Anglais | Chinois | Coréen | Français | Allemand | Espagnol | Japonais | Russe | Ukrainien | Hébreu | Roumain | Bulgare | Slovaque | Tchèque | Indonésien | Vietnamien
Faites un don

Loin d'elle : mémorable !

Écrit par Mélanie Thibault, La Grande Époque - Montréal
23.05.2007
| A-/A+

 

Ce film canadien de la jeune actrice Sarah Polley place le drame dans une atmosphère prenante, loin des inclinaisons pour le genre larmoyant. Le film fait place à une dégradation considérable de l’esprit suite à la maladie d’Alzheimer du personnage principal faisant preuve d’une invention formelle et d’une interprétation sublime.

Le film s’ouvre sur une trajectoire en ski de fond empruntée mille fois par le couple attachant que forment de Fiona (Julie Christie) et Grant (Gordon Pinsent). Deux amoureux que le temps semble avoir privilégiés. Nous découvrons l’épouse atteinte de la maladie d'Alzheimer et lui plus dévoué que jamais. Il lui rend visite chaque jour au centre de soins spécialisés où elle choisit d’être placée, loin de lui qui, vingt ans plus tôt, fut loin d’elle. Les écarts adultères de Grant à cette époque semblent être le souvenir le plus précis de sa femme. Mais malgré l’acharnement de Fiona à demeurer auprès de son nouvel idylle Aubrey (Michael Murphy), un autre malade du centre, Grant s’armera de patience face aux hostilités dans le désir inaltérable d’être près d'elle.

  • Photo de l'acteur Gordon Pinsent(攝影: / 大紀元)

 

Lorsque Aubrey quitte le centre, l'état de Fiona se détériore. Convaincu que ce dernier détient la clé du mieux-être de son épouse, Grant part à sa recherche et tente de convaincre la femme d’Aubrey, Marian (Olympia Dukakis) de laisser son mari au centre.

L’esprit de Fiona nous accaparera par l’image comme si nous étions nous-mêmes à la redécouverte de bribes de souvenirs; les multiples retours dans une image épurée de Fiona jeune et souriante, de la maison où le couple vit depuis plusieurs années, de Fiona dans ces derniers temps heureux poursuivant la route tracée dans la neige en ski de fond – de derniers hommages, vecteurs d’émotions d’une densité palpable. Des prises de vue imprenables sur le lac gelé perçu comme un espace de sérénité se transforment en lieu de solitude inouï suite au départ irrémédiable de Fiona. Chaque lumière de la maison de campagne s’éteint, comparée aux espaces de vie du cerveau de Fiona appelés à disparaître.

Ainsi, le rythme du film est à l’image de la progression dans la maladie de Fiona. Des réactions insaisissables naissent entre deux plans éloignés pour répondre à l’exclusion dont est victime Grant au centre de soins. Visitant chaque jour sa femme et tentant de la respecter dans sa dévotion pour le nouvel homme dans sa vie, Grant suivra sa femme de loin, loin d’elle.

La qualité de l’interprétation est dans les silences, les gestes et les regards tout en subtilité et empreints de sentiments d’une grande force. On a parfois l’impression que cette délicatesse de style voudrait interrompre le courant des choses, la descente inévitable dans la maladie d’Alzheimer. Pourtant, la pensée se poursuit, même par bribe, même dans le défilement des images déjà vues comme prisonnières de la conscience. Les acteurs ont tous une qualité de jeu remarquable. Ils agissent à plusieurs niveaux de lecture plongeant tout à la fois dans le souvenir, le texte de fiction construit et un semblant de documentaire.

 

L’écriture est en majeure partie responsable de la grande qualité du film. Le choix des mots colle parfaitement à la situation. Mieux: les mots aident à se distancier de la maladie en elle-même pour faire sentir la lucidité qui s’imprègne au même titre que l’effet de son désastre. Tout est dit dans la concision avec l’ironie perceptible de la douleur. Une phrase de Fiona peut démolir son mari comme lui donner un second souffle, comme un répit temporaire. Ce film, bien que le sujet soit lourd, est beau à voir, et le scénario sera agréable à redécouvrir pour son intelligence et son sens de l’humain.

On trouvera un plaisir presque ludique à passer d’une mise en abîme à une autre dans l’ambiance choisie de la classe intellectuelle. La lecture comme une piste nouvelle assure une continuité complice dans la relation du couple. Puis, fin de la citation, on se retrouve dans la terminologie médicale de pointe en ce qui a trait à la maladie d’Alzheimer. Puis nous retournons au dialogue intime où l’éventualité de disparaître devient une solution envisageable pour éviter de dépérir sous les yeux de l’être cher. Nous assisterons, non sans émoi, à un cri du cœur mémorable au nom de la vie à deux.

 

 

 

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.