Liens stratégiques renforcés entre Australie, Japon et États-Unis à l’APEC

Écrit par Charlotte Cuthbertson, La Grande Époque - Sydney
24.09.2007

 

  • Le Premier ministre australien John Howard (centre) avec le président américain George W. Bush (droite) et le Premier ministre japonais sortant Shinzo Abe (gauche) lors du petit déjeuner consacré à la cooperation dans le domaine de la sécurité régionale(Staff: EVERETT KENNEDY BROWN / 2007 AFP)

Dans un contexte où une déstabilisation progressive de la région Asie-Pacifique devient un risque sérieusement envisagé, le Japon, l’Australie et les Etats-Unis – les trois grandes démocraties du Pacifique – ont profité du forum annuel de l’APEC (Asia-Pacific Economic Cooperation) à Sydney pour renforcer leurs interactions dans le domaine de la sécurité et de la lutte anti-terroriste.

Le premier ministre japonais Shinzo Abe, dont cela a été la dernière action politique majeure avant sa démission le 13 septembre, a justifié ce renforcement des liens par les besoins de stabilité en zone Asie-Pacifique : «Nous souhaitons avancer vigoureusement dans ce sens pour que le Japon et l’Australie puissent contribuer à garantir paix et stabilité dans la région», a-t-il déclaré.

Les dirigeants des trois pays se sont rencontrés en parallèle aux sessions de l’APEC dans l’hôtel InterContinental de Sydney.

Le Premier ministre australien John Howard a indiqué à la presse que ce dialogue stratégique trilatéral avait été complémenté par un plan d’action et une déclaration conjointe avec le Japon.

Ledit plan d’action encourage la coopération dans les domaines de la défense, de la justice, de la lutte contre le terrorisme, dans la lutte contre la prolifération des armes nucléaires, dans les opérations de paix et dans les échanges d’informations entre les deux pays, a précisé M. Howard.

La déclaration conjointe intervient dans un contexte de dialogues renforcés sur la coopération militaire dans la région, impliquant les ministres de la Défense et des Affaires étrangères des deux pays, et dont la première rencontre officielle a eu lieu à Tokyo au mois de juin.

«Parce qu’elle se construit sur la collaboration historique entre nos forces en Irak et sur notre coopération croissante dans le domaine de la sécurité régionale – et au-delà – la déclaration conjointe que nous venons de réaliser offre un cadre utile pour développer plus encore notre coopération stratégique», a dit M. Howard.

Dans ce cadre, des troupes japonaises arriveront prochainement en Australie pour des entraînements conjoints aux missions de maintien de la paix.

L’implication militaire du Japon dans la stabilité de la région a commencé en 1998 par le ravitaillement des navires américains et pakistanais navigant dans l’Océan Indien, ainsi que la participation à la collecte de renseignements – cette implication dans la lutte anti-terroriste a contribué à protéger les échanges commerciaux dans la région, a indiqué un des conseillers de Shinzo Abe à La Grande Epoque.

Avec cette implication, d’abord logistique et progressivement de plus en plus opérationnelle, le Japon reprend graduellement une position militaire perdue depuis plus de 60 ans : Après la seconde guerre mondiale, le Japon a effectivement entériné une constitution pacifiste et des lois lui interdisant toute opération militaire hors du pays. Mais ces lois sont devenues caduques dans le contexte international actuel. En 2004 par exemple, le Japon a réalisé sa première mission militaire internationale depuis les années 1940, en envoyant un contingent-support de 600 soldats en Irak. Ces troupes se sont retirées l’année dernière, mais le mouvement a continué sur sa lancée : en janvier, l’Agence de la Défense japonaise est devenu un ministère à part entière ; le gouvernement de Shinzo Abe a de plus remis à l’ordre du jour l’éducation patriotique des jeunes Japonais.

Comme l’indiquait Tomoko Kawamura dans un rapport pour l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, l’Asie est à la fois le premier acheteur d’armes et la plus grande concentration au monde de courants nationalistes. La Chine, puissance militaire dominante de la région, dispose d’un véritable arsenal nucléaire et se militarise à grands pas. Or, les Etats-Unis ne peuvent maintenir éternellement une présence forte dans la région. Le relais des alliances stratégiques locales est donc un rempart en cours de construction contre les volontés ouvertement hégémoniques du régime chinois.