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Les «grands médias» accusés de museler la liberté d'expression

Écrit par Joan Delaney, La Grande Époque – Victoria
31.01.2008
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  • Une publicité humoristique d’Adbusters. (攝影: / 大紀元)

Le groupe anti-consumérisme Adbusters poursuit en justice plusieurs médias canadiens

L'organisation à l'origine de la Journée sans achat, de la Semaine sans télévision et de la Journée mondiale sans voiture s'attaque maintenant aux grandes entreprises médiatiques.

Adbusters Media Foundation, un réseau mondial de militants pour la liberté d'expression et contre le consumérisme, poursuit en justice CanWest Global, la Canadian Broadcasting Corporation (CBC), le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) et le gouvernement canadien pour défendre son droit de diffuser ce qu'elle considère comme des publicités d'intérêt public.

Le 7 janvier 2008, la Cour suprême de la Colombie-Britannique a entendu les arguments des différentes parties pour déterminer si le procès, ayant débuté en 2004, peut se poursuivre.

En cause, affirme Adbusters (Casseurs de pub), est le droit des citoyens canadiens d'avoir  «l’occasion de prendre connaissance d’opinions divergentes sur des sujets qui les intéressent», tel que stipulé par la Loi sur la radiodiffusion du Canada.

«Nous voulons diffuser des messages concernant certaines des plus importantes questions de notre époque – comme l'obésité, la guerre et la concentration des médias – et certaines de nos publicités veulent répliquer à certaines très grandes entreprises qui, selon nous, déforment notre société», plaide Kalle Lasn de Vancouver, fondatrice d’Adbusters.

Depuis plus de dix ans, Adbusters essaie d’acheter des spots publicitaires chez les grands réseaux, mais il se voit systématiquement refusé par les directeurs, le plus souvent sans raison. Ceci équivaut à de la censure et au musellement de la liberté d’expression, déplore Mme Lasn.

«Quatre-vingt-dix pourcent du temps, ils refusent pour la raison qu’ils croient que cela va affecter leurs activités commerciales, car très souvent nos publicités répliquent aux chaînes de malbouffe, à la surconsommation et à l’industrie automobile.»

Les diffuseurs sont peu enclins à vendre du temps d’antenne à Adbusters, selon Mme Lasn, à cause de ce qui est arrivé quand les publicités sur le tabac ont été retirées il y a une trentaine d’années.

L’apparition au petit écran d’annonces publicitaires chocs antitabac a annoncé la fin des publicités pour le tabac à la télévision, et les diffuseurs ont perdu des millions de dollars en revenus.

Selon Mme Lasn, n’importe quel citoyen canadien devrait avoir le droit d’aller à sa chaîne de télévision locale et de payer pour un temps d’antenne de 30 secondes si c’est dans l’intérêt du public.

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Toutefois, Nick Ketchum, directeur principal pour la politique de radiodiffusion au CRTC, affirme que ce n’est pas nécessairement le cas. Les médias ont le droit de refuser des publicités ou du contenu éditorial, et «ce n’est pas de la censure».

«Je ne connais aucun media, public ou privé, qui est obligé de diffuser quelque annonce parce qu’une personne est prête à payer. Il y a toujours la responsabilité du média à assurer que ce qui est diffusé est cohérent avec les règlements et valeurs qu’il représente», fait valoir M. Ketchum.

Mme Lasn estime que l’obstacle dressé devant les Canadiens voulant bénéficier d’un «libre marché d’idées» est le haut degré de concentration des médias au pays. Actuellement, seulement quatre sociétés (CanWest, Quebecor, Torstar et Gesca) contrôlent 72 % des quotidiens, selon le Comité permanent des transports et des communications.

Au Québec, Gesca contrôle sept quotidiens, tandis que Quebecor en possède près de 30 dans tout le pays, en plus de gérer la chaîne TVA.

Même si le CRTC a annoncé dernièrement de nouveaux règlements concernant la concentration des médias, les critiques affirment que c’est trop peu trop tard et que ces règlements ne peuvent rien faire pour arrêter les acquisitions des grands médias qui ont été amorcées ces dernières années.

Lise Lareau, présidente de la Guilde canadienne des médias, un syndicat représentant les travailleurs de l’industrie médiatique, estime que les nouveaux règlements du CRTC «ne reflètent pas du tout les inquiétudes des Canadiens à ce sujet».

