Un sketch sur le VIH attire l’attention du public: le virus, habillé de rouge vif et portant un masque volontairement effrayant, prévient de la mort certaine qui attend toute personne qui osera prendre des risques sexuels.

Le personnage principal dans le sketch a été infecté au VIH suite au complot monté par une «fille des rues», qui, ayant découvert qu’elle était séropositive, s’est fixé comme objectif d’infecter à son tour 150 hommes.

Le message peut paraître déformé, décrivant le sida comme une condamnation à mort virtuelle et les personnes vivant avec le VIH comme des individus malveillants dont l’intention est de le transmettre, mais le sketch fait aussi clairement passer les messages principaux de la prévention et du traitement.

Quoi qu’il en soit, les résidents d’Abu Shouk, un camp de personnes déplacées situé dans l’État du Nord Darfour, au Soudan, où le sketch a été présenté, ont au moins eu l’opportunité d’entendre parler du VIH, ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques années, lorsque ce sujet était tabou au Soudan.

La représentation théâtrale a été organisée par CHF International, une organisation non gouvernementale (ONG), dans le cadre de la campagne internationale «16 jours d’activisme contre la violence à l’égard des femmes», initiée par des groupements internationaux de femmes et soutenue par les Nations unies.

Les violences sexuelles à l’égard des femmes sont largement répandues au Darfour, où la guerre a éclaté en 2003 et où l’insécurité prévaut toujours. Aller chercher de l’eau ou du bois est souvent un risque quotidien pour les femmes dans cette région, c’est généralement au cours de ces tâches que des agressions sexuelles sont perpétrées à leur encontre.

CHF International, dont l’objectif est d’améliorer la vie sociale et économique des communautés pauvres dans le monde, a montré aux femmes d’Abu Shouk comment fabriquer et utiliser des fours efficaces qui consomment peu d’énergie, de manière à réduire le nombre de voyages que les femmes doivent faire pour aller chercher du bois, diminuant ainsi leur exposition au risque d’agression sexuelle.

«La violence domestique, le viol, l’exploitation sexuelle des enfants, les mariages forcés, tout cela a des conséquences, y compris la mort et le VIH/SIDA», a insisté Salawa Badria, de CHF, face à une foule de plusieurs centaines de personnes.

Contre la violence à l'égard des femmes

La campagne des 16 jours a lieu chaque année entre le 25 novembre et le 10 décembre, et a été lancée en 1991 par le Centre pour le leadership mondial des femmes, qui développe et facilite le leadership féminin dans le monde pour les droits humains et la justice sociale.

Madame Badria a exhorté les résidents du camp à éduquer leurs enfants, particulièrement les filles, qui, a-t-elle rappelé, deviendront des femmes capables à leur tour d’éduquer leurs fils aux valeurs du respect de la femme.

Les taux de natalité dans le camp sont élevés parce que la contraception va à l’encontre de la culture locale et que les hommes peuvent épouser jusqu’à quatre femmes.

Les mutilations génitales féminines et les mariages précoces sont communs, de même que la violence domestique, mais les cas sont rarement signalés. Dans la plupart des cas, les femmes ne quittent par leur mari violent, donc signaler aux autorités les violences physiques qu’elles subissent reviendrait souvent à aggraver leur situation dans le foyer.

«Changer la culture est un processus, nous ne pouvons pas imposer des idées aux gens», a dit un responsable d’ONG à IRIN/PlusNews. «Ce que nous pouvons faire, c’est les informer (les femmes) de leurs droits vis-à-vis de la loi, les soigner et les conseiller quand elles ont été agressées. Le reste, nous l’espérons, viendra progressivement».

D’autres sketchs joués lors de la célébration de la campagne des 16 jours ont souligné à quel point la culture de la soumission vis-à-vis de l’homme était profondément ancrée: en dépit du thème du jour, une chanson, qui a fait se lever et danser des gens du public autour du chanteur, a exhorté les femmes à obéir à leur mari sans se plaindre et à satisfaire tous leurs caprices. Aucun conseil identique sur la façon dont un homme devrait traiter sa femme n’a été prodigué.

Malgré tout, les ONG travaillant au Darfour ont le sentiment que les choses s’améliorent: les populations commencent à savoir comment le VIH se transmet et comment on peut l’éviter, de plus en plus de femmes utilisent la pilule contraceptive pour espacer les naissances, et les résidents ont affirmé que les centaines d’enfants participant à la représentation qui se déroulait sur la scène étaient tous inscrits à l’école.

Pour les travailleurs sociaux et sanitaires, il vaut mieux un message déformé que pas de message du tout.