Sahel : 500 000 arbres fruitiers plantés avec 99 % de taux de réussite

Écrit par Reporters d’Espoirs
17.01.2008
  • Une vue générale du village sénégalais de Thiokhmar(Stringer: SEYLLOU / 2006 AFP)

Au Sénégal, le désert avance de 3 km par an, la terre est de moins en moins fertile et les arbres que l’on tente de replanter ne prennent pas racine. Depuis 1992, Jacques Gasc, ingénieur agronome, tente de reverdir le Sahel en utilisant sa propre invention pour planter durablement des arbres fruitiers. Il enterre, avec la jeune pousse, un tube perforé d’un mètre qui, empli d’eau trois fois par semaine, attire les racines vers la terre fertile en profondeur. Le procédé est appelé «Irrigasc». Les 300 arbres plantés quotidiennement apportent fraîcheur et nourriture aux paysans isolés.

Enjeux et objectifs

En Afrique, la désertification touche 70 millions d’hectares en 2007. Au Sahel, cette région aride traversant le continent africain, les périodes de sécheresse se multiplient depuis les années 1970: celles de 1973-74 et de 1983-84 ont provoqué la mort de 200 000 personnes, d’après les études du Comité scientifique français de la désertification. Au cours des dix dernières années, on estime que 400 000 km² de terres cultivables (un peu plus que le quart du Québec) ont disparu, recouverts par le désert, selon des études de l’organisation africaine pour venir en aide aux pays du Sahel, SOS Sahel. Dans cette région du Sahel, le désert avance de 3 km par an depuis 30 ans, d’après l’organisme Irrigasc.

Le reboisement permet de lutter contre ce phénomène. Au Sahel, la terre fertile se trouve à 50 cm en dessous du sol. Les racines des arbres peinent à l’atteindre et meurent. Compte tenu de la chaleur (45 à 55 °C) et de l’évaporation rapide de l’eau, l’arrosage en surface s’avère inefficace et coûteux.

L’objectif d’Irrigasc, organisme du même nom que la méthode et faisant la promotion de celle-ci, est de reboiser de manière durable. Jacques Gasc, agro-économiste de formation, crée Irrigasc, l’irrigation par semi-conduites, en 1990. Après une période d’expérimentation, il lance son invention en 1992.

Procédé

Une gaine d’irrigation en plastique biodégradable d’un mètre est plantée avec chaque arbre. Elle est fermée à son extrémité, percée sur un côté, emplie de sable et raccordée à un petit réservoir (récupéré lorsque l’arbre arrive à maturité) qui reçoit un litre d’eau trois fois par semaine. L’eau s’écoule progressivement et entretient l’humidité du sol. Les racines de l’arbre sont ainsi entraînées vers la terre riche et fertile et peuvent atteindre jusqu’à 20 mètres de profondeur. Après deux ans d’irrigation, les arbres deviennent autonomes.

Les gaines sont fabriquées à Dakar et reviennent à 3,5 euros la pièce. Les arbres (manguiers, anacardiers, etc.) et le système d’irrigation sont distribués gratuitement aux agriculteurs. Ceux-ci s’engagent à creuser un puits sur leur exploitation afin d’être autonomes pour l’arrosage, et à clôturer leur champ à l’aide d’arbustes épineux pour protéger les arbres des animaux sauvages.

Irrigasc a reçu entre 1992 et 2007 plus de 900 000 euros d’aide financière provenant de plusieurs entités publiques,  ONG, Rotary Club, Lions Club, etc.

Impacts sociaux et économiques

De 1992 à 2007: 500 000 arbres fruitiers plantés (l’équivalent de 2500 hectares) pour 5200 familles bénéficiaires qui sont ainsi sorties de la misère. Chaque famille reçoit en moyenne 60 arbres. Le rendement d’un manguier de sept ou huit ans s’élevant à 400 kg de mangues par an, les familles ont de quoi se nourrir et se rémunérer. Les premières années, leur revenu annuel est multiplié par trois et par près de dix lorsque les arbres sont à maturité.

Impacts environnementaux

  • Économie d’eau de 90 % par rapport à un arrosage de surface;
  • Économie d’engrais de 90 % car distribution via la gaine;
  • 99 % de taux de réussite sur 1000 plants;
  • Les arbres poussent deux fois plus vite et le procédé fonctionne avec toutes sortes d’arbres;
  • Sous un ensemble de 3000 arbres, la température peut baisser de 10 °C. La vie micro-organique y est favorisée et des acacias s’y installent naturellement.

L’Irrigasc a été validée par le Cemagref et a reçu, en 1992, le premier prix du président de la République du Sénégal «pour la promotion de l’invention et l’innovation technologique». Il s’inscrit non seulement dans la lutte contre la désertification, mais également dans celle contre la pauvreté et contre l’exode rural.

De nombreux projets sont prévus au Sénégal (objectif d’un million d’arbres en trois ans avec le Rotary Club, l’organisme faisant la promotion de «l’entente entre les peuples pour un avenir meilleur»), mais aussi au Mali, en Mauritanie, etc.

Pour en savoir plus

Jean-Marie Pelt, C’est vert et ça marche, Éditions Fayard, 2007.

Pour contacter l’inventeur et coordonnateur de Irrigasc, Jacques Gasc:

irrigasc@orange.sn