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Vers deux Palestines?

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque - Montréal
20.06.2007
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Guerre fratricide, purges et embargo : rien ne va plus dans les territoires palestiniens

Avec la victoire militaire du mouvement radical islamiste Hamas sur la bande de Gaza la semaine dernière, suite à de violents combats contre le Fatah, voici qu’une crise d’envergure de plus s’ajoute au déjà complexe casse-tête du Proche-Orient.

  • Salam Fayad (gauche) en compagnie de Mahmoud Abbas.(Staff: David Silverman / 2007 Getty Images)

 

Incapables de respecter une trêve, les hommes armés des deux factions

se battant pour le contrôle de la sécurité dans les rues de l’enclave

palestinienne ont fait plus d’une centaine de morts selon la

Croix-Rouge. En tant que roi et maître de Gaza, le Hamas a commencé à

purger les individus loyaux au Fatah, tandis que certains d’entre eux

tentaient de fuir vers la Cisjordanie, toujours contrôlée par la

faction du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. En

Cisjordanie, c’était le scénario contraire. Les hommes du Fatah ciblent

ceux du Hamas pour les déloger et les arrêter .

Les édifices du Fatah, de même que les villas de certains dirigeants, ont été pris sous contrôle ou pillés par les fidèles du Hamas.

Clivage

Israël, qui considère le Hamas comme une organisation terroriste, n’a pas tardé à fermer les accès à la bande de Gaza, isolant ainsi complètement l’enclave de l’autre territoire palestinien, et par le fait même du reste du monde. C’est ainsi que les spéculations vont bon train sur ce que pourra produire cette division physique totale, alors que la division dans plusieurs autres aspects est en partie responsable du clivage substantiel dans la société palestinienne.

Un article du New York Times du 17 juin dernier soulève les différences profondes existant entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, tant sur le plan culturel qu’économique. À la création d’Israël en 1948, Gaza a été mise sous tutelle égyptienne et la Cisjordanie a été annexée à la Jordanie. De 1948 jusqu’à la guerre de 1967 qui mena à l’occupation des territoires palestiniens par Israël, l’Égypte et la Jordanie ont influencé différemment le développement de la Palestine. L’Égypte favorisait une forte identité palestinienne et certains Palestiniens étaient influencés par l’idéologie des Frères musulmans qui visent à instaurer des régimes théocratiques partout dans le monde arabe. C’est le côté séculier de la Jordanie qui a plutôt influencé les Palestiniens de Cisjordanie, de même que les idées plus occidentales. Aujourd’hui, la bande de Gaza demeure un territoire surpeuplé et pauvre comparé à la Cisjordanie.

Ce sont en partie ces conditions qui influencent la nature des forces politiques en présence.

Est-il concevable que le Hamas gouverne Gaza et que le Fatah gouverne la Cisjordanie? Il s’agirait d’un véritable cauchemar pour les partisans de la cause palestinienne, voyant l’unité de ce peuple s’effriter tandis qu’Israël maintient sa poigne. Ismaïl Haniyeh, jusqu’à tout récemment premier ministre, a déclaré que son mouvement Hamas n’avait pas l’intention de constituer un État à part entière à Gaza.

Nouveau cabinet

Le gain du Hamas dans la bande de Gaza a été qualifié de coup militaire par M. Abbas. Il a dissous le gouvernement et en a mis sur pied un autre d’urgence, cette fois sans membres du Hamas. Les forces de sécurité du mouvement islamiste ont également été déclarées «hors-la-loi». Le Hamas a immédiatement déclaré ce gouvernement «illégal». «Ce gouvernement est illégitime. La seule légitimité dont il peut se targuer est la reconnaissance de l'administration américaine et de l'occupation israélienne», a déclaré le porte-parole du Hamas, Sami Abou Zouhri.

Le nouveau premier ministre désigné, remplaçant M. Haniyeh, est Salam Fayyad, ayant déjà été ministre des Finances sous l’administration précédente. Il est bien vu du côté occidental. «L'heure du travail a sonné. Il est temps de se retrousser les manches pour sauver notre peuple et notre pays. Travaillons ensemble pour libérer la Palestine», a-t-il affirmé.

M. Abbas a donné les pouvoir à son nouveau cabinet de diriger par décret.

Réactions

Les deux voisins arabes, égyptien et jordanien, ont rapidement réagi à cette annonce. «Nous souhaitons à ce gouvernement un plein succès pour servir le peuple et la cause palestinienne en ce moment difficile», a déclaré devant le Parlement le premier ministre jordanien, Maarouf Bakhit, cité par l'agence de presse officielle Petra.

L’Égypte a, quant à elle, dit «appuyer totalement ce gouvernement», selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères. Le Caire appelle «toutes les factions palestiniennes à se rallier à l'Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas».

