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Comment aider un adolescent au bord du suicide

Écrit par Catherine Keller La Grande Époque - Genève
22.10.2008
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  • adolescente triste(攝影: / 大紀元)

Chaque année, environ 4 % des filles et 3 % des garçons font une tentative de suicide ce qui représente un adolescent par classe. Pourquoi ?

Le *Professeur Marcelin explique « Le suicide est un langage moderne, le langage de l’action. Le jeune dit par là : je veux vivre mais autrement, je ne suis pas satisfait avec ma vie. Si le jeune n’est pas pris en charge après sa tentative et que rien de change dans sa vie, il est probable qu’il fasse une nouvelle tentative. »

Le professeur Marcelin pense aussi que c’est parce que dans notre culture, nous considérons que notre corps nous appartient, que le taux de suicide a monté en flèche ces dernières années. « On éduque nos enfants en leur disant que leur corps leur appartient et qu’ils sont seuls maitres de leur corps. Il ne faut pas s’étonner qu’au moment de l’adolescence, le jeune considère son corps comme un objet de transaction : il pense qu’il est entièrement possesseur de sa vie, il en fait donc ce qu’il veut. C’est une contradiction de notre société et ce n’est pas par hasard que les églises soient une protection contre le suicide. Cela ne veut pas dire qu’on doit passer ses dimanches à la messe mais c’est un sujet de réflexion. »

L’adolescence est une période particulièrement délicate en ce sens que c’est une métamorphose complète par laquelle l’être doit passer pour devenir adulte. Cela peut provoquer de la peur, des angoisses, un mal être profond chez le jeune**. Qui suis-je ? Qu’est ce que je pense ? Qu’est ce que je deviens ? Pourquoi tant d’émotions bouleversent mon cœur et mon esprit ? Toutes ces questions auxquelles s’ajoutent parfois des besoins non satisfaits d’être aimé, d’appartenir à un groupe, d’avoir des références positives, peuvent pousser un adolescent au suicide. Cela ne veut pas dire qu’il veuille mettre fin à sa vie physique. C’est plutôt un cri d’alarme pour dire « Je ne veux plus vivre comme ça, je suis mal dans ma peau, dans ma vie, dans les relations que j’ai avec mon entourage. »

Facteurs à risque

Le manque d’amour, la maltraitance, les abus sexuels dans l’enfance. Cela engendre un mal être, le mépris de son corps. Au lieu de maudire ceux qui lui ont fait subir ces souffrances, il retourne cette haine et sa souffrance contre lui-même.

Les jeunes marginalisés, en rupture du parcours scolaire sont particulièrement touchés. Le taux de suicide chez ces jeunes passe à 30%. Il est donc important de leur apporter un soutien même si parfois ils sont vindicatifs, agressifs, arrogants, car cette armure cache une fragilité qui les déstabilise à l’extrême. Ils proviennent souvent de familles dont les parents sont, soit marginalisés eux-mêmes, soit absents - pour raisons professionnelles en général.

Un autre groupe à risque est celui des adolescents qui se sentent des attirances homosexuelles . Même si cette attirance est plus facilement acceptée aujourd’hui, le jeune sent qu’il « n’est pas comme tout le monde », doit faire face à ses parents, ses amis et à lui-même. Cette déchirure le pousse à mettre fin à sa vie.

Certains jeunes font une tentative de suicide après un chagrin d’amour. D’après les médecins, c’est la situation la moins grave. Quand un jeune est désespéré d’avoir perdu celle  qu’il considérait comme l’amour de sa vie, bien souvent, la réponse qu’on lui donne est « ce n’est pas grave, t’es jeune, tu en trouveras bien une autre » Mais les amours de jeunesse ont une grande importance et le besoin d’être aidé pour réussir à surmonter son chagrin est capital. Les « conseils » insensibles sont plutôt des clous que l’on enfonce dans son cœur.

Il y a aussi des jeunes aimés, voire couvés par leurs parents mais qui sont mal dans leur peau. Ils ont un malaise qu’ils n’arrivent pas à dépasser. En général, les parents sont impuissants face au désespoir de leur enfant, aussi touchés que lui mais incapables de l’aider. Un psychologue spécialisé dans l’adolescence et le suicide a alors plus de chance de réussir à sortir  un jeune dans cet état. Malheureusement, il manque de professionnels, et seul 15% des tentatives de suicide sont prises en charge par des services spécialisés.

Un autre problème fréquemment observé est le refus de l’adolescent d’être aidé. Dans ce cas, la personne qui est informée de son état peut téléphoner ou aller dans un centre spécialisé pour demander de l’aide. Il est important de prendre au sérieux un jeune qui parle de suicide. Même s’il ne va pas jusqu’au bout, il signifie par là qu’il a mal. Pour séparer le chantage de la véritable intention de suicide, il faut un thérapeute capable de diagnostic.

Signes d’alerte

Des phrases  et des attitudes trahissent une pensée suicidaire. Elles ne signifient pas que le jeune va se suicider, mais qu’il faut être attentif. La lecture est facile quand on entend « Je souhaiterais mourir, je ne vous embêterai plus longtemps ». Il y a aussi les lettres d’adieu, le don d’objets précieux. L’isolement, le désinvestissement brutal du cursus scolaire ou d’autres activités, une incapacité à prendre du plaisir, des angoisses, des phobies, un manque d’estime de soi. Le sommeil et l’alimentation sont perturbés, l’hygiène négligé, des plaintes répétées, une apathie ou des prises de risque excessives. En fait tout ce qui démontre un mal être est à prendre en compte.

