La mort invitée à un repas

Écrit par www.chouette.be
31.05.2007

Ceci se passait au temps où les riches n'étaient pas trop fiers et

savaient user de leur richesse pour donner quelquefois un peu de

bonheur au pauvre monde. 

En vérité, ceci est passé depuis bien longtemps. Laou ar braz était le

plus grand propriétaire paysan qui fût à Pleyber-Christ. Quand on tuait

chez lui, soit un cochon, soit une vache, c'était toujours un samedi.

Le lendemain, il invitait le village  à la fête «du boudin».

onc c'était un dimanche, à l'issue de la messe. Laou lançait son

annuelle invitation : « Venez tous ! » répétait-il, « venez tous ! »  A

voir les têtes massées autour de lui, on eût dit un vrai tas de pommes,

de grosses pommes rouges, tant la joie éclatait sur les visages. «

N'oubliez pas, c'est pour mardi prochain », insistait Laou.

  • squelette dans tombeau(攝影: / 大紀元)

 

  Les morts étaient là sous terre. On piétinait leurs tombes. Mais en ce moment-ci qui donc s'en souciait ? Comme la foule commençait à se disperser, une petite voix cassée interpella Laou ar Braz.   «Me iellou ive ?» (irais-je aussi moi ?)   «Damné soit-je !» s'écria Laou «puisque je vous invite tous c'est qu'il n'y aura personne de trop».

Dès le mardi matin, ce fut une interminable procession dans la direction de Keresper. Chacun était déjà attablé devant une assiette pleine, lorsqu'un invité tardif se présenta. Il avait l'air d'un misérable. Sa souquenille de vieille toile, toute en loques, était collée à sa peau et sentait le pourri.

Laou ar Braz vint au-devant de lui et lui fit faire une place. L'homme s'assit, mais ne toucha que du bout des dents aux mets qu'on lui servait. Il s'obstinait à garder la tête baissée et, malgré les efforts de ses voisins pour entrer en conversation avec lui. Le repas prit fin. Les femmes sortirent pour jacasser entre elles, les hommes pour allumer une pipée. Tout le monde était en joie.

Laou se posta à la porte de la grange où avait eu lieu le festin, afin de recevoir le merci de chacun. Il était enchanté de lui, de ses cuisinières, de ses tonneaux de cidre et de ses convives. Soudain il s'aperçu qu'il y avait encore quelqu'un à table. C'était l'homme à la souquenille de vieille toile.

 «Ne te presse pas» dit Laou en s'approchant de lui. Tu étais le dernier arrivé ; il est juste que tu sois le dernier parti, Mais ajouta-t-il, tu risques de t'endormir devant une assiette et un verre vide

L'homme avait, en effet retourné son assiette et son verre. En entendant les paroles de Laou, il leva lentement la tête. Et Laou vit que cette tête était une tête de mort. La peur prit à la gorge Laou qui demanda au squelette : «Qui es-tu et que veux-tu de moi ?»

Le squelette, lui répondit :

 «Trugaré, Laou ! C'est moi qu'on nomme l'Ankou (la mort). Comme tu as été gentil pour moi, en m'invitant au même titre que les autres, j'ai voulu te donner à mon tour une preuve d'amitié, en te prévenant qu'il ne te reste pas plus de huit jours pour mettre tes affaires en règle. Donc, à mardi prochain !» A ces mots, l'Ankou disparut. 

Laou ar Braz passa la semaine à faire le partage de ses biens entre ses enfants ; le dimanche, à l'issue de la messe, il se confessa ; le lundi, il se fit apporter la communion par le recteur de Pleyber-Christ et ses deux acolytes ; le mardi soir, il mourut. Sa largesse lui avait valu de faire une bonne mort.

 

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