen en 1989 par la France.

Radio France Internationale est plus direct encore et affirme que Jacques Chirac et son parti «mènent une politique de soutien presque inconditionnel à la Chine, en demandant la levée de l’embargo, en approuvant la politique de réunification avec Taiwan sous le giron communiste (dont les dirigeants ont pourtant été élus démocratiquement), et en évoquant très peu les sujets qui fâchent comme les droits de l’homme durant les nombreuses visites officielles qui ont marqué ses deux mandats. Le résultat est aujourd’hui un crédit diplomatique considérable accordé à la France et de nombreux liens de coopération noués, mais qui n’ont finalement pas eu beaucoup de répercussions commerciales. Le Japon ou l’Allemagne d’Angela Merkel par exemple sont beaucoup plus critiques à l’égard de la politique de la Chine, et entretiennent pourtant d’excellents rapports commerciaux avec elle.»

Le «pouvoir de la vérité» selon Nicolas Sarkozy

La passation de pouvoir entre le président sortant Jacques Chirac et son successeur Nicolas Sarkozy étant maintenant effectuée, la question se pose à nouveau : quelle politique chinoise pour la France ? Quelle part donnée aux valeurs, à quelle position sera placée la frontière entre l’amitié franco-chinoise et le devoir éthique de refuser l’oppression par les dictatures ?

La toute première déclaration de Nicolas Sarkozy, le 6 mai, au soir même de son élection, semble ouvrir une porte. Le Président a ainsi déclaré :

«Je veux lancer un appel à tous ceux qui, dans le monde, croient aux valeurs de la tolérance, de la liberté, de la démocratie, de l’humanisme, à tous ceux qui sont persécutés par les tyrannies et les dictatures. Je veux dire à tous les enfants à travers le monde, à toutes les femmes martyrisées dans le monde, je veux leur dire que la fierté, le devoir de la France sera d’être à leurs côtés.[…] La France sera du côté des opprimés du monde. C’est le message de la France, c’est l’identité de la France, c’est l’histoire de la France.»

Seul l’avenir - car les discours ne valent que quand ils sont mis en pratique - montreront si la France peut devenir un grand partenaire économique de la Chine plutôt qu’un partenaire moyen, et si elle peut-être un pays véritablement ami plutôt qu’un pays seulement conciliant. Les amis savent se parler directement et avec sévérité quand c'est nécessaire.