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Pouvoirs exécutifs et définition de la torture : le débat continue

Écrit par Gary Feuerberg, La Grande Époque - Washington
17.01.2008
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  • Le directeur de la CIA, Michael Hayden(Staff: TIM SLOAN / 2008 AFP)

Outre la campagne électorale américaine qui attire actuellement toute l’attention, un chaud débat se poursuit aux États-Unis sur la question des pouvoirs légitimes du président. Le Congrès, à majorité démocrate, déplore les dérapages de ces dernières années sous George W. Bush.

L’administration actuelle a défendu les politiques suivantes comme étant nécessaires pour mener la «guerre contre la terreur» : garder en détention des individus suspectés de terrorisme sans leur accorder le droit à une audience; envoyer dans d’autres pays pour interrogation des suspects faits prisonniers; les prisons de la CIA à l’étranger; la surveillance sans mandat les communications locales avec l’outre-mer et l’utilisation de techniques d’interrogatoires brutales, notamment le waterboarding, ou simulation de noyade.

Ceux qui défendent les pouvoirs du président font référence au droit du commandant-en-chef de faire la guerre, tel que stipulé par la Constitution américaine. Toutefois, la majorité dans le nouveau Congrès s’oppose aux politiques ci-haut mentionnées et au pouvoir incontrôlé du président, affirmant que ce dernier ne peut agir à sa guise et qu’il doit obéir aux règles et lois internationales.

Des accrochages entre les tenants des deux positions sont survenus tout au cours de 2007, à l’image des années précédentes de l’administration Bush fils. Cette dernière considère que la fonction présidentielle a été affaiblie suite à la Guerre du Vietnam et au scandale du Watergate.

Le dernier épisode de cette histoire s’est produit en décembre dernier. Il a été révélé que la CIA avait filmé les interrogatoires de deux membres d’Al-Qaïda, dont le recruteur principal, Abu Zubaydah. Mais en 2004, l’agence aurait décidé de détruire les vidéos. La raison? Pour protéger l’identité des agents impliqués dans les interrogatoires.

Mais cette explication a été rejetée d’emblée par la plupart des experts. Les démocrates et certains républicains du Congrès ont dénoncé une opération visant à camoufler des preuves de torture, particulièrement le waterboarding.

Cette méthode consiste à ligoter la personne et verser de l’eau sur son nez et sa bouche, la noyant jusqu’à ce que l’interrogateur arrête la procédure pour éviter la mort du suspect. Trois enquêtes sur cette pratique sont actuellement menées : une par le Département de la justice, une autre par la CIA et une troisième par le Congrès. Cette affaire créera certainement des remous en 2008.

La technique controversée du waterboarding a presque fait dérailler la candidature du juge Michael Mukasey à la succession d’Alberto Gonzales au poste de procureur général. Le 30 octobre 2007, M. Mukasey s’était fait demander si le waterboarding était une forme d’interrogatoire illégale. Il avait répliqué qu’il devrait se renseigner davantage afin d’être en mesure de répondre.

Le juge Mukasey a laissé savoir qu’il trouvait personnellement «répugnante» la simulation de noyade, mais qu’il ne pouvait affirmer sans équivoque qu’elle est illégale. Plusieurs sénateurs sur le Comité judiciaire ont déclaré sa réponse inacceptable et ont rappelé que le waterboarding – considéré comme un crime de guerre depuis la guerre hispano-américaine – est une forme de torture, donc interdite selon la loi américaine et les Conventions de Genève.

David S. Addington, ancien conseiller du vice-président Dick Cheney et maintenant chef des opérations de Cheney, est un responsable de la Maison Blanche ayant été consulté pour savoir s’il fallait détruire les vidéos d’interrogatoires de la CIA. Ces deux hommes sont partisans des pouvoirs accrus de la branche exécutive et c’est M. Addington qui a écrit «l’infâme» note de service autorisant la CIA à utiliser des techniques d’interrogations brutales, incluant le waterboarding, les gifles, la privation de sommeil prolongée, les positions de tension, l’hypothermie provoquée et la privation ou la surcharge sensorielle.

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La note de service a été annulée secrètement en août 2002 par Jack Goldsmith, ex-chef du Bureau du conseil légal du Département de la justice, mais c’est seulement en 2006 que le Congrès a fait passer le Military Commissions Act (MCA) pour exprimer formellement sa désapprobation des techniques d’interrogatoires sévères. Le sénateur John McCain, lui-même torturé au Vietnam durant la guerre, et d’autres ont mené ce combat, insistant que la torture est moralement inacceptable pour les États-Unis. Toutefois, l’administration s’est réservée le droit de déterminer ce qui constitue la torture. Le MCA n’a pas accordé le droit aux détenus de remettre en cause leur statut (habeas corpus), donc le Congrès s’est compromis sur ce point.

Les discussions au sein de l’administration sur les politiques antiterroristes sont secrètes et rarement rendues publiques. Mais au mois de mai dernier, la population a eu une rare occasion d’en apprendre davantage sur le conflit entourant la légalité du programme de surveillance créé par l’administration Bush. L’ex-procureur général adjoint, James B. Comey, a témoigné le 15 mai 2007 devant le Comité judiciaire du Sénat, racontant une histoire mettant en relief les enjeux importants des deux côtés des camps débattant sur les pouvoirs du président.

L’administration n’a pas choisi de travailler dans le cadre de la loi actuelle, tel que défini par le Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA), une loi sur les procédures de surveillance physique et électronique, qui requiert l’obtention d’un mandat avant de surveiller les courriels et télécommunications.

Avant le 11-septembre, la National Security Agency (NSA) – considérée comme la plus secrète des agences de renseignement américaines – ne surveillait pas les communications domestiques mais seulement les menaces extérieures. Donc plusieurs ont questionné la légalité du décret présidentiel de permettre à la NSA d’espionner les citoyens américains sans mandat.

Les défenseurs du programme, menés par le vice-président Cheney, affirment qu’il est nécessaire de détecter les complots terroristes et protéger les États-Unis contre d’éventuelles attaques. D’autres, comme l’ex-procureur général John Ashcroft, considéraient inconstitutionnelle la surveillance domestique sans mandat et que le Département de la justice ne pourrait l’autoriser encore une fois.

James B. Comey a dit qu’il était procureur général par intérim pendant que M. Ashcroft était hospitalisé en mars. Le conseiller de la Maison Blanche de l’époque, Alberto Gonzales, et le chef du personnel de la Maison Blanche, Andrew Card, s’étaient rendus au chevet de M. Ashcroft à l’hôpital de l’université George Washington, essayant d’obtenir sa signature pour l’autorisation du programme. M. Ashcroft était alors mal en point et sous l’effet de sédatifs.

Mais il avait eu assez de présence d’esprit pour réaffirmer sa position et refuser de signer, signalant que son second, Comey, qui était arrivé dans la chambre d’hôpital avant Gonzales et Card, était le procureur général par intérim. Sans se décourager, l’administration Bush est allée de l’avant en autorisant à nouveau le programme sans avoir l’aval du Département de la justice.

Peu après, Ashcroft, Comey, le directeur du FBI Robert Mueller et plusieurs cadres influents de leur entourage ont menacé de démissionner si le programme de surveillance de la NSA continuait sans l’approbation du Département de la justice. Le président Bush a éventuellement reculé et l’embarras de démissions en bloc à la Justice a été évité.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.