Le G8 timide sur les changements climatiques

Écrit par Jean-François Prud'homme, Collaboration spéciale
14.06.2007

L'Allemagne, la France et la Grande-Bretagne ont fait front commun durant le sommet du G8 à Heiligendamm, en espérant convaincre le président américain, George W. Bush, d'accepter de réduire de 50 % les émissions de gaz à effet de serre (GES) de son pays au niveau de 1990, ou de limiter l'augmentation de la température mondiale moyenne de 2 degrés Celsius.

Même après les efforts des leaders de ces trois pays européens, particulièrement ceux de la chancelière allemande, Angela Merkel, la rencontre du G8 s’est démantelée sans cible précise concernant leur réduction d'émission pour l'ensemble du groupe et sans engagement pour empêcher le réchauffement global. 

  • La chancelière allemande, Angela Merkel,au centre.(Staff: Sean Gallup / 2007 Getty Images)

 

Toutefois, un consensus général a été atteint sur la reconnaissance du défi majeur pour l'humanité à combattre le réchauffement climatique. Les huit membres se sont mis d’accord que les conférences des Nations Unies sur les changements climatiques étaient le forum approprié pour négocier les actions globales. La prochaine conférence de l’ONU sur les changements climatiques aura lieu à Bali, en Indonésie, au mois de décembre prochain.

Malgré des discours ambitieux, les dirigeants des pays du G8 semblent tous avoir de la difficulté à couper leurs émissions à l'intérieur de leurs frontières. Seuls les Anglais et les Russes semblent maintenant en bonne position pour respecter les objectifs de Kyoto pour l'échéancier de 2012, les derniers respectant par défaut leurs obligations, ayant subi une chute draconienne de leurs émissions de GES pendant la crise économique qui a suivi le démantèlement de l'Union soviétique. L'Union européenne planifie réduire, d'ici l'an 2020, 20 % de ses émissions annuelles au niveau de 1990, et de 50 % d'ici à 2050. De son côté, le Norvège a l'ambition, d'ici à 2050, de devenir le premier pays «carbone-neutre» à l'aide de réductions massives d'émissions et en achetant des crédits de carbone sur les marchés.

Le plan d'action canadien en matière de changement climatique permettrait au pays de réduire ses émissions de GES de 20 % en 2020 et de 60 à 70 % en 2050, de son niveau d'émission de 2006. Ces gros pourcentages masquent une réalité frappante : le Canada produira, en 2020, 8 % plus de GES que son niveau d'émission de 1990, huit ans après son échéancier de Kyoto de 2012 qui l'aurait contraint d'avoir déjà à cette date réduit ses émissions annuelles de 6 %.

Les États-Unis attendent l'implication des pays émergents, tels la Chine, l'Inde et le Brésil, dans le plan global de réduction des émissions des GES. L'argument étant que des politiques internes restrictives en terme de GES ne réduiraient pas les GES, car les entreprises polluantes se déplaceraient vers les pays où les juridictions environnementales sont plus conciliantes. Cela ne réduirait pas les émissions de GES et laisserait les États-Unis avec une croissance économique amoindrie.

Les membres du G8 ont souligné l'important progrès réalisé la semaine dernière en demandant à tous les grands émetteurs internationaux de participer à la prochaine conférence de l’ONU sur les changements climatiques pour en arriver à un accord post-Kyoto, tous ensemble. Plusieurs organisations environnementales ont critiqué sévèrement ce mince succès.

Pendant ce temps, les émissions mondiales annuelles continuent d'augmenter et peut-être même d'accélérer. L'Académie nationale des sciences des États-Unis a publié récemment une étude relatant que les émissions mondiales totales annuelles de GES avaient augmenté chaque année de 1,1 % durant les années 90 et de 3 % chaque année en moyenne entre les années 2000 et 2004. C'est plus rapide que les projections les plus pessimistes du rapport de la commission d'enquête sur les changements climatiques des Nations Unies, le panel intergouvernemental sur les changements climatiques. C'est aussi plus rapide que la croissance économique moyenne mondiale, ce qui signifie que l'humanité produirait de façon de plus en plus polluante. Les pays du G8, qui représentent 13 % de la population mondiale, produisent environ 43 % de la totalité des gaz à effet de serre.

Les environnementalistes traînent le gouvernement du Canada en justice

Deux groupes environnementalistes, Les Amis de la Terre et le Sierra Legal ont annoncé, le 29 mai dernier, qu'ils intentaient des poursuites légales contre le gouvernement fédéral pour le forcer à respecter son engagement envers le protocole de Kyoto et surtout son échéance datée à 2012.

La partie plaignante plaide que le gouvernement viole ses engagements internationaux et affirme qu'il ne prend pas les mesures nécessaires pour honorer ses objectifs obligatoires de réduction d'émission de gaz à effet de serre.

Dans le communiqué de presse qui a suivi le dépôt du fameux Plan vert, le ministre fédéral de l'Environnement, John Baird, a affirmé à plusieurs reprises déjà qu'il n'avait pas l'intention de respecter l'échéancier des engagements environnementaux de Kyoto qu'il qualifie d'irréaliste. Il a plutôt proposé une alternative que ces opposants accusent de manquer gravement d'ambition. Le ministre Baird qualifie dans un communiqué de presse son Plan vert «de l’un des plans de lutte contre les gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique parmi les plus exigeants au monde». Beatrice Olivastri, PDG du lobby environnementaliste les Amis de la Terre, déclare qu’«alors que le gouvernement parle de “prendre un virage”, il s’engage en fait dans une grave impasse qui affectera les vies des générations à venir».

Ce Plan vert continue d'être fortement contesté par la communauté scientifique, les leaders politiques européens, les partis d'opposition, la majorité des provinces et par de nombreux groupes d'environnementalistes nationaux et internationaux. «Nous ne devrions pas avoir à demander à notre gouvernement qu'il se montre crédible et respectueux de la loi en matière d'environnement», plaide en ce sens l'avocat principal de Sierra Legal, Robert Wright.

Plusieurs critiques avaient déjà déploré, à l'égard du rapport commandé par le ministre Baird concluant que le Canada tomberait en crise économique s’il commençait dès maintenant à jouer son rôle de bon élève, que le gouvernement aggravait les chiffres au moment de calculer les conséquences néfastes relatives au respect de ses engagements envers la communauté internationale.

Les plaignants ne demandent pas une compensation monétaire, mais plutôt le respect de l'échéancier visant à stabiliser les émissions annuelles, comme le gouvernement s'était engagé à le faire avec la signature de Kyoto en 2002. Le procès pourrait commencer dès le printemps 2008, et les environnementalistes tentent de contraindre le gouvernement d'adopter les mesures nécessaires pour respecter le protocole de Kyoto en s'assurant que les politiques fédérales engendrent le résultat désiré, soit de réduire les émissions de GES canadiennes de 6 % inférieur à leur niveau de 1990, d'ici 2012.