Élections à Cuba : un tournant possible pour Fidel Castro

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque - Paris
13.01.2008

  • Fidel Castro(Stringer: Jorge Rey / 2004 Getty Images)

 

Le 20 janvier 8,2 millions d’électeurs choisiront les 609 députés de l’Assemblée nationale cubaine et les 1.199 représentants des 14 assemblées provinciales cubaines. Ces élections arrivent dans un contexte d’incertitude sur l’avenir du pouvoir cubain, et de la position future du président Fidel Castro au sein de ce pouvoir.

Le Parlement cubain est monocaméral : l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire élit le président de la République, qui est à la fois chef de l’État et chef du Gouvernement. Cuba considère que son système électoral, établi en 1976, est le plus « démocratique au monde » parce que l’argent ne peut acheter les votes et que les délégués sont choisis au niveau du voisinage et ensuite sont éventuellement élus dans les assemblées provinciales et nationales.

Ces élections ne sont évidemment ni libres ni justes puisque les candidats doivent appartenir à l’une des six organisations porte-drapeau du régime communiste cubain, par exemple la confédération des travailleurs cubains ou l’association nationale des petits fermiers.

Le scrutin du 20 janvier ne sera donc pas plus démocratique que tous ceux des cinquante dernières années, mais il pourrait cependant s’avérer crucial pour l’avenir politique de Fidel Castro : âgé de 81 ans et encore convalescent après ses opérations suite à une hémorragie intestinale en 2006, Fidel Castro doit d’abord être réélu au Parlement pour pouvoir être reconduit à la présidence du Conseil d’État, fonction qui correspond à celle de chef de l’État.

Fidel Castro, qui s’est retiré provisoirement du pouvoir le 31 juillet 2006, a cédé temporairement ses fonctions à son frère Raul et à une équipe de hauts dirigeants. Depuis cette date, le dirigeant communiste n’est apparu que dans des photos et vidéos officielles ; il écrit aussi régulièrement des tribunes, principalement sur des sujets internationaux.

Raul Castro, frère cadet de Fidel Castro, âgé de 76 ans, est actuellement le premier vice-président du Conseil d’État.

Le 18 décembre, Castro a pour la première fois admis qu’il lui faudrait laisser la place à la génération montante, ce qui n’exclut pas qu’il garde une position d’arbitre suprême. Le vieux dictateur a fait lire un message à la télévision, qu’il a conclu ainsi : « Mon devoir élémentaire n’est pas de m’accrocher à des charges, ni encore moins de fermer la voie à des personnes plus jeunes, mais d’apporter des expériences et des idées. »

Premier secrétaire du Parti communiste cubain, président du Conseil d’État et du Conseil des ministres, chef des armées, le leader cubain a délégué « par petites touches, et aussi à coups de non-dits, il semble préparer le terrain et l’opinion à un réaménagement de ses fonctions », a estimé un diplomate occidental cité par l’AFP, partisan de la « prudence » quant à la portée du propos présidentiel.

Fidel Castro est en effet candidat à la députation depuis le 2 décembre pour le renouvellement de l’Assemblée nationale ; pour la plupart des dissidents, cela montre qu’il n’a pas la moindre intention de lâcher la présidence.

Ainsi, si l’opposant modéré Manuel Cuesta pense qu’il s’agit « des premières élections de l’ère post-Castro », avec la grande aspiration de voir cesser le « caractère provisoire de la situation pour ouvrir la voie aux exigences de réformes du pays », le reste de la dissidence cubaine n’y voit qu’une « farce ».

Martha Beatriz Roque, opposante radicale au régime, a par exemple estimé que « s’il n’était pas intéressé à reprendre ses fonctions, il n’aurait pas postulé » à la députation.

Rares sont à Cuba les observateurs à envisager que le vieux leader se contente d’un poste honorifique et renonce à arbitrer les changements qui préluderont à « l’après-Castro ». Fidel Castro est le seul président qu’aient jamais connu les deux tiers des 11,2 millions d’habitants de l’île.

Il semble acquis que Fidel Castro conservera au minimum son titre de Comandante, et donc de chef suprême des forces armées et de la police.

« Les Cubains ne croient pas que Fidel Castro va cesser de se manifester tant qu’il sera vivant », estime Eduardo Perez Bengochea, du parti d’opposition cubain Unidad Liberal de la Republica de Cuba. Effectivement, dans son message, Fidel Castro a fait une rare allusion aux « problèmes actuels de la société cubaine », qu’il a comparés de façon sybilline aux complexités d’un échiquier. Fervent joueur d’échecs, le leader cubain a semblé signifier par là qu’il entendait avoir son mot à dire sur les évolutions à venir.

Le processus électoral, dit du « pouvoir populaire », a été mis en place en 1976 par le PCC qui ne présente officiellement aucun candidat. D’ici au 5 mars 2008, la nouvelle Assemblée désignera les 31 membres du Conseil d’État, que Fidel Castro – chef incontesté du régime cubain depuis 1959 – préside depuis sa création en 1976.