Comment réagir

Il est normal de se sentir désemparé face à ce problème et de ne pas savoir quoi répondre, comment agir. Se rendre disponible, montrer qu’il peut avoir confiance mais mettre des limites par rapport à ce que nous sommes capables réellement de lui donner peut créer une ouverture en même temps qu’une responsabilisation. L’aider à s’exprimer sur ce qu’il ressent, évoquer directement ses craintes face à son comportement et au suicide a le même effet. Si vous vous rendez compte que le jeune est prêt à passer à l’action parce qu’il a choisi et possède le moyen de mourir, il faut évidemment tout faire pour l’en empêcher. Retirez lui son  « arme », ne le laissez pas seul, appeler un médecin, utilisez la force si nécessaire. Les jeunes se tuent en général non par choix philosophique et raisonné mais parce qu’ils ne voient pas d’autre issue à leur souffrance.

Si le projet de passage à l’acte n’est pas défini, faites lui comprendre qu’il y a d’autres sorties et aidez le à trouver la sienne. Regardez avec lui ce qu’il a déjà fait pour s’en sortir, évaluez avec lui l’efficacité de ses demandes. Insistez sur le caractère irréversible de la mort. Souvent un jeune suicidant qui se trouve face à un cadavre prend conscience de l’irréversibilité de la mort et change d’idée. Face au suicide, il n’est pas bon que le jeune suicidant et la personne qui le côtoie restent seuls, c’est une règle fondamentale. Parfois, le jeune a besoin d’une rupture complète avec son environnement et d’entrer dans un centre spécialisé où il trouvera les armes nécessaires pour se reconstruire er construire sa nouvelle vie.

Ce qu’il ne faut pas faire                                                                                         Banaliser un propos suicidaire peut être pris comme un encouragement à passer à l’acte. Se moquer, juger ou attendre ont des effets négatifs. En général, ce type de comportement démontre le malaise de la personne face au suicide et n’aide pas le jeune suicidant. Il est inutile de donner des conseils comme « ça ira mieux demain, bouge toi, t’as tout pour être heureux… ». Mais le contraire. Ne pas accepter non plus de justifier des absences scolaires, des fugues - en faisant les choses à sa place sans explication, vous devenez son complice. Garder secret une confidence de pensées suicidaires peut-être pris comme l’acceptation d’un passage à l’acte, avec le risque de se sentir responsable toute sa vie ensuite.

Finalement, mettre au défi une personne suicidaire est un risque qu’il vaut mieux éviter. Il ne faut pas croire que nouscontrôlons suffisamment la situationet que nous sommes capables d’éviter qu’un jeune passe à l’acte.

Malgré tous les efforts faits, il est possible que le jeune se donne la mort. Alors, pour tous les proches, bien savoir une chose : la décision et la responsabilité sont siennes, pas celles de son entourage.

À Genève

L’unité de crise pour adolescents et jeunes adultes dépend des HUG (hopitaux universitaires de Genèveà et est soutenue par l’ONG Children Action qui apporte une contribution de800 000 Euros. par an aux trois entités. Son aide a permis d’ouvrir un nouveau centre en avril 2008, le CTAI,  ouvert 7 jours sur 7 et 24h sur 24 et qui peut suivre 30 adolescents. Ce centre ambulatoire assiste les jeunes sur 8 à 12 semaines. Durant cette période, les traitements proposés (la démarche du jeune est toujours volontaire) s’étendent sur une large palette : entretiens, activités de groupe, méditation, art-thérapie, psychothérapie.

Le CTAI complète l’unité hospitalière (UCA) et le centre étude et prévention du suicide (CEPS). L’UCA reçoit les jeunes suicidants en crise qui ont besoin d’une coupure avec leur environnement pour retrouver une certaine stabilité, ils acceptent volontairement le traitement en interne. Depuis sa création en 1996, l’UCA a ainsi accueilli plus de 1200 jeunes et reçus près de 4000 appels.  Le CEPS fait de la prévention en développant des outils et des stratégies capables de transmettre une bonne information. Grâce à des efforts de ce genre, en 25 ans, le taux de suicide chez les 15 – 24 ans est passé de 30,7 cas pour 100 000 habitants à 8,8 cas. childrenaction => projet

*Source : Débat mené par le professeur Daniel Marcelli, psychiatre pour enfants et adolescents, chef de service et professeur de l’université à la faculté de médecine de Poitiers, la doctoresse Aurora Venturini, responsable de l’UCA et du CTAI, Madame Maja Perret Catipovic, psychologue et responsable de l’unité de prévention, le professeur David Lebreton, professeur en sociologie à l’université Marc Bloch près de Strasbourg et auteur de plusieurs livres, et le professeur François Ansermet, professeur de pédopsychiatrie à la faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne et médecin-chef au service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent.

**Dans cet article, le jeune, l’adolescent est mis au masculin,  mais n’oublions pas que les filles sont bien plus nombreuses à faire une tentative de suicide. Par contre les garçons utilisent des moyens plus violents, plus radicaux, qui entraînent plus facilement la mort.

Plus de 204 720 056 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.