L’exposition itinérante H2O, de nouveaux scénarios pour la survie

Écrit par Patrice-Hans Perrier, La Grande Époque - Montréal
29.01.2008

 

Jusqu’à la dernière goutte

  • L’exposition itinérante H2O, de nouveaux scénarios pour la survie(攝影: / 大紀元)

La bataille pour l’eau potable fait rage en ce début de nouveau millénaire. Et, l’or bleu risque de détrôner le pétrole en qualité d’étalon suprême pour lequel les puissances de ce monde risquent d’entrer en conflit. Il est estimé qu’environ 1,5 milliard de personnes dans le monde n’ont toujours pas accès à de l’eau potable. Et certains analystes vont jusqu’à affirmer qu’ils seront cinq milliards à partager cette triste condition en 2025.

C’est avec cette idée en tête, qu’un professeur de l’École polytechnique de Milan, Roberto Marcatti, a mis à contribution une centaine des praticiens du design les plus en vue en Italie, histoire de concevoir des affiches qui pourraient illustrer l’incontournable thématique. Cette étonnante exposition itinérante s’est mise à couler de source afin de désaltérer les amateurs d’art à Milan, Turin, Rome ou Trieste. Et, comme un grand fleuve qui n’est pas sur le point de se tarir, l’exposition vient irriguer Montréal au Centre de design de l’UQAM jusqu’au début de mars 2008.

Des architectes et des designers, sans oublier les graphistes, se sont mis à l’œuvre pour concevoir des affiches qui frappent les consciences par la justesse de leurs propos et leur impact visuel. Au-delà de la pétition de principe, plusieurs affiches vont jusqu’à proposer des technologies afin d’économiser l’eau ou de développer de nouvelles formes d’approvisionnement.

Le design, l’architecture et l’eau

Si l’eau est toujours disponible en quantité abondante sur la Terre, c’est son stockage, son traitement et sa distribution qui posent problème. C’est ici qu’interviennent les designers et les architectes, sans oublier les ingénieurs, pour ce qui est de façonner des ouvrages qui serviront à capter et à emmagasiner l’eau dans un premier temps. Les aqueducs romains et les barrages hydroélectriques du XXe siècle constituent des traces tangibles qui témoignent du rôle de l’eau dans la genèse des civilisations. De nos jours, le travail des designers est venu se greffer en aval dans la grande chaîne de l’exploitation mercantile de l’eau, alors qu’il y aurait autour de 300 marques d’eau minérale embouteillée dans le monde.

À l’aube du troisième millénaire, l’or bleu est devenu une ressource convoitée par plusieurs multinationales, à l’instar des françaises Suez et Vivendi. Mais, alors que l’eau potable embouteillée ne représenterait qu’environ 0,0017 % de toute l’eau disponible dans le monde, c’est le marché du traitement et de la distribution qui intéresse les géants du secteur. Et, ils ont mis le cap sur l’Afrique dans l’espoir de rafler la mise dans le domaine de la distribution de l’eau potable. Toutefois, la résistance s’organise dans les pays en voie de développement, mais aussi en Occident, alors qu’un nombre croissant de professionnels du design refusent de mettre leur art au service de la marchandisation de l’eau.

Nouvelle approche de consommation

En lieu et place des fameux spas et autres lieux de cures thermales dédiés à l’élite, le professeur Marcatti estime que les professionnels du design devront mettre leur expertise à contribution afin de concevoir des ouvrages de génie civil qui feront en sorte de maximiser le traitement et la distribution de l’eau pour le plus grand nombre. Il nous rappelait en entrevue qu’«il est urgent de développer une pratique du design industriel qui soit plus respectueuse de l’environnement. Il faut garder en tête que nous dépensons des sommes colossales pour pomper l’eau et la stocker, et que les réseaux de distribution sont souvent vétustes et mal entretenus. Tout cela, sans oublier tous les rejets des entreprises manufacturières dans les effluents».

Rien qu’au chapitre de la mise en marché de l’eau embouteillée, notre interlocuteur estime que «la production, le transport, la consommation et le recyclage des bouteilles d’eau représentent une énorme dépense d’énergie». C’est avec ces données en tête qu’une firme américaine a conçu une bouteille recyclable à base de maïs qui pourra servir d’engrais pour le jardin en fin de parcours. Toutefois, Roberto Marcatti croit qu’il est important de faire la promotion de la consommation d’eau directement au robinet. Et, c’est ici que les designers de tout acabit entrent en scène afin de proposer de nouveaux modèles de robinetterie et des systèmes de canalisation des eaux pluviales qui permettront aux consommateurs de ménager la précieuse eau potable.

C’est une donne incontournable, le secteur de l’agriculture monopolise autour de 70 % de toute l’eau potable disponible à l’heure actuelle. Cette situation concerne aussi l’Italie, le premier producteur de kiwis au monde, un petit fruit qui consommerait une quantité inouïe d’eau.

«Les grands producteurs s’approprient un bien collectif – l’eau – à des fins privées», s’insurge le professeur Marcatti, ajoutant que «cette culture devrait littéralement pomper la nappe phréatique dans une région de l’Italie où il y a pénurie d’eau potable en ce moment». Et, comme partout ailleurs, les autorités italiennes sont obligées de confier le traitement et la distribution des eaux à des multinationales qui tentent de s’approprier une ressource qui était du domaine publique jusqu’à présent.

Quoi qu’il en soit, les créateurs italiens n’ont pas dit leur dernier mot dans un pays où la tradition du design est bien implantée. Certaines stars du monde de l’architecture, comme le très médiatisé Renzo Piano, se sont engagées à promouvoir l’architecture verte et une meilleure utilisation de l’eau au sein des bâtiments publics ou privés. D’ailleurs, le studio de Piano représente un exemple de ce qui se fait de mieux en termes de récupération des eaux et d’autosuffisance énergétique.

Le conservateur de l’exposition itinérante H2O, de nouveaux scénarios pour la survie souhaite que les designers mettent tout en œuvre afin de proposer des projets favorisant la sauvegarde et un meilleur usage de l’eau. Il s’enthousiasme pour l’affiche de l’architecte Luigi Centola, un praticien novateur qui a conçu un système d’élévateurs hydrauliques, fonctionnant à partir d’un système qui récupère le courant d’eau d’une rivière locale. Tout simplement renversant!

Si vous désirez prendre connaissance de ce qui se fait de mieux en Italie, dans une perspective de design vert et de développement durable, rendez-vous au Centre de design de l’UQAM, au 1440, rue Sanguinet. L’exposition se déroule jusqu’au 2 mars prochain et vous pouvez toujours aller vous informer au www.centrededesign.uqam.ca, avant de vous déplacer.