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Apprivoisement entre Harper et les médias

Écrit par Sharda Vaidyanath, La Grande Époque - Ottawa
10.08.2007
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  • Micros représentant les médias(攝影: / 大紀元)

Les restrictions d’Ottawa visant la presse auraient un effet positif sur la démocratie et le journalisme, disent certains

La mésentente entre la tribune de la presse au Parlement et le nouveau premier ministre Stephen Harper a atteint un seuil critique, il y a un an, quand des journalistes des médias nationaux en colère ont quitté une conférence de presse à Ottawa.

M. Harper a présenté un nouveau système pour les reporters de la colline parlementaire donnant la prérogative au bureau du premier ministre de décider qui pose une question, causant ainsi la frustration des journalistes qui ont accusé Harper de favoritisme et d’exclure les organisations médiatiques qu’il n’approuvait pas.

Le premier ministre a déclaré que les médias nationaux agissaient comme l’opposition et les a accusés, dans une interview avec A-Channel en mai dernier, d’avoir des «vues anti-conservatrices» et d’avoir un penchant pour les libéraux.

Le peu ou le manque d’expérience des ministres au cabinet est aussi un facteur, aux dires des sympathisants du bureau du premier ministre, qui explique pourquoi M. Harper veut un contrôle plus sévère sur les communications avec la presse

Les critiques, cependant, disent que l’imposition des restrictions par M. Harper sur la tribune de la presse représente non seulement une régression de la démocratie, mais va également à l’encontre de son engagement fait avant les élections d’être un gouvernement responsable. Certains experts arguent, toutefois, qu’il y a de bons côtés.

Lloyd Mackey, un membre de longue date de la tribune de la presse et auteur de Stephen Harper: The Case for Collaborative Governance, dit que tout comme il peut y avoir quelques journalistes qui considèrent le gouvernement conservateur comme «maléfique» et méritant une défaite dès que possible, il y a tout aussi bien quelques politiciens qui croient que certains journalistes sont des «vautours» qui doivent être purgés le plus rapidement possible.

Mais en général, M. Mackey croit que le conflit a trait à des «objectifs différents» entre la tribune de la presse et le bureau du premier ministre. Afin de ne pas perdre leur lectorat, les journalistes du Parlement travaillant sur des horaires serrés doivent produire des articles dans lesquels le conflit est un ingrédient de base.

«De façon analogue, avec un gouvernement minoritaire relativement nouveau, il est nécessaire d’avoir une stratégie de communication qui laisse les joueurs importants jouer les mêmes notes. Ne pas tenir compte de l’objectif en définissant le premier ministre comme un despote ou un fanatique du contrôle est faire injustice à l’objectif sous-jacent.»

M. Mackey souligne que M. Harper est le seul premier ministre qui a reçu quelques reporters de la tribune de la presse dans sa résidence, et ceux-ci ont rencontré sa famille à Noël, un geste qui «favorise une bonne volonté des deux côtés».

Maple Leaf Web, un site Internet sur l’éducation politique canadienne, explique que les politiciens fédéraux et la tribune de la presse ont une relation «très compliquée», chacun dépendant de l’autre pour sa subsistance, ce qui engendre un «grand potentiel» de conflit.

En exerçant sa fonction de premier ministre, Pierre Elliott Trudeau, un libéral, avait souvent de «fortes divergences» avec la tribune de la presse, et c’est pourquoi il tentait de contrôler les questions des reporters lors des conférences de presse et avait de vifs échanges avec eux.

Le président de la tribune de la presse nationale, Richard Brennan, ainsi que des sources dans la tribune, disent que les rapports entre le bureau du premier ministre et les médias se sont aggravés depuis les années de Trudeau et de Mulroney.

M. Brennan dit cependant qu’il y a récemment eu «un dégel dans les relations», apportant «un peu d’optimisme» à la situation. Mary Agnes Welch, présidente de l’Association canadienne des journalistes, voit le conflit comme ayant un effet secondaire positif.

Reporter pour le Winnipeg Free Press, Mme Welch soutient que même s’il faut «développer un peu les relations» avec le gouvernement conservateur, les journalistes sont devenus trop dépendants des porte-parole du gouvernement, des ministres et des secrétaires de presse pour faire leur travail.

«Le meilleur journalisme se fait à travers les demandes d’accès», dit-elle. Klaus Pohle est d’accord. Spécialiste de la loi et de l’éthique des médias à l’école de journalisme de Carleton à Ottawa, il croit que les restrictions de M. Harper signifient que les reporters devront faire des recherches plus approfondies et faire plus d’efforts pour rédiger leurs articles.