«C’est comme si vous ne saviez pas que le paysage médiatique dans ce pays était devenu beaucoup plus concentré qu’il ne l’était dix ans auparavant.»

Même si les règlements du CRTC peuvent avoir un effet à l’avenir pour prévenir une concentration plus grande, ils ne font rien pour changer la situation actuelle, ajoute Mme Lareau.

«De toutes les manières le train a quitté la gare. Nous sommes pris avec ces conglomérats.»

La concentration des médias est un phénomène mondial, mais à un degré moindre que ce qui est vu au Canada, fait remarquer Mme Lareau. En décembre, la Commission fédérale des communications (Federal Communications Commission) aux États-Unis a assoupli les règlements concernant la propriété des médias, autorisant la possession d’une chaîne de télévision et d’un journal dans le même marché.

Toutefois, selon Mme Lareau, les États-Unis ont beaucoup plus de propriétaires de médias différents qu’au Canada. De plus, les Américains ont tendance à être plus conscients des problèmes associés à la concentration des médias – et plus véhéments à ce sujet – que les Canadiens.

«Les gens comprennent l’effet d’une presse libre sur la démocratie […] Cela importe aux Américains d’une manière plus viscérale qu’aux Canadiens, donc vous avez une association de gens intéressants là-bas qui se battent pour ces questions», explique Mme Lareau.

Stephen Anderson, coordonnateur de la Campaign for Democratic Media, fait remarquer qu’à cause d’une telle concentration des médias, les Canadiens n’ont pas été informés au sujet des poursuites effectuées par Adbusters, parce que les diffuseurs qui pourraient faire des reportages sur le sujet sont ceux dont les noms sont mentionnés dans le procès.

«C’est le même problème qui survient lorsqu’on défie la politique médiatique en général au Canada, car ils [les diffuseurs] ne feront pas des reportages sur eux-mêmes», démontre M. Anderson.

«Cette campagne menée par Adbusters est un parfait exemple : elle ne reçoit pas de couverture médiatique parce qu’il y a une telle concentration des médias. S’il y avait plus de publications comme le Toronto Star ou des médias indépendants, ce serait beaucoup plus facile.»

M. Anderson remarque que même si le militantisme dans la sphère des médias est encore au stade primaire, ces dernières années ont vu plusieurs nouveaux groupes se former, tant au Canada qu’à l’étranger, qui luttent pour la «démocratie médiatique».

Les militants des médias croient que, au fil du temps, le mouvement pour la démocratie dans les médias deviendra aussi important que le féminisme, le mouvement pour les droits civils et l’environnementalisme.

Ils soutiennent que les «informations biaisées» et les annonces publicitaires manipulatrices incitant au consumérisme galopant sont mauvaises tant pour les humains que pour la planète et peuvent même causer du stress et des problèmes mentaux.

Mme Lasn mentionne «qu’il s’agit d’un fait bien documenté» que, en comptant les publicités à la télévision, sur Internet, sur les panneaux et les t-shirts, environ 3000 messages de marketing sont enregistrés par le cerveau humain quotidiennement.

Elle fait remarquer qu’il y a un mouvement contre la publicité partout dans le monde, soulignant le cas de la ville de Sao Paolo au Brésil.

Le 1er janvier 2008, Sao Paolo a mis en vigueur une interdiction sur l’affichage extérieur, incluant les affiches publicitaires, les panneaux au néon et les panneaux électroniques. Les autorités de la ville ont déclaré que les 11 millions de personnes qui l’habitent étaient dépassées par la «pollution visuelle».

Mme Lasn ajoute qu’il y a une nouvelle génération de jeunes qui se rebelle contre ce qu’elle perçoit comme de la propagande disséminée par les médias et elle œuvre pour changer cette situation.

«Il y a une pression qui s’élève de la base contre ce genre d’environnement mental hyperactif et commercialement chargé dans lequel nous sommes obligés de vivre, mais il y a aussi un type de mouvement partant du sommet qui vient des politiciens et des gouvernements municipaux pour changer les choses», estime-t-elle.

«Donc, je crois que nous sommes dans une bonne passe, nous sommes sur une vague de militantisme médiatique qui, durant les dix prochaines années, commencera à changer les choses, et l’action judiciaire que nous avons entreprise est un élément important de toute cette vague.»

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.