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Taiwan 2008

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque – Montréal
10.01.2008
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  • Le président taiwanais, Chen Shui-bian.(Stringer: PATRICK LIN / 2008 AFP)

Une année cruciale pour l’île avec un nouveau Parlement, un nouveau président et un référendum d’adhésion à l’ONU

L’année 2008 sera-t-elle celle de la Chine, avec les Jeux olympiques de Pékin, célébrant son statut de grande puissance sur la scène internationale? Dans l’ombre de la dictature à parti unique, la petite île de Taiwan traversera, en 2008, d’importantes étapes qui seront cruciales pour déterminer son avenir. Ce ne sera quand même pas «l’année de Taiwan», mais la République de Chine (nom officiel) vit des changements importants à l’interne, par rapport à sa propre identité, et la question de la menace militaire de la Chine est toujours autant d’actualité. Ces deux aspects seront au cœur des élections à venir en 2008, en commençant par les législatives le 12 janvier et la présidentielle en mars.

Mis à part ces deux votes, un troisième fait beaucoup jaser et cause de sérieux malaises tant à son allié principal, Washington, qu’aux dirigeants de Pékin. Il s’agit d’un référendum proposé par l’actuel président, Chen Shui-bian, sur l’adhésion de la République de Chine à l’ONU, mais cette fois sous le nom de «Taiwan».

Isolation

Lorsque le gouvernement communiste de la République populaire de Chine (RPC) a obtenu son siège à l’ONU en 1971, la République de Chine (Taiwan) s’est fait expulser de l’organisation internationale. Bon nombre de pays ont par la suite changé d’allégeance, en établissant des relations diplomatiques avec Pékin au détriment de Taipei.

Lors de la victoire de Mao Zedong lors de la guerre civile en Chine (1949), les forces nationalistes de Chiang Kai-shek se sont réfugiées à Taiwan, libérée quelques années plus tôt de la présence japonaise à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Japon avait obtenu une cession à perpétuité de Taiwan par le traité de Shimonoseki après sa victoire sur la Chine en 1895.

Taiwan n’a jamais été sous le contrôle du gouvernement communiste de Pékin. Les nationalistes qui avaient repris le contrôle de l’île après 1945 n’allaient pas la céder en raison d’une défaite militaire sur le continent. Mais, depuis, le Parti communiste considère Taiwan comme une province rebelle. Pendant plusieurs années, Taipei était considérée comme la représentante légitime de la Chine, jusqu’au revirement des années 1970. Elle avait même le plan de reprendre un jour le continent par la force.

Chiang Kai-shek n’était pas un démocrate. Tout comme les acteurs du Parti communiste chinois, il avait été formé à l’école léniniste de gestion du pouvoir, soit une centralisation très autoritaire. Son établissement à Taiwan a créé d’énormes frictions, car bien que les Taiwanais partagent certains aspects chinois, ils constituaient un groupe distinct qui allait subir la discrimination face aux nouveaux arrivants de Chine continentale.

Après la levée de la loi martiale et la transition vers la démocratie dans les années 1990, des forces politiques autres que le Kuomintang (KMT) de Chiang allaient pouvoir se mettre en valeur et défendre d’autres avenues que celle de réunification avec le continent. En 2000, Chen Shui-bian et le Parti démocratique progressif (PDP) sont arrivés au pouvoir en brisant cinquante années de règne du KMT. C’est aussi une autre approche qui était mise de l’avant, avec les positions claires de Chen en faveur de l’indépendance formelle de Taiwan.

L’île est une démocratie de 23 millions d’habitants, fonctionnant indépendamment de Pékin, avec une économie robuste. Mais son statut de rejeton avec les jeux politiques la laisse isolée sur la scène internationale. Le gouvernement communiste chinois exige que les relations diplomatiques officielles avec Taiwan soient coupées pour qu’il y ait possibilité d’en ouvrir avec Pékin. Ainsi, cette dernière force la majorité des pays dans le monde à accepter le concept d’«une seule Chine». Mais si l’on juge les gouvernements de la Chine et de Taiwan en termes de légitimité, le clivage est clair alors que l’un est une dictature et l’autre une nouvelle démocratie.

Néanmoins, Taiwan se retrouve sans voix dans le monde, étant exclue de l’appareil onusien et autres organisations intergouvernementales.

Pour une reconnaissance

Le référendum proposé par le président Chen Shui-bian est une quête de légitimité et un moyen de recenser le soutien populaire envers l’indépendance formelle, car toutes tentatives précédentes d’obtenir un siège à l’ONU se sont soldées par des échecs. La dernière remonte à septembre 2007. Avec Pékin siégeant au Conseil de sécurité, les chances demeurent pratiquement nulles pour Taipei, surtout qu’elle peut compter sur l’appui de moins de 30 pays. Taiwan entretient des relations diplomatiques officielles avec 27 pays, mais elles ne cessent de s’effriter alors que les alliés souhaitent se lier avec Pékin pour bénéficier économiquement. Le dernier des pays alliés à pencher vers la Chine communiste est le Malawi. Ces pays, amis formels de Taiwan, n’ont aucun poids sur la scène internationale, le plus influent étant peut-être le Vatican, devant le Paraguay…

Actuellement, la seule réelle force de Taiwan repose dans le soutien qu’elle reçoit des États-Unis. Taipei développe sa défense militaire depuis les tous débuts de l’ère Chiang mais, sans un engagement américain envers la protection de Taiwan, la «province rebelle» serait peut-être une «province soumise».

