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Politique étrangère américaine: quels défis pour le prochain président?

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque – Montréal
17.01.2008
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  • Le président américain, George W. Bush,(Staff: JIM WATSON / 2008 AFP)

Un système de santé accessible aux gens avec de l’argent; l’extermination passée et l’isolation actuelle des populations autochtones; une culture populaire guidée par le cinéma hollywoodien, une pratique médiatique jugée biaisée et basée sur le divertissement; un traitement incohérent de l’immigration venant du Sud; une ségrégation se manifestant dans les rapports sociaux-économiques, voici certains des points de critique de la situation domestique américaine. S’ils sont assez significatifs, la mauvaise réputation des États-Unis vient davantage de ses pratiques de politique étrangère. À ce titre, la liste de reproches est longue et bien connue. Disons que ces dernières années, sous l’administration Bush, elle s’est allongée avec une pièce maîtresse : la «guerre à la terreur», produisant l’invasion de l’Afghanistan, de l’Irak et d’autres «malaises» comme Guantanamo.

Il est clair pour tous que le prochain président des États-Unis héritera de problèmes complexes. En plus des quelques conflits majeurs énumérés ci-dessus, le nouvel homme (ou, dans un cas historique, la nouvelle femme) de Washington devra gérer grand nombre d’autres situations compliquées sur la scène internationale, qui ne sont pas isolées des points de friction majeurs.

Le maintien d’une politique étrangère réaliste, alimentant nombre d’antagonismes, tout en conservant un discours de doubles standards, est une voie ne pouvant mener qu’à une aliénation plus sévère des différentes tendances discordantes.

À moins de rétablir une base de principes fondamentaux, souvent énoncés en discours mais rarement présents en gestes, et d’éliminer au maximum les contradictions et de reconnaître ouvertement celles qui demeurent, l’influence américaine continuera de s’effriter au profit du cynisme et autres idéologies néfastes.

Amériques

Plus près de chez eux, dans leur traditionnelle «cour arrière», les États-Unis devront gérer adéquatement leur perte d’influence en Amérique du Sud, ayant connu ces dernières années un virage à gauche massif, excluant presque seulement les deux alliés principaux dans la région que sont le Mexique et la Colombie.

Mais à part la Colombie, toujours aux prises avec des guérillas, et la Bolivie, avec les tensions autonomistes, l’Amérique latine est politiquement assez stable.

Hugo Chavez a été blessée par la perte de son référendum, mais quelques autres coups d’éclat diplomatiques, comme dans la crise des otages en Colombie, pourraient le relancer. Son affection pour l’Iran, Cuba, le Belarus et autres pays autoritaires ennemis de Washington, sa passion pour le communisme (qu’il présente en des termes plus vagues comme «socialisme du 21e siècle») et sa personnalité militaire sont différents ingrédients faisant de lui une bonne épine dans le pied de l’Oncle Sam.

Mais au-delà de la rhétorique et des divergences d’avenues politiques, les États-Unis sont, selon le site Internet du Département d’État américain, le principal partenaire commercial du Venezuela.

Asie

À l’ouest, la montée de la Chine est le phénomène le plus préoccupant. Il y a l’aspect militaire, que les deux pays tentent d’atténuer en se faisant quelques visites et courbettes, mais l’arme économique de Pékin paralyse l’administration américaine. Avec une réserve de dollars américains, estimée à 700 milliards en 2006, et la perte de vitesse du billet vert, une vente de feu pour acheter de l’euro ou du yen serait un désastre monumental pour les États-Unis, mais en retour aussi pour l’économie mondiale. L’économie chinoise étant encore largement dépendante des investissements étrangers et des exportations, le statu quo devrait tenir un certain temps.

Mais Washington sent que Pékin prend plus de place et un partage de l’hégémonie mondiale ne figure certainement pas dans les plans des stratèges de la Maison Blanche et du Pentagone. Surtout lorsque l’adversaire affectionne particulièrement les pays lui donnant du fil à retorde (Iran, Corée du Nord) ou stratégiquement importants (Asie centrale).

