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Des milliers de manifestants contre la censure de Chavez

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque – Paris
29.05.2007
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La majorité des Vénézuéliens sont opposés à la fermeture d’une chaîne de télévision critique du président

En réponse au retrait des ondes d’une chaîne de télévision critique envers le pouvoir et à l’annonce de réquisition par l’État de ses locaux et de son matériel pour créer une chaîne «socialiste, les Vénézuéliens sont descendus dans la rue pour montrer leur opposition à cette nouvelle action de leur président, Hugo Chavez, visant à raffermir sa poigne sur le pays.

Dès l’annonce de sa victoire aux élections présidentielles en décembre 2006, Chavez avait annoncé que la RCTV (Radio Caracas Television) ne verrait pas sa licence d’exploitation renouvelée. La chaîne avait diffusé plusieurs reportages critiques quant à l’efficacité des mesures prises par Chavez et quant à son style de gouvernance. 

Pour le tout puissant président vénézuélien, la RCTV est à la botte des «impérialistes» et de «la tyrannie» et a joué un rôle moteur dans le coup d’État manqué contre lui en 2002.

  • Des Vénézuéliens manifestent dans les rues de la capitale, Caracas.(Staff: JUAN BARRETO / 2007 AFP)

«Que s'abatte la pluie, le tonnerre ou l'éclair, que cela fasse pleurer ou non les oligarchies, dimanche [le 27 mai] s'achèvera la concession de cette télévision privée», a-t-il lancé au cours d'une cérémonie militaire.

Le samedi 26 mai et le dimanche 27 mai, aux derniers jours de diffusion de la RCTV, des dizaines de milliers de manifestants ont marché dans Caracas, surveillés par 2500 policiers et 1200 membres des milices de Chavez.

Ce même dimanche, le camp Chavez a fêté le lancement de la Télévision socialiste TVES, financée par l'État, qui remplacera la RCTV... et récupérera pour cela tout le matériel de la chaîne privée, «réquisitionné» par l’État.

Devant l’ampleur de la mobilisation populaire, Hugo Chavez a ordonné l’entrée de plusieurs tanks dans Caracas.

Selon l'institut de sondage Datanalisis, 70 % des Vénézuéliens sont opposés à la fermeture de la chaîne. Les États-Unis et le Parlement européen se sont d’ailleurs dits très préoccupés par les restrictions aux libertés d’expression au Venezuela. Accueillant la résolution écrite du Parlement européen, Chavez a simplement déclaré : «Je me fais de l’air avec.»

Le président vénézuélien, comme de nombreux apprentis-dictateurs l’ayant précédé, a su depuis sa première élection en 1998 émuler la ferveur politique et construire un mythe autour de sa personne. Des dizaines de milliers de ces «jeunesses chaveziennes», vêtues de rouge, scandent à chaque occasion importante son nom et ses slogans dans les rues de Caracas. Pourtant, ces derniers mois, la mise en place du programme sans concession du militaire bolivariste se heurte à une opposition populaire croissante.

«Bête noire» des États-Unis, Hugo Chavez est sans aucun doute le phénomène politique le plus intriguant de toute l’Amérique du Sud. Allié indéfectible de Fidel Castro, grand mobilisateur de foules, le dirigeant radical vénézuelien souhaite construire une Amérique du Sud socialiste sur le «modèle bolivarien». Le soutien populaire dont il a joui jusqu’à aujourd’hui ne fait pas le moindre doute : dans un pays où 80 % de la population est pauvre et où des multinationales pétrolières ont, pendant des années, accumulé des richesses sans œuvrer pour le développement du pays, Chavez a obtenu 63 % des suffrages lors de sa dernière réélection en décembre 2006. Un score qui semble l’avoir motivé à accélérer son programme de mutation de la «République bolivarienne du Venezuela».

Nationalisation d’entreprises et corruption

Au début de mai, Chavez a médiatiquement illustré sa campagne de nationalisation de tous les secteurs industriels stratégiques en faisant occuper, par l’armée et des ouvriers, les gisements pétroliers de l'Orénoque, exploités jusqu’alors en particulier par Total (France), Statoil (Norvège) et Chevron Texaco (États-Unis). Ces gisements, si leur potentiel de près de 300 milliards de dollars est confirmé, feront du Venezuela le premier producteur mondial de pétrole dans les années à venir.

Les fruits de ces «retours au peuple» des entreprises du secteur de l’énergie, non seulement ne sont pas encore visibles mais pourraient ne jamais l’être. D’après l’association Transparency International, le Venezuela est devenu, dans les dernières années, le pays le plus corrompu d’Amérique du Sud, juste après Haïti. Les pétrodollars alimentent une caisse noire estimée à 22 milliards de dollars (contre 66 milliards de PIB) qui servirait de monnaie de négociation à Hugo Chavez lors de ses recherches de soutien auprès des voisins sud-américains et lors de ses déplacements à l’étranger.

L’aide du populisme, les liens avec les grandes dictatures

Au début de mai encore, Chavez a retiré le Venezuela de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, présentés comme des «outils de l’impérialisme». Largement contrôlés par les États-Unis et l’Europe, ces organismes sont accusés, avec assez d’éléments concrets, de n’avoir pas cherché à sortir les pays en développement de la spirale de leur dette; ils sont depuis des années très largement controversés en Amérique du Sud et ailleurs. Auparavant, Chavez avait annoncé une hausse de 20 % du salaire minimum vénézuélien.

Ces mesures sont de puissantes médecines préventives contre le mécontentement populaire. La toute-puissance de Chavez, possible président à vie du Venezuela du fait de la réforme de la constitution qu’il met en place, est cultivée par de telles mesures et par le soutien logistique et stratégique des «amis» affichés de Chavez : Fidel Castro pour Cuba, Bachar-al-Assad pour la Syrie, Mahmoud Ahmadinejad pour l’Iran, Alexandre Loukachenko pour la Biélorussie, etc. À ce titre, il s’apparente à la politique étrangère de ses amis russes et chinois, qui s’aligne sur le principe d’appuyer tous ceux que l’Occident rejette et vice-versa.

Advenant un recours à la force pour faire taire les voix de l’opposition, le chemin du Venezuela vers la dictature semblerait se tracer plus définitivement.

Citations par AFP.

 

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