Travailler plus pour gagner plus… Et si nous travaillions moins pour vivre mieux ?

Écrit par Hanna L. Szmytko, La Grande Époque - Paris
27.01.2008

  • une consommatrice avec ses achats de supermarché(攝影: / 大紀元)

Une tendance de fond de changement de comportement vers l’économie de plus faible consommation commence à émerger.

 

Alors que le président Nicolas Sarkozy s’attaque frontalement aux 35 heures et que le pays affronte un climat économique très difficile, est-il encore utile de remettre en cause le slogan électoral affirmant « qu’il faut travailler plus pour gagner plus »? Ce sujet, qui cache en réalité un vrai débat de civilisation, oppose deux fractions du pays : la France des pauvres, qui n’a pas d’autre solution que de travailler plus pour enfin pouvoir consommer normalement, et la France aisée, qui s’est déjà habituée à « travailler moins pour vivre mieux » et ne compte plus changer de mode de consommation.

En ce début d’année 2008, les mauvaises nouvelles affluent. La crise des subprimes préfigure une prochaine récession américaine, avec pour conséquences une chute de la capitalisation boursière : Indice CAC 40 en baisse de 18 % depuis l’été dernier. Parallèlement, suite à l’envolée des prix des matières premières tirée par la croissance exponentielle des pays émergents, la perspective d’une hausse de l’inflation, qui a atteint 0,4 % en décembre 2007 et 2,6 % sur un an, soit une hausse de 1 point par rapport à l’année dernière. Le commerce extérieur de son côté devrait atteindre en 2007 un déficit historique à - 40 milliards d’euros. Et pour conclure même si, selon la ministre de l’Economie et de l’Emploi Christine Lagarde, « elle tient mieux que les autres », la croissance française mollit à 2 % sur l’ensemble de 2007 et sans perspective d’améliorations pour 2008.

Seule bonne nouvelle au tableau: un taux de chômage à 7,9 % au troisième trimestre 2007, soit un taux jamais atteint depuis très longtemps et en baisse constante depuis maintenant 18 mois. L’emploi se fait donc moins rare, mais à quelles conditions? Une « flexi-sécurité », selon le MEDEF (Mouvement des Entreprises de France), indispensable au marché du travail et qui se traduit notamment par l’annonce le 14 janvier 2008 d’un accord « historique » entre le MEDEF et quatre grands syndicats.

D’ores et déjà, fort de cet accord, le président ne se cache plus pour lancer une réforme en profondeur de la loi sur les 35 heures, même s’il rappelle haut et fort qu’elle ne peut pas être abrogée, car les 35 heures constituent la base de décompte des heures supplémentaires, c’est-à-dire le socle qui permettra enfin aux Français de travailler plus s’ils veulent gagner plus. Mais, face à la reprise de l’inflation, les nombreux Français qui gagnent à peine le salaire minimum ne pourront rien faire d’autre pour survivre que des heures supplémentaires, à condition que les entreprises aient un carnet de commande suffisant pour leur en offrir…

Dans ces conditions, on est amené à réfléchir sur le « Dossier spécial Décroissance: travailler moins pour gagner moins et vivre mieux » de Courrier International de janvier. Les arguments ne manquent pas en faveur de ces idées nouvelles venues de Suède, Nouvelle-Zélande ou du Royaume-Uni. En effet, les reportages effectués dans ces pays auprès de gens qui ont décidé de prendre un autre chemin que celui de l’hyperconsommation, de réduire leur temps de travail, d’opter pour le partage et l’entraide gratuits, de privilégier la protection de l’environnement, montrent qu’il s’agit d’une tendance de fond. Comme le rappelle le journal The Gardian de Londres, « notre système économique, qui est fondé sur la consommation à outrance et l’insécurité, détruit l’environnement et nous éloigne de nos vrais besoins ».

Les jeunes de ces pays, qui en ont assez du comportement irréfléchi de leurs aînés, commencent à parler de « simplicité volontaire », de « repos sabbatique », et de « recyclage à 100 % ». Autant de mots qui annoncent une révolution tranquille en marche au-delà de nos frontières, et qui recueillent chez nous l’assentiment de ceux qui bénéficient déjà des 35 heures, tout en attendant beaucoup du Grenelle de l’Environnement. Courrier International pose ainsi une question économique très actuelle, tout en ironisant par « le président se trompe peut-être d’époque ».

La politique économique a toujours eu pour objet de concilier des objectifs contradictoires : hier, c’était l’opposition fondamentale entre capital et travail. De nos jours, sur fond de réchauffement climatique et de relative aisance matérielle, une nouvelle opposition fait son apparition entre qualité de vie et développement. Le gouvernement français actuel, avec ses deux super ministères de l’Ecologie, du Développement et de l’Aménagement durables d’un côté, et de l’Economie, des Finances et de l’Emploi de l’autre, porte la contradiction en son germe. Leur confrontation est inévitable, et l’art de gouverner du président s’illustrera à sa capacité de les concilier.