En pleine Guerre froide, le président Nixon et le secrétaire d’État Kissinger, voyant les tensions sévères entre l’URSS et la Chine, avaient cru bon le rapprochement avec Pékin, de là son accession à l’ONU et l’établissement de relations diplomatiques avec Washington. Cette dernière manœuvre avait complètement pris par surprise le Japon et Taiwan, tous deux jusque là sur les lignes de front du containment de la menace rouge. Le Japon a imité le geste des Américains peu de temps après, davantage préoccupé par son économie que par la politique, mais Taiwan ne pouvait être autant pragmatique.

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Entre deux géants

Néanmoins, pour ne pas abandonner Taiwan complètement, les États-Unis passèrent une loi en 1979, le Taiwan Relations Act, engageant Washington à venir à la défense de l’île advenant une agression. Cette loi «est nécessaire pour maintenir la capacité des États-Unis de résister à quelconque recours à la force ou autre forme de coercition qui mettrait en danger la sécurité, ou le système économique ou social, de la population de Taiwan», selon le document officiel du Département d’État.

De son côté, le régime chinois a adopté une loi «anti-sécession» en 2005, stipulant qu’advenant «l’indépendance de Taiwan», n’importe quels moyens, incluant des moyens «non pacifiques», seraient utilisés pour écraser les forces «sécessionnistes».

Après l’annonce du référendum sur l’adhésion à l’ONU par le président taiwanais Chen Shui-bian, autant Washington que Pékin ont affiché leur profonde opposition, sachant qu’elles sont liées par des lois les projetant en guerre advenant une rupture du statu quo.

Condoleezza Rice, secrétaire du Département d’État américain, avait ces mots à dire lors de sa conférence de fin d’année : «Nous croyons que le référendum de Taiwan pour demander l’adhésion aux Nations Unies sous le nom “Taiwan” est une politique provocatrice.» «Cela augmente sans nécessité les tensions dans le détroit de Taiwan et n’apportera aucun réel bénéfice pour la population de Taiwan sur la scène internationale.»

À cela, Chen Shui-bian a répliqué : «Ceci est l’expression de la volonté de notre population. Le référendum est un droit fondamental garanti par la loi… La Chine s’oppose avec véhémence au référendum, à la démocratie et au respect des droits de l’Homme, alors que d’autres pays font peser les intérêts nationaux contre les valeurs démocratiques.»

Activité militaire

Les questions militaires sont toujours d’actualité à Taiwan et font l’objet de chauds débats. Les autorités cultivent un besoin de protection face à la militarisation croissante de la Chine et à ses intentions de «réunification». Les positions entre camps politiques majoritaires diffèrent. Le KMT, qui vise un rapprochement avec la Chine continentale, est toujours réticent à accepter des dépenses accrues, car il ne veut pas froisser Pékin. Le PDP de Chen, au contraire, cultivant des souhaits d’indépendance, voit le développement militaire comme une question de survie du Taiwan démocratique. Ses détracteurs peuvent l’accuser de jouer la menace externe pour consolider ses bases, mais l’appareil militaire chinois est loin d’être un vulgaire épouvantail.

Avec la venue des législatives le 12 janvier prochain, un nouveau budget militaire important a été voté, après des mois d’obstination du KMT. Ce budget inclut des fonds pour le développement local de missiles ayant une capacité offensive pouvant atteindre des villes chinoises, jusqu’à Shanghai. Des observateurs ont souligné que cette acceptation de dernière minute du KMT était entièrement attribuable aux élections, de manière à ne pas paraître trop mou sur la question de la défense nationale.

Quelques jours après l’adoption du budget militaire, le président Chen a déclaré que la Chine avait maintenant 1328 missiles balistiques pointés sur Taiwan, soit plus du tiers des estimations précédentes, a rapporté l’agence Reuters. Selon le président, Pékin a déjà complété son plan d’invasion.

Que Chen Shui-bian soit alarmiste ou prudent, son départ du poste présidentiel sera bien accueilli à Pékin, car il ne peut se présenter pour un autre mandat. L’histoire fait drôlement les choses, mais la RPC souhaite ardemment le retour au pouvoir de son ennemi du passé, le Kuomintang, pour l’instauration d’une politique de rapprochement entre les deux pays. Chen a, pour sa part, récemment détaché un peu plus le Taiwan moderne de son passé sous la férule du KMT en récupérant un monument en l’honneur de Chiang Kai-shek pour le dédier aux victimes d’abus des droits de l’Homme alors que Chiang et le KMT dirigeaient l’île d’une main de fer. Une tentative de souligner les progrès accomplis sous la démocratie et de damer le pion aux héritiers du KMT qui constitue encore une force politique de premier plan.

Actuellement, le KMT a plus de sièges que le PDP, mais ce dernier contrôle quand même l’exécutif. Les deux élections à venir s’annoncent chaudes, alors qu’une majorité de la population trouve la position américaine de statu quo confortable. Dans ce sens, le même scénario actuel pourrait se reproduire, soit le KMT remportant plus de sièges, mais ne pouvant aller chercher la présidence. Quant au référendum, devant survenir au moment du vote présidentiel, son résultat devrait fournir un bon indicateur de soutien à la cause indépendantiste, quoique étant vraiment moins engageant qu’un vote sur une déclaration de souveraineté formelle, déterrant quelques haches de guerre…

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.