Le geste épique actualisé

Écrit par Mélanie Thibault, La Grande Époque - Montréal
17.09.2007
  • Les comédiens François Papineau et Stéphane Brulotte(攝影: / 大紀元)

Le caractère actuel que révèle la mise en scène d’Alexis Martin du texte d’Homère en aura surpris plusieurs. Avec sobriété et profondeur, la disposition scénographique place l’acteur au centre de l’action. Une mise en espace qui donne une dimension à la fois ironique et tragique de ce grand texte de la mythologie grecque.

Avec l’aide précieuse de Georges Leroux, spécialiste en philosophie grecque, Alexis Martin adapte le texte de L’Iliade en faisant les choix propices à une transposition théâtrale de qualité. Bien que la pièce totalise environ deux heures et demie, la pertinence des répliques en justifie bien la durée. S’y exposent les plus grands enjeux du texte, principalement la colère d’Achille. Celle-ci s’exprime avec nuance; tantôt par la rage, tantôt par la tristesse : toujours teinte selon les développements de l’histoire.

Pour abréger le texte et en faciliter la compréhension, un bref aperçu du conflit, cœur de L’Iliade, est de rigueur. Il est question d’Hélène, femme de Ménélas, roi de Sparte, enlevée ou en fuite (selon les versions) à Troie, accompagnée de Pâris. L’armée, menée par Agamemnon, frère de Ménélas et roi d’Argos, se mobilisera pour récupérer la dame. Achille, ayant servi l’armée d’Agamemnon durant les dix ans de leur siège à Troie, quittera son poste suite à une querelle sur la possession de Briséis, sa captive, par Agamemnon. C’est la mort de Patrocle, son meilleur ami, qui le chargera d’une colère assez forte pour le venger en tuant Hector, son meurtrier, frère de Pâris.

Le programme du théâtre explique assez clairement le rapport entre les personnages et les enjeux de l’histoire. Le spectateur, néophyte en la matière, est invité à parcourir les informations données pour une appréciation maximale de la pièce.

C’est dans le dépassement des états que chaque acteur semble incarner son personnage. La voix, parfois trop portée en gorge en première partie, nous oblige à porter une attention particulière au sens des mots. Fort utile, la narratrice (Marthe Turgeon) crée le recul parfait pour la compréhension du récit. Ses premières paroles ponctuées de gestes précis et énergiques livrent un ton décalé, propice à l’assimilation de l’inflexion plus sombre donnée à l’intrigue. La distribution des comédiens est très bien choisie, chacun interprétant intelligemment son rôle.

L’orchestration du mouvement (Francine Alepin) situe avec brio les variations de jeu nécessaires à chaque comédien. Nous verrons les combats s’organiser en force, comme le mentionnera Alexis Martin, et le rythme n’aura de cesse de capter notre attention; non pour sa virtuosité, mais pour son assemblage et son intensité dramatiques.

Le dispositif scénique sera la trouvaille qui donne à la mise en scène toute son originalité. La scène, occupée en majeure partie par des échafaudages, offre trois niveaux en verticalité : celui des Troyens, des dieux et des Achéens. Dans les confins d’un café en résonance avec la Grèce actuelle, les débats et les combats prennent place et changent d’espace selon le déplacement de simples chaises et tables. Brillant!

Avec les rudiments de l’art théâtral et l’aide pondérée de la projection vidéo, chaque lieu dramatique nous plonge à la fois dans le mythe, à la fois dans le cœur du réalisme des guerres modernes.

Cette version de L’Iliade nous fait revoir le monde avec un recul bien ciblé et oh! combien percutant.

L’ILIADE

D’après Homère

Texte et mise en scène : Alexis Martin

Théâtre du Nouveau Monde

Du 11 septembre au 6 octobre à 20 h

Les samedis à 15 h

Tournée au Québec à partir du 1er novembre

Réservations : 514 866-8668.

Spectacle en reprise au théâtre français du CNA, à Ottawa

Du 11 au 15 décembre

www.tnm.qc.ca

Publication chez Dramaturges Éditeurs.