L’allié américain principal dans la région, le Japon, est pour sa part en train de tenter de se détacher un tant soit peu de sa relation de parrainage héritée de l’après-Seconde Guerre mondiale, ou du moins de réclamer la place qui lui revient sur la scène internationale en tant que puissance économique et pays donateur principal. Si le Japon comprend toujours la nécessité de conserver l’actuelle protection américaine, une partie de la population et plusieurs politiciens ne veulent pas d’un Japon qui suit l’Amérique dans ses interventions militaires.

La décision, à la fin de 2007, de la Chambre haute du Parlement de ne pas renouveler la mission de ravitaillement de la marine japonaise dans l’océan Indien pour appuyer la guerre en Afghanistan en est un exemple. Mais cette décision vient d’être battue par la Chambre basse, signe des tensions internes et du poids de Washington.

La question nord-coréenne est également loin d’être réglée. Si le président Bush croyait bénéficier d’un vent diplomatique en sa faveur – avec les quelques promesses de l’obscur dictateur Kim Jong-il de démanteler son programme nucléaire – les derniers jours remettent sur la table le peu de soucis du régime communiste pour les échéances, et son hésitation ou son bluff à se départir de l’atout le plus important dans son arsenal de chantage.

La pacification de l’Afghanistan s’annonce dans les présentes conditions un échec, et cela est certainement lié à la faillite du Pakistan. L’attitude qu’adoptera le prochain président américain vis-à-vis cette région devra pouvoir inspirer d’autres membres de la communauté internationale à s’y impliquer sincèrement. Le maintien d’un dictateur au pouvoir au Pakistan pour empêcher une révolution islamiste, alors que le pays est une puissance nucléaire, est compréhensible d’un point de vue stratégique détaché. Mais la réalité sur le terrain est pleine de contradictions, alors que les sympathisants terroristes sont présents dans différents organes de l’administration.

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Le refus du président Musharraf d’autoriser une enquête indépendante de l’ONU sur l’assassinat de l’ex-première ministre Benazir Bhutto, sous prétexte que son pays «n’est pas le Liban» – où l’interférence étrangère était considérée dans le cas de l’assassinat de Rafik Hariri – ne fait qu’alimenter les soupçons pesant sur lui et son entourage.

Si la carte américaine pour relancer le pays s’appelait Bhutto… En tous cas, cette relation Musharraf-Washington devra être examinée de près par le nouveau venu à la Maison Blanche. Déjà, des théories émergent sur le plan américain au Pakistan, les moins communes suggérant une balkanisation du pays pour mieux contrôler la région et ses ressources. C’est en fait ce qu’avance le professeur Michel Chossudovsky de l’Université d’Ottawa. Mais il prétend aussi que les services secrets pakistanais sont un «appendice de la CIA», qu’Al-Qaïda est une création de la CIA, et que cette dernière connaissait ou a été impliquée dans l’assassinat de Bhutto.

Proche et Moyen-Orient

Peu de gens arrivent à croire en la sincérité de l’administration Bush de vouloir rétablir la paix au Proche-Orient. Même en lui octroyant le bénéfice du doute, les jours, les semaines, les mois ont passé depuis la prise du pouvoir par le Hamas à Gaza, et la profonde division au sein même de la société palestinienne, alimentant quotidiennement le ressentiment, rend toute solution négociée absolument fragmentée et non globale.

Quant à l’Irak, l’augmentation des troupes à Bagdad, appelée le surge, a vraisemblablement porté fruits avec une diminution des violences. L’écœurement de la population face aux attaques qu’on dit venir d’Al-Qaïda a aussi réussi à pousser certains groupes d’insurgés à changer leur fusil d’épaule et se rallier aux Américains. Mais tous les détails de ce revirement demeurent nébuleux.

Le candidat républicain John McCain, vétéran de la guerre du Vietnam, ne veut rien de moins qu’une victoire en Irak. Un choix motivé par la stratégie ou par le désir de ne pas voir son pays se retirer humilié encore une fois, difficile à dire.

