Les étudiants contre Chavez, ou le contraire…

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque – Montréal
13.06.2007

 

 

Le président du Venezuela les traite de «pions» de Washington

Le mouvement de protestation au Venezuela contre la fermeture de la plus populaire et ancienne station de télévision (RCTV) par le président Hugo Chavez, le 27 mai dernier, s’est muté dans un combat plus large pour sauvegarder les libertés démocratiques du pays. Les étudiants en sont à la tête, et Chavez a jugé bon de les discréditer publiquement en les traitant de «pions» de l’empire américain. 

  • Manifestation massive à Caracas.(攝影: / 大紀元)

 

Ces déclarations du président vénézuélien sont survenues après une autre semaine de manifestations contestant ses efforts de centralisation et de contrôle plus autoritaire de la vie du pays.

Le 7 juin dernier, un représentant des étudiants a prononcé un discours devant l’Assemblée nationale, un lieu dominé par les partisans de Chavez. Douglas Barrios, de l’Université Métropolitaine, a fait des pieds et des mains pour essayer de convaincre l’audience que les manifestations étudiantes n’étaient pas au service d’un quelconque parti politique ou d’intérêts partisans, qu’ils soient domestiques ou étrangers.

«Nous sommes dans la rue, faisant de la politique sans politicien, menant un combat quotidien au nom de la nation et protégeant les intérêts de toute la société», a déclaré M. Barrios. Selon lui, l’objectif des étudiants est la «liberté» et leur opposition est contre la «dictature». Il a souligné le besoin de réconciliation nationale et insisté que les étudiants demeureraient fidèles au principe de non-violence.

M. Barrios et la dizaine d’autres étudiants à s’être présentés à l’Assemblée s’attendaient à un climat de confrontation, bien qu’un débat «ouvert» devait être tenu entre eux et les partisans de Chavez. Voyant que l’événement n’avait rien d’ouvert et était noyauté, ils sont sortis en déclarant ne pas vouloir être impliqués dans ce jeu politique.

À leur sortie de l’Assemblée, ils ont été accueillis par une foule de partisans de Chavez échaudée qui leur a lancé des pierres et des bouteilles. Les étudiants antigouvernementaux ont dû être protégés et escortés par les policiers.

Par la suite, Chavez a imposé une cadena, soit une réquisition de toutes les ondes télévisuelles, pour se diffuser lui-même pendant plusieurs heures consécutives, empêchant ainsi les étudiants dissidents de recevoir une couverture médiatique.

Plusieurs citoyens de Caracas ont répondu en faisant un vacarme en cognant sur des pots et des casseroles, une scène fréquente, récemment, qui est une forme d’appui au mouvement étudiant.

Les informations sortent à présent au compte-goutte du Venezuela. Le gouvernement Chavez s’efforce d’exercer un contrôle encore plus strict sur l’information, de manière à occulter à domicile et à l’étranger la véritable situation. Les médias locaux et la police n’offrent pas d’estimation du nombre de manifestants, et les médias étrangers rapportent en premier lieu les propos des autorités.

La Grande Époque reçoit de sources basées au Venezuela différents témoignages et photographies. Ils font état d’une situation extrêmement tendue avec les policiers et les partisans de Chavez qui ont recours à la violence à la moindre occasion. Selon des témoignages reçus, la semaine dernière, une étudiante aurait été abattue par les policiers alors qu’elle participait à une manifestation. Il était, par contre, impossible de corroborer ces allégations à travers d’autres médias, et la version officielle de Caracas faisait état d’un simple homicide dans une station d’essence, n’étant pas relié à l’agitation sociale.

Outre la violence policière, avec matraques, canons à eau et gaz lacrymogènes, les «chemises rouges» de Chavez agissent en milices menaçant, attaquant et faisant de l’obstruction aux manifestants antigouvernementaux. Par exemple, elles bloquent l’entrée, à Caracas, aux étudiants venant d’autres villes pour manifester.

Certains observateurs voient, dans ce duel, une lutte de classe toute marxiste, opposant les pauvres aux riches, les partisans du gouvernement étant naturellement les «défavorisés» – qui voient dans Chavez une sorte de messie socialiste – et les étudiants étant cette tranche favorisée de la société qui a le ventre plein et qui peut ainsi se permettre de discuter de démocratie et de liberté d’expression.

Pour les uns comme les autres, il ne fait aucun doute que Chavez amène le pays vers une «cubanisation». Ceux qui s’y opposent voient que Chavez suit le modèle communiste de faire : que tous soient pauvres en éliminant la classe aisée, plutôt que de rendre les pauvres plus riches. Ceux qui l’appuient espèrent le «paradis sur terre» prêché par Chavez et ses prédécesseurs, idéologues et dirigeants, qu’il tient en grande estime.

Le mot «guerre civile» est évoqué dans plusieurs commentaires recueillis de citoyens vénézuéliens qui craignent que le présent bras de fer dégénère et qu’il y ait effusion de sang. Un autre geste de Chavez pourrait être décisif dans l’exacerbation du conflit, soit la mise sous tutelle de l’Université Centrale.

Avant de révoquer le permis de diffusion de RCTV et de réquisitionner ses locaux, le président vénézuélien avait annoncé son intention de soutirer l’autonomie dont jouit l’Université Centrale, un fleuron démocratique du pays qui fonctionne presque comme une ville indépendante où la police de Chavez n’a aucun pouvoir.

Une lettre du recteur de l’Université Centrale, Antonio Paris, cosignée par les recteurs de trois autres universités importantes (Université Simon Bolivar, l’Université Catholique et l’Université Métropolitaine) et adressée au procureur générale du pays vient à la défense des étudiants et de l’autonomie : «Le principe d’autonomie est le plus important facteur de la vie académique, qui provient d’une tradition plus vieille que l’État, et qui est aujourd’hui considéré comme un droit de l’homme et la fondation de la vie académique.»

Si Chavez a comme volé sur un nuage durant les dernières années, porté par le souffle de gauche en Amérique latine et par les antiaméricains du monde, il se bute actuellement à une résistance toute locale qui remet en question la route «bolivarienne socialiste du 21e siècle» sur laquelle il a engagé le pays. Tous les efforts seront effectués pour discréditer ses opposants comme étant des «pions» de Washington, des fascistes, des impérialistes de droite, des bourgeois réactionnaires, etc. Les défenseurs des droits de l’homme, de la démocratie et de la liberté d’expression seront devenus les «chevaliers de l’impérialisme» qu’il sera nécessaire de museler, et ainsi le Venezuela rejoindra tous ses pays amis comme Cuba, l’Iran, la Russie et la Chine. À moins que le Venezuela n’en décide autrement.