2 000 jours sans Ingrid Betancourt

Écrit par Christian Galloy, LatinReporters.com
27.08.2007

 

  • De gauche à droite, Nicolas Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner(Stringer: FRANCOIS MORI / 2007 AFP)

A l’occasion du 2 000e jour de la séquestration en Colombie par la guérilla marxiste des FARC de la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt, le 16 août, le président français Nicolas Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, ont prié les FARC de faciliter un échange humanitaire de prisonniers.

Le ministre a exigé des FARC une preuve de vie de la célèbre séquestrée. Il a aussi invité les rebelles à répondre positivement aux gestes du président colombien Alvaro Uribe.

Tant dans le communiqué présidentiel que dans la déclaration ministérielle, la pression de la France s’exerce uniquement sur les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie), ainsi tancées diplomatiquement. C’est une nouveauté, circonstancielle ou marquant un tournant.

L’Elysée et le Quai d’Orsay semblent peu apprécier l’intransigeance des FARC, qui réclament toujours le retrait préalable de l’armée d’une zone de 800 km_ (où la guérilla, elle, se maintiendrait) pour y négocier l’échange de prisonniers dont profiterait notamment Ingrid Betancourt. Paris espérait une contrepartie à la libération unilatérale en juin dernier par le président Uribe de quelque 150 guérilleros emprisonnés, dont une haute personnalité des FARC, Rodrigo Granda, élargi à la demande expresse de Nicolas Sarkozy et désormais installé à Cuba.

Les FARC séquestrent des centaines d’otages qu’ils n’entendent libérer que contre rançon politique pour quelques dizaines d’entre eux, dont Ingrid Betancourt, et financière pour les autres. Paradoxalement et quoique l’Union européenne qualifie officiellement cette guérilla de «terroriste», la pression diplomatique et médiatique européenne en faveur d’un échange de prisonniers s’exerçait jusqu’à présent essentiellement sur le président Uribe, prié de se plier à des concessions politiques, militaires et territoriales qui risqueraient pourtant d’encourager de futurs enlèvements massifs en Colombie et ailleurs.

Confortant la guérilla dans ses exigences, cette anomalie a contribué à éterniser la captivité d’Ingrid Betancourt, enlevée le 23 février 2002 dans le sud colombien. Deux mille jours ont été perdus. Chancelleries, médias et ONG les ont trop peu mis à profit pour convaincre les ravisseurs que séquestrer hommes, femmes et enfants enlève toute dignité à une quelconque révolution, fût-elle dirigée contre le pire des tyrans.

La guérilla est aussi sensible que le président Uribe à son image internationale. Mais noircir moins l’image de ravisseurs – les FARC – que celle du chef de l’Etat colombien, auquel le politiquement correct européen reproche de préférer Bush à Castro et Chavez (avec lesquels Uribe cultive néanmoins de bonnes relations personnelles), a convaincu les guérilleros que l’enlèvement d’Ingrid Betancourt, au départ fortuit, était pour eux une pêche miraculeuse.

Médiatiser l’infortune de la Franco-Colombienne est utile, moral et solidaire, à condition que cela contribue désormais à convaincre ses geôliers – marxistes ou non, peu importe – qu’ils ressemblent plus à des terroristes qu’à des libérateurs du peuple. Puissent le communiqué de l’Elysée et la déclaration de Bernard Kouchner marquer ce tournant.