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Frappante modernité

Écrit par Mélanie Thibault, La Grande Époque - Montréal
16.08.2007
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Hélène Dorion, personnalité littéraire québécoise, offre enfin un recueil de ses œuvres les plus importantes, écrites entre 1983 et 2000. Elle est certainement la seule Québécoise à s’être vu décerner le prix de l’Académie Mallarmé pour l’ensemble de son œuvre[1]. Hélène Dorion a aussi été élue, en 2006, membre de l’Académie des lettres du Québec. Ces poèmes réunis justifient largement tous ces honneurs.

Il est de ces livres avec lesquels nous entretenons un rapport de longévité. Sur une longue période, nous nous adonnons à quelques extraits pour éveiller l’esprit aux sensations fines. La verve d’Hélène Dorion s’applique à cela. Glissant de l’image que l’on reconnaît tous les jours, à l’idée abstraite de l’existence, son écriture combine éloquemment les mots les plus universels. Une certaine gravité y est pressentie et, avec lucidité, le fil conducteur des sentiments, peu à peu, nous saisit.

La fragilité du narrateur est abordée avec contraste, plaçant le ton des métaphores dans l’éclairage surexposé du coup de cœur comme dans le noir du déséquilibre moral. Une fracture de l’esprit s’exerce suite au départ de l’être aimé. Plutôt que de percevoir un dépérissement relationnel, c’est avec trouble que se dessine une peur de ne plus reconnaître l’image de l’autre.

C’est dans cette aventure presque maniaque du désir et de l’amour que Dorion nous emmène. Elle s’exécute avec une profondeur très personnelle pour chaque regard, chaque silence. Il est assez surprenant de côtoyer les éléments de la nature en tant que témoins de ces silences. Les émotions sont elles aussi transmises par un intermédiaire bien palpable: le corps. Dans sa manifestation, il personnifie le moindre soubresaut de mécontentement ou de réjouissance qui ne se vit que provisoirement par la parole. L’absence du dire viendra justifier ces émois. Une description des effets corporels du sentiment éprouve, non sans violence, ce fait de devoir reprendre les guides d’un monde que l’on ne comprend plus sans l’autre.

Il est question de rencontre et du temps qu’y s’en trouve changé. Être à la fois tout attentif aux distinctions qui créent notre passage sur terre et se perdre lorsque ce temps nous est rejeté par le départ de l’autre. La vie autour de cette occupation, le réel, laisse apparaître dans l’écriture quand et comment se pense ce qui ne s’entendrait pas une fois exprimé.

Cette confrontation mouvante de l’esprit et du réel existe avec une sensibilité ténue. Le sommeil est, par exemple, évoqué dans le but de retrouver la présence intacte d’un amour qui s’efface.

La nature, porteuse d’impressions intérieures, s’offre pour lieu de divagation. Cette poésie est reprise avec une acuité syntaxique que le lecteur prend plaisir à relire. Nous percevons bien toute l’adresse de l’écrivain qui fut aussi professeur de littérature pendant six ans au cégep, critique littéraire, membre de rédaction de revues et collaboratrice à des émissions culturelles radiophoniques. Son style incisif donne à lire de plus près les tremblements de l’âme. Avec un contact au réel des plus évocateurs, chaque strophe possède sa nature propre. C’est avec intérêt que nous redécouvrons chaque particule de vie exprimée avec perméabilité au monde moderne.

Ce futur livre de chevet est le meilleur moyen de rendre compte de questionnements intérieurs en prolongeant la problématique selon l’équilibre instable entre constance et incertitude. La forme libère une identité au monde qui a parfois du mal à trouver sa voie. Un recueil poétique d’une clairvoyance désarçonnante.

      

[1]Ce prix a été remis à l’occasion de la parution de Ravir: les lieux.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.