Israël accueille pour sa part cet isolement du Hamas auquel elle participe activement et dit soutenir le nouveau gouvernement. Ben Eliezer, membre du cabinet de sécurité israélien, a déclaré que son pays devait «aider au maximum» Mahmoud Abbas.

Les États-Unis jugent, quant à eux, que le nouveau gouvernement «est un gouvernement palestinien pour tous les Palestiniens, y compris à Gaza», selon le porte-parole du Département d’État, Sean McCormack.

 

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Au Canada, le ministre des Affaires étrangères, Peter MacKay, a réagi

par un communiqué à la formation d’un nouveau gouvernement palestinien

: «Le Canada appuie les efforts du président palestinien Abbas et sa

décision de dissoudre le gouvernement. Nous entendons collaborer avec

le premier ministre Fayyad et examinons les meilleurs moyens de venir

en aide à son gouvernement.»

Battre le Hamas

La victoire du Hamas aux élections avait eu l’effet d’une douche froide

sur les puissances occidentales. Ces dernières, dans leur effort

d’«encourager la démocratie à l’étranger», voyaient arriver au pouvoir

une organisation qui s’était, depuis sa création, toujours vouée au

«terrorisme» ou à la «résistance», selon que vous soyez de droite ou de

gauche… Sanctions économiques et jeux de coulisses, il fallait faire

craquer ce mouvement intégriste dont le principe fondamental repose sur

la destruction d’Israël.

Tous les efforts effectués par les États-Unis et Israël pour mettre en

déroute le Hamas ont-ils porté fruits? L’isolement de la bande de Gaza

par la voie de sanctions n’a peut-être eu l’effet que de radicaliser

les éléments politiques déjà pleinement conquis à l’action violente.

À présent, Israël voit ce nouveau développement comme une

«opportunité». Ces forces se sont déjà postées en fin de semaine et un

embargo sur l’essence a été mis en vigueur. Seul l’approvisionnement à

une centrale électrique aurait été conservé. Ce siège autour de Gaza

par Israël est une vieille stratégie militaire qui forcera

nécessairement un rebondissement de la part du Hamas. Peu à peu, les

véhicules ne pourront plus avancer, les fours ne pourront plus cuire,

etc.

Est-ce que le Hamas sera contraint de négocier? Si oui, quel genre de

paix pourrait-il s’établir entre Palestiniens après ce conflit

sanglant? Avec une telle fraction entre les clans politiques,

pourront-ils un jour s’entendre sur une force de sécurité commune? Ces

questions elles-mêmes semblent d’une grande complexité alors que la

crise n’est même pas en voie de commencer à se régler.

À qui la faute?

Pour le chef du Hamas, Khaled Mechaal, la communauté internationale est

responsable des présents développements. «Nous faisons assumer à la

communauté internationale, qui s'est tue sur les crimes [commis par]

Israël, la responsabilité essentielle dans notre crise interne, bien

que nous assumions nous aussi une part de responsabilité.»

Du côté américain, ce récent coup militaire du Hamas dans la bande de

Gaza vient justifier tous les efforts effectués pour contrer le

mouvement islamiste. «Les agissements du Hamas ces derniers jours ne

font que valider la position de principe que la communauté

internationale a maintenu depuis un an.»

En cherchant à qui la faute, il sera impossible d’apporter la paix,

semble-t-il, car le conflit est épineux dans ses racines historiques.

Si cette paix passait par la création d’un État palestinien, elle est

maintenant encore plus lointaine. Cette déstabilisation profite-t-elle

à Israël? Seulement dans la mesure où elle pourrait s’aventurer à

croire qu’elle peut à présent porter le coup ultime au Hamas dans Gaza.

La seule lueur d’espoir vient du fait que l’aide internationale des

puissances occidentales sera maintenant débloquée, étant donné que le

Hamas ne fait plus partie du paysage politique légitime. Mais encore

faudra-t-il qu’elle puisse se rendre à ceux qui en ont le plus besoin,

soit les habitants de la bande de Gaza, sous contrôle du Hamas… sous

embargo d’Israël…

Dans la rue

AFP a recueilli ces échos de la rue : «Les combats entre Hamas et Fatah

ne font plaisir à personne. Les deux sont nos fils, mais j'espère que

le règne du Hamas sera meilleur», dit Oum Khalil Qmeitah, une mère de

famille. «Nous avons porté le coup de grâce à la cause palestinienne de

nos propres mains. Ce qui s'est passé nous a ramené des dizaines

d'années en arrière. Le monde ne reconnaîtra jamais un État palestinien

à Gaza et un autre en Cisjordanie», affirme Abou Saïd, concierge d'une

école à proximité.

Avec AFP. 

 

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