L’Union européenne entend jouer un rôle accru dans le processus de paix

Écrit par Stéphanie Krug, Collaboration spéciale
16.10.2008
  • Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner(Stringer: SAIF DAHLAH / 2008 AFP)

Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, s’est rendu en Cisjordanie et en Israël les 4 et 5 octobre derniers dans le but de soutenir les efforts de paix avec les Palestiniens, dans un contexte de turbulences politiques en Israël et aux États-Unis. En effet, les États-Unis traversent une période électorale et Israël n’a plus qu’un gouvernement de transition depuis que le premier ministre, Ehud Olmert, accusé de corruption, est démissionnaire et que la nouvelle chef de Kadima, Tzpi Livni, est chargée de former le prochain gouvernement.

La visite du chef de la diplomatie française s’inscrit dans la continuité de la réunion du Quartet (États-Unis, Russie, ONU, UE) qui s’est tenue à New York une semaine auparavant et qui a invité les camps palestinien et israélien à «déployer tous les efforts nécessaires» pour conclure un accord de paix avant la fin de l’année.

La conférence d’Annapolis de novembre 2007 prévoyait qu’un accord de paix serait conclu entre Ehud Olmert et le président palestinien, Mahmoud Abbas, avant la fin du mandat de George W. Bush, mais les incertitudes politiques de tout bord rendent le processus laborieux et un nombre croissant de responsables israéliens estiment que la signature d’un tel accord est prématurée et qu’il est irréaliste de l’envisager.

Ayant à peine entamé sa visite à Ramallah en Cisjordanie, Bernard Kouchner a, d’entrée de jeu, énoncé son souhait de voir l’Union européenne jouer un rôle politique plus important dans le processus de paix au Proche-Orient, évoquant son scepticisme quant à la résolution d’un accord d’ici la fin de l’année.

«Si les protagonistes israéliens, palestiniens ainsi que les Américains – qui sont à l'origine du processus lancé à la conférence d'Annapolis – nous le demandent, nous répondrons positivement afin que l'Union européenne joue un rôle plus grand dans la région», a déclaré Bernard Kouchner, le 4 octobre, à l'issue d'une rencontre avec le président palestinien, Mahmoud Abbas, à Ramallah.

Cette intervention survient au moment où Ehud Olmert parle, non sans défrayer la chronique, comme s’il voulait laisser son testament politique, de ses réelles aspirations politiques en matière de paix, à savoir qu’il préconise le retrait d’Israël de tous les territoires palestiniens.

Dans un entretien publié le 29 septembre dernier par le journal israélien, Yedioth Ahronoth, à l'occasion de Roch Hachana, le Nouvel An juif, le chef du gouvernement israélien s'est exprimé en ces termes : «Nous devons arriver à un accord avec les Palestiniens, ce qui signifie qu'il faudra se retirer de presque tous les Territoires occupés, si ce n'est de tous les Territoires, y compris Jérusalem-Est et les hauteurs du Golan [territoire syrien occupé par Israël en 1967]. Ce que je vous dis, jamais un dirigeant israélien ne l'avait dit auparavant.»

Force est de constater que ces déclarations quelque peu intempestives faites juste avant la démission d’Ehud Olmert arrivent un peu tard. Si ces déclarations empreintes d’audace ont le mérite de favoriser la paix, de provoquer une joie mesurée dans le camp arabe et de susciter un hommage de la part de Bernard Kouchner, elles n’ont guère la possibilité de se manifester sur le plan concret ni de devenir des réalités, si l’on en croit les analystes politiques qui s’accordent à penser que ce processus pourrait prendre plusieurs décennies.

Faut-il rappeler combien la question de Jérusalem-Est est une question sensible et qu’elle ne pourra se résoudre comme celle de la Cisjordanie – aujourd’hui sous le contrôle de l’Autorité palestinienne – ou celle de la bande de Gaza qu’Ariel Sharon a résolu en restituant l’intégralité de ce territoire aux Palestiniens il y a trois ans.

L’occupation de Jérusalem-Est et du plateau syrien du Golan s’est réalisée en 1967, suite à la guerre de Six jours, et l’annexion a été déclarée en 1980 par Israël. Mais, à ce jour, ces territoires qui font partie intégrante de l’État hébreu ne sont pas reconnus comme tels par les États-Unis ni par le Conseil de sécurité de l’ONU. En effet, tous deux n’ont pas reconnu l’annexion, les États-Unis s’étant abstenus de voter et le Conseil de sécurité de l’ONU souhaitant que, selon le plan de partage de la Palestine, Jérusalem soit une capitale internationale et n’appartienne à aucun État. Les désaccords sont nombreux sur la question, d’autant plus que les Israéliens continuent d’en parler comme la capitale de leur État, indivisible, et que les Palestiniens désirent en faire la future capitale de leur État, car Jérusalem-Est présente une population en grande majorité arabe.