Quant aux démocrates Clinton et Obama, ils souhaitent un retrait des troupes, mais seulement pour mieux lutter contre la menace terroriste, Obama suggérant ainsi un regain d’attention sur le Pakistan et l’Afghanistan, «le front principal dans notre guerre contre Al-Qaïda», a-t-il écrit dans un essai publié dans les pages du magazine Foreign Affairs.

Il n’y a donc pas d’issue facile, considérant qu’un Irak non sécuritaire est tout aussi dangereux qu’un Afghanistan bourré de talibans.

Quant à l’Iran, les récentes tensions dans le détroit d’Ormuz, où circule une large quantité du pétrole destiné à l’approvisionnement mondial, démontrent que quelques niaiseries de militaires zélés, d’un côté ou de l’autre, pourraient fournir l’excuse idéale à une démonstration de force, alors que la dernière estimation sur la sécurité nationale aux États-Unis a forcé Bush à modifier son discours sur la menace iranienne.

L’arrivée des démocrates au pouvoir pourrait amener un regain de diplomatie autour de la question iranienne, mais il ne faut pas se faire d’illusion, «l’option militaire est toujours sur la table». «Bien que nous ne devons pas éliminer l’option d’utiliser la force militaire, nous ne devrions pas hésiter à discuter directement avec l’Iran», écrit Barrack Obama.

Dans la turbulence du monde, la puissance militaire demeure le gage du respect.

Afrique

Les États-Unis qualifient la crise au Darfour de génocide. Les actes ne suivent pas les paroles. La faute incombe-t-elle à l’ONU, embourbée dans ses querelles politiques? Dans ce cas, le réalisme politique l’emporte, alors que Bush sait qu’il peut agir unilatéralement sans l’aval des Nations Unies. Pourtant le Soudan est plein de pétrole. Mais dans ce cas, c’est la Chine qui s’en empare, moyennant matériel militaire et protection diplomatique.

La Somalie est un autre bourbier où les États-Unis ne sont pas très loin. L’idée d’autoriser une invasion – devenue occupation – des forces éthiopiennes visait à déloger les islamistes. Il fallait éviter une «talibanisation» du pays pouvant servir de repère au terrorisme international. C’est maintenant une crise qui pourrit, faisant quelquefois la manchette, mais qui sombre néanmoins dans l’indifférence.  

Russie

«Non, non, oubliez une autre guerre froide», disent les autorités russes et certains experts. Mais le chemin parcouru par la Russie sous Poutine en est nécessairement un dont la trajectoire invite à la collision, à quelque part, à un moment donné. Du terrible dictateur Staline réhabilité au gel du Traité sur les forces conventionnelles en Europe, du contrôle des médias à l’écrasement de l’opposition, les actions de la nouvelle Russie ne peuvent qu’inviter à un rappel de mémoires pas si lointaines.

Les éléments du bouclier antimissile américain en Pologne et en République tchèque sont-ils vraiment pour contrer la menace iranienne, ou plutôt, comme soutient Moscou, une tentative d’encerclement de la Russie? Diplomatiquement, il semble important de faire la nuance, mais dans les faits, Washington peut certainement considérer la question globale comme un problème conjoint, Moscou et Téhéran étant actifs dans la coopération militaire, nucléaire, énergétique et politique.

Europe

Avec la perte d’influence des États-Unis, l’Europe a une chance en or d’assumer un leadership plus dynamique. À bien des égards, elle a encore, aux yeux du Sud, ce «je ne sais quoi» attribuable au passé colonial, mais sa voix unie qui ne résonne pas si fort pourrait prendre plus de place et véhiculer un message plus conséquent en matière de démocratie, de droits de l’homme et de bonne gouvernance.

L’encouragement de mise en pratique de ces principes ne peut être abandonné alors que le cynisme et les intérêts égoïstes prennent la place sous les projecteurs.

Les États-Unis et l’Europe peuvent continuer de mener dans le 21e siècle, mais ils doivent bâtir une force d’attraction qui résulte d’une mise en pratique des principes qu’ils prêchent.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.