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De l’autre côté du pays

Écrit par Olivier Chartrand, La Grande Epoque - Montréal
19.01.2008
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  • Le camp d’Amuru(攝影: / 大紀元)

«Pas une fois, j’ai souri en voyant le soleil se lever. Parce que, chaque jour, je me disais que c’était peut-être mon dernier», explique en voix hors-champ une ex-enfant soldat dans De l’autre côté du pays, de Catherine Hébert, qui sortira en salle dès le vendredi 18 janvier.

Le film de 84 minutes ayant remporté le Prix du public aux dernières Rencontres internationales du documentaire de Montréal illustre un conflit armé qui sévit depuis plus de vingt ans en Ouganda entre le gouvernement et une organisation rebelle. Loin d’être désagréable à regarder, De l’autre côté du pays est une œuvre d’une grande sensibilité dont les images sont très léchées et le propos révélateur d’une situation qui n’est pas étrangère aux autres pays d’Afrique noire.

Petit pays africain (240 000 km2) ayant des voisins dont les conflits sont plus médiatisés –Soudan, Kenya, Rwanda, République démocratique du Congo (RDC) – l’Ouganda est divisé en deux par le Nil. Il est le théâtre d’un combat entre le gouvernement et l’Armée de résistance du Seigneur (LRA), une organisation rebelle dirigée par un chef mystique voulant renverser le président en place. Pour augmenter ses effectifs, la LRA procède fréquemment à des enlèvements pour «former» des enfants soldats. «Probablement, plus de 80 % de la LRA sont des individus qu’on a enlevés lorsqu’ils étaient enfants», explique le frère Carlos Rodriguez Soto, oeuvrant dans le district de Gulu, interrogé dans le film.

Malgré une armée suffisamment puissante pour exterminer le mouvement rebelle, le président ougandais, Yoweri Kaguta Museveni, semble préférer contenir le conflit au nord du Nil sans y mettre fin. Ceci servirait ses intérêts politiques, selon certains intervenants du film. Néanmoins, comme la situation dure depuis deux décennies, elle n’a épargné aucune génération et laisse des marques profondes.

Ayant mis les pieds pour la première fois en Ouganda en 2004, Catherine Hébert a été «frappée par la violence latente du conflit» et bouleversée par la réalité des camps où sont déportés 1,7 million de gens pour les «protéger» des attaques des rebelles. Devant le silence médiatique sur cette crise humanitaire grave, elle décida d’en faire un documentaire.

Travaillant dans l’entière clandestinité, la jeune documentariste de 32 ans assure qu’il a été «assez facile de tourner [au Nord] parce que le pays est abandonné» de tout contrôle gouvernemental. Elle et son équipe n’ont pas eu de mal à apporter le matériel audiovisuel au pays, car «les militaires sont désabusés», explique-t-elle, et ne témoignent pas d’autant de zèle qu’en RDC où elle a dû se rendre pour un autre tournage. En outre, ils ont pu éviter une rencontre indésirable avec les rebelles grâce à «la rumeur africaine». «C’est dur à comprendre pour nous, mais les gens connaissent plus ou moins les déplacements des rebelles là-bas», explique-t-elle quant aux informations circulant de bouche à oreille. Chance que n’a pas eue une équipe de travailleurs humanitaires ayant été tués dans une embuscade peu de temps avant l’arrivée de Catherine Hébert en Ouganda.

«Ce n’est pas parce que l’on fait un film sur un sujet difficile que les images devraient être trash», explique-t-elle. À ce titre, les plans fixes filmés sur le vif, à quelques instants de grâce, ajoutent une belle richesse visuelle au film. Les nombreux travelling à la hauteur des intervenants marchant en silence font pénétrer progressivement le spectateur dans l’univers de ces gens dont on découvre graduellement le rapport au conflit. Les moments silencieux dans lesquels la caméra observe les interviewés et leurs moindres mouvements nous permettent de déchiffrer le désarroi dans leur visage. Les chants africains légers et touchants ponctuant le documentaire laissent tout de même une impression d’espoir par de nombreux témoignages bouleversants.

Interrogée sur la portée d’un documentaire pour sensibiliser l’opinion publique à des crises humanitaires comme celle en Ouganda, Catherine Hébert ne se fait pas des illusions, mais reste positive. «C’est une goutte dans l’océan, mais au moins, on y met de l’eau», lance-t-elle.

 

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