Sans se laisser impressionner par tous ces imbroglios, le ministre français des Affaires étrangères reste ferme sur la question de la création d’un État palestinien, la priorité étant pour lui la résolution d’un accord entre les deux parties qui permette la fondation d’un État viable du côté palestinien.

Il a pourtant été confronté comme d’autres responsables politiques à l’impasse que représente l’accord promis par la conférence d’Annapolis en novembre 2007. «Nous étions supposés disposer d'un document, pas d'un résultat définitif, mais de quelque chose avant la fin de l'année et nous savons tous à présent que cela prendra un peu plus de temps», a-t-il déclaré à l'issue d'un entretien avec le premier ministre palestinien, Salam Fayyad. «Il est important d'aller de l'avant sur la même voie. Je ne sais pas si nous verrons un État palestinien avant la fin de l'année, mais je sais que cet État est absolument nécessaire, c'est une clé indispensable. Nous avons besoin d'un tel État», a-t-il ajouté. Il a conclu en réitérant : «Un État palestinien indépendant et démocratique sera le garant de la sécurité d'Israël.»

Qualifiant M. Kouchner «d'ami du peuple palestinien», M. Fayyad a salué «la position très en pointe de la France au sein de l'Union européenne».

En visite à Jénine en Cisjordanie, Bernard Kouchner a émis un bilan favorable quant aux progrès accomplis par l’Autorité palestinienne dans le maintien de la sécurité en Cisjordanie, avec l’appui de la France et de la mission européenne EUPOL-COPPS et conformément aux engagements contenus dans le plan prévu.

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Il a convenu de plusieurs entretiens le 5 octobre avec le premier ministre, Ehud Olmert, la ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, chargée de former le nouveau gouvernement, le ministre de la défense, Ehud Barak, et le chef du Likoud, Benyamin Netanyahu. Il a parlé, en termes francs, des efforts que devait prodiguer Israël pour alléger les restrictions aux déplacements dans les Territoires palestiniens qui empêchent l’économie palestinienne de prendre son essor et a insisté pour que des démarches sérieuses soient entreprises dans le sens du gel de la colonisation et de la levée des barrages qui ne favorisent pas la marche du processus de paix.

Il est important, selon lui, que la paix s’inscrive avant toute chose dans une perspective à l’échelle régionale et s’appuie sur des solidarités concrètes. Il a souhaité témoigner de la volonté de l’Union européenne, en partenariat avec les autres membres du Quartet, de faciliter le rapprochement des deux camps et de contribuer autant que possible à la mise en place d’un accord de paix. Il est également probable, selon Kouchner, qu’une force européenne, installée dans les Territoires palestiniens, soit déployée en vue de mettre en œuvre un processus de paix concret. Beaucoup de responsables politiques de l’Union européenne y ont déjà songé.

Le ministre français s’est montré optimiste au terme de sa visite de deux jours à Jérusalem et dans les Territoires palestiniens : «Je sens que quelque chose est en train de se passer. De loin, on a l'impression que le plan de paix lancé l'an dernier à la conférence d'Annapolis est arrêté, ne fait plus aucun progrès. Mais lorsque l'on vient ici, a-t-il expliqué, quand on voit ce que j'ai vu, j'ai l'impression que ça pourrait marcher», a-t-il déclaré le 5 octobre à Jérusalem, dans des propos rapportés par le Figaro international.

Il a reconnu qu’en apparence, rien ne semble véritablement augurer un accord de paix prochain à cause des turbulences politiques qui s’ajoutent aux difficultés inhérentes à l’élaboration d’un accord global mais il a constaté, à l’issue de ces deux jours de visite, que les deux camps sont plus à même désormais de faire des concessions.

Même si le gouvernement israélien n’est plus qu’un gouvernement de transition; que la société palestinienne est divisée entre les islamistes du Hamas, maîtres de la bande de Gaza, et l’Autorité palestinienne avec Mahmoud Abbas à sa tête et dont le mandat s’achève bientôt; que même si les États-Unis sont en pleine période électorale et que la menace de la création d’une bombe atomique du côté iranien est bien réelle, le chef de la diplomatie française demeure convaincu qu’une révolution politique profonde est à l’œuvre. Selon lui, les principaux responsables du côté palestinien comme du côté israélien, ayant abandonné leurs positions extrémistes, sont déterminés à trouver des compromis pour continuer dans le sens de la paix.