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M. Pohle pense que l’agenda du premier ministre, auquel les médias pouvaient facilement avoir accès, ne l’est plus maintenant pour des raisons de sécurité. Le climat politique après l’événement du 11 septembre a créé une culture du secret au Canada, avec des lois antiterroristes et une sécurité nationale utilisées comme prétextes pour restreindre les libertés civiles et la liberté de presse.

Il affirme que les lois liées à l’accès à l’information, la sécurité de l’information et la Loi sur les secrets officiels sont «devenues draconiennes» et n’ont jamais été remarquées jusqu’à ce qu’elles soient appliquées pour obtenir de l’information dans le cas de Ottawa Citizen /Juliet O'Neil en 2004. Mme O' Neil et le Ottawa Citizen ont plus tard gagné leur cause.

«Mais nous ne sommes pas aussi mauvais que les États-Unis ou l’Angleterre ou certaines nations européennes», dit M. Pohle, réitérant un fait rendu clair dans un rapport de Reporters sans frontières (RSF) sur la liberté de presse, publié en février dernier.

Dans son classement mondial de la liberté de la presse 2006, RSF a placé le Canada au seizième rang sur 168 nations, une dégringolade par rapport à sa cinquième place en 2002. Mais cela est en fait une amélioration comparativement aux quelques dernières années sous le règne libéral. En 2003, le Canada a chuté à la dixième place et, en 2005, à la 21e place.

Selon M. Pohle, lorsque des barrières sont créées pour les médias, le public ne peut pas faire des choix démocratiques. Mais dans son article Harper Vs. The Press Gallery: The Frog and the Scorpion, publié dans le magazine Policy Options, Robin Sears conteste que M. Harper «ait fait une grande faveur à la démocratie canadienne en lançant sa guerre sainte contre les médias d’Ottawa».

M. Sears dit qu’à la suite de la relation malsaine d’il y a 50 ans, lorsque les journalistes agissaient de fait comme des rédacteurs de discours politiques, les jeunes journalistes dans les années 1970, durant la guerre du Vietnam, ont développé un fort penchant pour ce qui est anti-institutionnel.

Ceci a atteint de nouveaux sommets après l’affaire Watergate, lorsqu’une nouvelle génération de journalistes se percevant eux-mêmes comme les reporters de Washington Post, Woodward et Bernstein, étaient déterminés à faire tomber un gouvernement corrompu. Au Canada, la tribune de la presse provinciale au Québec a commencé à dépeindre le gouvernement de Bourassa comme corrompu.

«Les nouvelles visions sur le monde étaient que “les politiciens sont des malhonnêtes et des menteurs, et c’est notre travail de les attraper”, s’opposait à “les médias déforment les nouvelles – ne donnez jamais la chance à un reporter de vous avoir”» a-t-il écrit.

M. Sears appelle cela le «journalisme je t’ai eu», superficiel et facile à écrire, mais évitant les reportages en profondeur sur les gouvernements et leurs politiques.

Mais durant l’ère Clinton «on était à couteaux tirés et les trucs sales» étaient vraiment devenus évidents, et une campagne pour attaquer Clinton par «des conspirateurs disciplinés» avait commencé à se développer. La droite américaine, a-t-il écrit, a ciblé le «parti pris libéral» des médias depuis les années Goldwater.

«Stephen Harper a été formé durant cette ère toxique», a écrit M. Sears. «Faisant partie de la droite canadienne qui détestait le penchant de la presse pour l’activiste social modéré au niveau du travail, formé dans l’analyse et les “trucs du commerce” par la droite américaine, il a vu les médias comme faisant partie d’un “gouvernement libéral permanent” plus élargi.»

Il dit que M. Harper a été témoin de ses deux prédécesseurs réformistes conservateurs, Preston Manning et Stockwell Day, «attaqués violemment par les journalistes de renom, et il a failli démissionner sous leur implacable campagne contre lui».

Selon M. Sears, étant donné que Harper est conscient que les médias ont une cote de popularité inférieure à celle des politiciens, et que les jeunes électeurs tendent à lire les sites de nouvelles et les blogues politiques plutôt que les journaux, le bureau du premier ministre ne cèdera pas le premier, la tribune le fera. Il signale aussi que les propriétaires de médias sont «extrêmement mécontents» de la situation.

Avec les deux côtés travaillant maintenant pour trouver des bases communes, M. Brennan a eu une rencontre informelle avec la directrice des communications de M. Harper, Sandra Buckler, la semaine dernière. Mme Buckler a dit à M. Brennan que le premier ministre voudrait commencer à utiliser le National Press Theatre pour les conférences de presses, une chose que les membres de la tribune de la presse ont demandée.

Aussi, Mme Buckler «n’a pas dit non» à une proposition d’avoir des microphones en français et en anglais pour les conférences de presse.

«Il semble que les relations dégèlent», commente M. Brennan.

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.