La femme d’un dissident chinois a déposé plainte mercredi dernier à San

Francisco contre le site Internet Yahoo! pour avoir révélé l’identité

de son mari au régime communiste chinois. Celui-ci a été condamné à 10

ans de prison pour avoir diffusé des informations pro-démocratiques sur

Internet en Chine.

Yu Ling, 55 ans, semble de premier abord une femme fragile. Mais la détermination dans ses yeux contredit cette apparence :  «mon mari a perdu la liberté à cause de Yahoo !» dit-elle à travers un interprète. «Je suis ici pour leur faire savoir que ce qu’ils ont fait n’est pas bien.»

La vie de Mme Yu a changé le 1er septembre 2002, quand un groupe d’agents de la sécurité nationale chinoise ont arrêté son mari et mis à sac leur maison. Après avoir emporté leurs ordinateurs et accessoires informatiques, les agents ont menacé Mme Yu, lui conseillant de ne parler à personne.

Elle n’a revu son mari qu’un an après. «Il avait tellement vieilli…» se rappelle-t-elle. «Il était très fragile, ses yeux étaient dans le brouillard, son visage n’avait aucune expression. Il toussait sans arrêt, ses cheveux étaient devenus blancs et il semblait extrêmement vieux»

Le mari de Mme Yu, Wang Xiaoning, était responsable de la rédaction et de l’édition de journaux web comme le Forum Libre de la Réforme Politique et les Commentaires sur les Affaires Politiques Actuelles. Ces publications exigeaient sans ambages des réformes démocratiques à la Chine. Quand les administrateurs des sites Internet par lesquels il passait ont bloqué ces publications, Wang a commencé à diffuser ses pamphlets par email.

Yahoo ! HK, une filiale de Yahoo !, a fourni au régime chinois des informations qui ont permis de remonter jusqu’à M. Wang. Grâce aux preuves fournies par Yahoo !, la justice chinoise a condamné M. Wang à 10 ans de prison pour «incitation à la subversion du pouvoir d’Etat.» Il a été incarcéré dans la prison de Qincheng.

«L’arrêté du jugement fait 14 pages», dit Mme Yu en montrant une copie du document. «Dans neuf de ses pages, le nom de Yahoo ! est mentionné et tout du long du document il y a des adresses email et des noms d’utilisateur qui font partie de la liste des preuves citées.»  «Yahoo a dénoncé mon mari pour des intérêts financiers. Ils ont littéralement détruit ma famille. Tout ce qu’a fait mon mari était d’exprimer ses opinions politiques».

Bien que Yahoo ! ait dû faire face au comité des droits de l’homme du Sénat américain en février 2006, peu de choses ont changé depuis, et Yahoo reste accusé par Reporters Sans Frontières d’être responsable de la condamnation de plusieurs dizaines de dissidents. Amnesty International mentionne de plus : «A l’heure actuelle nous n’avons rien qui nous permette de penser que Yahoo ! ait fait le moindre effort pour assurer que leurs opérations suivent les critères internationaux.»

«J’espère que Yahoo! va commencer à agir pour la libération de mon mari et d’autres qui comme lui sont en prison pour avoir exprimé des opinions différentes» Mme Yu espère aussi que les autres entreprises du domaine cesseront de collaborer avec les autorités chinoises.