Fringidaire

Écrit par Mélanie Thibault, La Grande Époque - Montréal
10.06.2007

 

Le lundi 28 mai se tenait au bar Café Campus le déploiement de l'avant-goût des 99 spectacles qui seront présentés du 7 au 17 juin dans le cadre du festival anglophone Fringe. Un programme chargé où se côtoie tout genre de spectacles comme tout niveau de représentation. Deux minutes par spectacle - pour le moins navrant!

La plupart des artistes invités ou des artistes qui ont réussi à être sélectionnés au Fringe sont jeunes, ambitieux et plein de rêves, dont les moyens de diffusion et de production sont restreints. C’est un contexte qui va de soi, la plupart du temps, quand on décide de faire de la création dans la vie et que cette initiative n’est pas parrainée par quelque famille aisée du milieu artistique. Est-ce que c'est un critère suffisant pour créer un festival qui place au centre de ses activités des spectacles de cette envergure? Certes. Dans cet élan de générosité, est-ce que «l’expression libre» veut nécessairement dire tout prendre? Pas au détriment de ces mêmes artistes qui donnent une réelle qualité à leur travail.

Remettons-nous dans le contexte de la brève présentation des extraits de spectacles. Dans un bar,    au micro sur pied, des humoristes sont les maîtres de cérémonie. Très amusants, vraiment, ces humoristes. Seulement deux minutes pour s’exécuter, et ce, de 18 h à minuit, dans la cohue croissante des buveurs,  des journalistes quittant l’un après l’autre avant la fin parce que trop tard, parce que trop vu, et pour échapper à ce qui se présentera de plus moche, malgré les commanditaires sérieux épaulant l’événement. Voilà un contexte peu propice pour l’accueil de spectacles en direct de tout genre.

Imaginons que nous devions, en tant qu’artistes, choisir une scène de notre spectacle, (non, une moitié, c’est deux minutes) de notre tpièce de théâtre intimiste et bien écrite. Eh bien quoi!, ils ont dit: libre. On se pointe à l'heure donnée, à 23 h et des poussières, sans possibilité de silence   dans une salle moitié remplie, avec des micros qui gênent le cadre esthétique de la pièce. Prestation inaudible. L’ego en prend un coup côté liberté.

Plus astucieux alors. On a vu comment cela se passait l’année dernière. On se présente en leggings fluo, musique pop et grands écarts pour un sprint réussi d’absurdité et de snobisme. Ah! là, il est 21 h, on est content, nos amis ont aimé, on lance des tracs dans la foule, tout le monde se marre. Gé-ni-al! Sauf que bon, une heure et quart de cette matière, ils en ont eu marre l’an passé, c’est vrai. Mais l’ambiance, l’ambiance, top! Une autre bière.

Je pourrais passer tous les clichés qui ont reçu les applaudissements chaleureux du public et je ne serais pas étonnée de voir ces mêmes gens rentrer chez eux en disant: «Ouais, le contenu, on voit qu’il n’y a pas que ça dans la vie!» Effectivement, mais du goût, cependant, il est possible d’en avoir afin, justement, de servir les professionnels ou amateurs passionnés qui donnent un travail remarquable. Il y en a. Ils sont noyés dans le trop plein de bonne volonté des organisateurs. Ils sont niés au même titre que lorsqu’ils envoient des dossiers aux grands festivals. Pas de diffuseurs ni de producteurs, vlan! Cours chez toi ou va chez Fringe, t’enfouir avec ceux qui faussent. Fausser est un art et le faire est encore plus délicat que de gérer 20 000 dollars pour un spectacle qui a de la chance.

Il y a visiblement un manque de festivals pour jeunes compagnies, de qualité. Cela fait mal de penser que celles qui le méritent, pour leur qualité technique et leur créativité, nourrissent les grosses boîtes de leurs idées et ne trouvent pas crédibilité à cause de ceux qui, dans leur condition économique, imitent inversement. Ceux-là même qui se pointent avec un flash et nuisent à la réputation des petites compagnies à idées prenantes pour le bonheur d’entendre quelques hurlements préhistoriques en salle. Si les festivals, comme le Fringe, encouragent ce type de confusion, non seulement l’art ne voudra plus rien dire, mais le plaisir de la découverte du public ne se fera plus, au risque de tomber neuf fois sur dix sur un flop!

Festival international d’expression libre. Performances en anglais. Renseignements: www.montrealfringe.ca ou 514 819-FEST.