Les bourreaux de travail toujours insatisfaits

Écrit par Rory Xu, La Grande Époque - Kingston
01.06.2007

 

 

 

Vous êtes insatisfait du déséquilibre entre travail et loisirs? Vous ne savez pas où les heures ont filé? Vous n’avez plus de temps pour vous amuser? Il est probable que vous soyez un ergomane ou, plus communément, un bourreau de travail.

Selon une étude de Statistique Canada, Les bourreaux de travail et leur perception du temps, 31 % des travailleurs adultes canadiens se perçoivent comme des bourreaux de travail. Ils consacrent plus d’efforts à leur travail, mais celui-ci ne leur procure pas plus de satisfaction qu’aux autres travailleurs moins acharnés

  • Un bourreau de travail au téléphone.(Staff: Christopher Furlong / 2005 Getty Images)

 

Et même s’ils font ce qu’ils aiment, travailler, ils sont insatisfaits de l’équilibre de leur vie et de la vie en général. Un pourcentage significativement élevé d’ergomanes pensent qu’ils doivent se hâter pour arriver à tout faire, se sentent pris dans une routine quotidienne et sentent qu’ils n’arrivent pas à accomplir ce qu’ils ont prévu faire, révèle l’étude.

L’enquête a aussi démontré que les travailleurs acharnés ne gèrent pas bien leur temps. Soixante-cinq pour cent des bourreaux de travail, comparativement à 45 % des autres travailleurs, sont inquiets de ne pas passer assez de temps avec leurs amis et leur famille. Cinquante-six pour cent des ergomanes croient qu’ils n’ont plus le temps de s’amuser, comparativement à 34 % chez les travailleurs moins passionnés.

«Ils sont avides de trouver un moyen pour contrôler leur temps, mais le temps leur file entre les doigts peu importe ce qu’ils tentent de faire», mentionne Leslie Anne Keown, auteure de l’étude et analyste de Statistique Canada.

«Cette étude examine comment les bourreaux de travail perçoivent leur utilisation du temps, mais pas comment ils utilisent leur temps en réalité», a dit Mme Keown. «Les bourreaux de travail perçoivent le temps différemment et la perception est importante», fait-elle remarquer.

L’étude a découvert que les ergomanes étaient deux fois plus enclins à rapporter qu’ils travaillent 50 heures ou plus par semaine comparativement aux autres, et 58 % sentent qu’ils sont sous pression d’en accepter plus que ce qu’ils sont capables d’en prendre.

«Si les gens sentent que l’équilibre entre leur travail et leur vie n’est pas à point, il pourrait y avoir des problèmes affectant leur productivité ou affectant leur vie à la maison, ce qui en retour pourrait affecter leur productivité», relève Mme Keown.

L’étude démontre aussi que les bourreaux de travail ont le même niveau de satisfaction que les autres. «Gagner plus d’argent n’est pas la motivation pour les bourreaux de travail», affirme Mme Keown. «Les raisons les poussant à travailler davantage ne sont pas nécessairement liées à leur environnement de travail, cela pourrait être lié à leur identité personnelle ou à leur personnalité.»

Tuck Saul, un psychologue basé en Ohio qui conseille les bourreaux de travail, dit que le perfectionnisme est un facteur majeur lié au bas taux de satisfaction de ceux-ci, parce que les bourreaux de travail perfectionnistes ne peuvent jamais atteindre la perfection qu’ils recherchent. L’acharnement au travail n’est pas une condition psychiatrique; cela est vu de la même manière que toute activité compulsive, comme l’alcoolisme, précise M. Saul.

«Cela représente une manifestation de quelqu’un qui pourrait avoir perdu la perspective sur leur vie et un mécanisme de compensation pour tenter de faire face à un stress au niveau émotionnel.» M. Saul focalise sur le fait qu’il est important de faire la différence entre les ergomanes et les travailleurs assidus qui travaillent fort. Comme Bryan Robinson a dit dans son livre, Chained to the Desk: A Guide for Workaholics, Their Partners and Children, and the Clinicians Who Treat Them : «Les travailleurs assidus savent quand mettre des limites à leur travail afin d’être suffisamment disponibles et présents pour leur famille et amis. Les travailleurs assidus peuvent mettre de côté leur soif de travail.»

Les bourreaux de travail, eux, font le contraire.

Selon M. Saul, l’ergomanie a un impact négatif sur la qualité de vie des gens. Les ergomanes sont souvent seuls parce qu’ils ne trouvent pas de temps pour entretenir des relations. Ils peuvent être des étrangers pour leur famille et n’assistent pas souvent aux activités de leurs enfants.

Si quelque chose n’est pas relié à leur travail, cela n’a pas de valeur aux yeux de l’ergomane, ajoute M. Saul. Les ergomanes tendent à tout mettre de côté pour le travail; ils travaillent 24 heures par jour et sept jours par semaine et apportent même du travail durant leurs vacances. Leur conjoint ou conjointe se sent ignoré(e) et insatisfait(e), ce qui mène à des problèmes matrimoniaux. «La plupart du temps le conjoint prend l’initiative de consulter, parce qu’un bourreau de travail ne voit pas le problème et le déni se produit», explique Dr Saul.

L’étude de Statistique Canada indique aussi que les ergomanes ont davantage tendance à avoir une santé passable ou  plus mauvaise que les autres. Ils ont également plus de problèmes du sommeil et tendent à couper sur le sommeil s’ils sentent qu’ils ne peuvent arriver à effectuer leur travail.

Les professionnels médicaux disent que les niveaux élevés de stress qu’ont les ergomanes peuvent mener à des problèmes cardiovasculaires et au diabète. Souvent, les bourreaux de travail souffrent d’anxiété, de dépression et du syndrome d’épuisement professionnel.

L’étude a découvert que les professionnels s’identifiaient majoritairement comme des non-ergomanes, tandis qu’un plus grand pourcentage de ceux qui ont des postes de direction ou qui sont en affaires se définissent comme des bourreaux de travail. «Ce genre d’étude est importante pour que les départements de ressources humaines, les employés et les directeurs comprennent qu’il y a des ergomanes auto-identifiés dans leur milieu de travail ainsi que les impacts qu’il pourrait y avoir sur leur vie. Beaucoup de recherches ont suggéré que l’équilibre de vie était important», commente Mme Keown.