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Luz sur le Marché de la Poésie: Entretien avec Arlette Albert-Birot

Écrit par Raymond Alexandre D.
21.06.2007
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Arlette Albert-Birot, présidente de Circé (1), nous accorde une

interview sur le Marché de la Poésie, capitales rencontres du 21 au 24

juin 2007. Exceptionnel honneur de converser avec une personnalité

considérable et attachante de l’intelligentsia : le Marché (2) organisé

par Circé fête ses 25 ans, avec quelque 500 éditeurs – pratiquant le

compte d’éditeur – et une pléiade d’animations. 

 

 

  • Arlette Albert-Birot, présidente de Circé(攝影: / 大紀元)

 

La poésie du Marché, à l’épicentre place Saint-Sulpice, devient une «catherinette» – expression de notre convive(3) – néanmoins aux «fiancés» multiples, en filant la métaphore : elle «se projettera»(4) en périphérie, fédérant une trentaine de «partenaires» (Ménagerie de verre, Palais de Tokyo…). Bruno Racine, président de la BNF, honorera avec Nuno Júdice – auteur de Carpe diem – la soirée de clôture au fabuleux salon du belvédère. Bouclant un cycle : l’inauguration 2005 y accueillit Bernard Noël.

Tropismes de ce Marché inhabituel : Portugal et Jacques Prévert. Une dizaine de Portugais invités : N. Júdice – qui vient de composer en français un essai sur Michel Butor – comme héraut, son lyrisme visant le quotidien. Ils soutiennent lusophonie et francophonie (5). Adepte du fado – «poésie chantée» – ce «peuple de poètes» cultive fatalisme, souffrance, nostalgie. Ils se mettront en danger sur scène. Le 21 juin la Luz – «lumière» – chantée par la franco-portugaise Bévinda s’illuminera en concert…

cinéma et poésie : l’avant-garde et sa destinée

Un rapport s’établit entre l’oppression subie et la focalisation poétique actuelle sur la quotidienneté : du «macro(politique)» au «micro», heurs et malheurs. Afin de comprendre le phénomène conjuguant perspectives idéologiques et intimes, renvoyons au cinéma chinois, au tropisme intimiste. Pensons aux 三峡好人 – San Xia Hao Ren : Still Life – de 贾樟柯 – Jia Zhang Ke : le titre original –  Les hommes au bon cœur des Trois Gorges – révèle certaine quotidienneté sur un mode que nous qualifierions de «poético-politique»…

Le Marché célèbre Prévert (6), avec Eugénie Prévert et son association Fatras, éponyme du recueil «multimedia». L’Arlequin s’associe. Sans qu’il s’agisse de valider des choix politiques : Prévert collabora avec Joris Ivens, thuriféraire du soviétisme et de la catastrophique «révolution culturelle».

La relation poésie et cinématographe paraît passionnante à A. Albert-Birot. Le concept «cinéma poétique» éveille des échos : Guillaume Apollinaire, Pierre Albert-Birot (7). Celui-ci imagina le protagoniste entrer dans l’écran : évoquons ses «poèmes dans l’espace» de 1919… Alors que cinéma et poésie ne firent pas – toujours – bon ménage, nous dit A. Albert-Birot, considérons Éric Rohmer «cinéaste poète». Jean Cocteau comme mémorable devancier… Aujourd’hui, la jeune Marie Poitevin, par exemple, travaille sur le cinéma et les «trucages» avec des poètes, Julien Blaine, Vanina Maestri s’illustrant sur l’écran.

un marché non régi par l’homo economicus

Le Marché encourage la «poésie vivante». Prévert vaut «locomotive» des poètes actuels. À l’instar du «spectacle vivant», un «théâtre poétique» trouve sa place. Marie-Christine Barrault et Claude Debord animeront deux «autobus poétiques» : l’«Ububus» et le «Grabibus» (8). Notre institution insiste sur la «poésie de performance», qu’inaugurèrent futuristes et dadaïstes : encore le rôle de PAB découvreur.

La diffusion dans des librairies peu favorables aux rayons spécifiques de performances sur enregistrements s’avérait difficile. Actuellement, grâce à la miniaturisation numérique des supports, les ouvrages annexent les disques. Tel Serge Pey, des écrivains ne «déballent» plus – expression d’A. Albert-Birot – leurs poèmes, mais des artistes performent. Bernard Heidsieck enregistre, J. Blaine délivre le livre de son corps : «je livre le livre c’est ma peau»…

Si le Marché ne constitue guère une entreprise commerciale, de nombreuses maisons d’édition réalisent la moitié de leur CA place Saint-Sulpice. D’autant que les entreprises de province ou banlieue peinent à fournir leur production : la «crise des affranchissements» impliquerait des ventes à perte en raison des coûts postaux. Le Centre national du livre interviendra sur la politique culturelle pour la poésie.

Interrogeons A. Albert-Birot sur ses goûts. Si la réussite de la «poésie électronique» tarde, notre infatigable découvreuse de talents aime Zéno Bianu, dont le «lyrisme contenu» s’oppose au «lyrisme fourré». Les Orients extrêmes – en particulier le haïku – séduisent cet auteur «économe», à la «poésie tendue». Au demeurant, Z. Bianu touche souvent, discrètement, à la métaphysique, au Battement du monde.

Confidence d’A. Albert-Birot : en 2008 le Marché cultivera les langues et civilisations avec l’Inde. Puissent dès 2007 nos contemporains consacrer la place (Saint-Sulpice) qui revient de droit à la poésie : à une époque où le discours de la gratuité bénéficie d’un marketing généralisé, participons à l’acte poétique, dont nous espérons ressentir le frémissement, voire le frisson. Aux fâcheux chronophages objectant la perte de temps, PAB réplique : «l’inutile prend exactement le même temps que l’utile […] quand tu […] rêves tu as vécu ton temps aussi intégralement que si tu avais dirigé les plus grandes usines d’Amérique» (9).

Raymond Alexandre D.

Notes :

1 Centre d’information, de recherche, de création et d’études artistiques, littéraires, scientifiques et techniques.

2 Créé à l’initiative de l’éditeur Jean-Michel Place en 1983.

3 L’interview conjugue agapes et nourritures intellectuelles.

4 Grâce à Vincent Gimeno, le Marché se déploie depuis 2005 sur plusieurs sites.

5 Voire l’interculturel : les excellents Cadernos de Literatura Comparada – Porto – se destinent à ce thème («Textos e Mundos em Deslocação», 2006).

6 Trente ans déjà.

7 PAB pour les intimes.

8 Alfred Jarry : centenaire de sa disparition; le Grabinoulor d’Albert-Birot connaît une seconde édition.

9 Extrait du bijou éditorial de Zulma en 2007 : Mon ami Kronos.

 

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.