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Les jeunes filles, nouvel appât pour les pêcheurs

Écrit par Irin News
05.10.2008
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KISUMU– La plage de Dunga sur les rives du lac Victoria, dans la ville de Kisumu, dans l’ouest du Kenya, se met à bourdonner d’activité lorsque les bateaux arrivent avec la pêche de la journée. Les vendeuses de poissons se bousculent sur la plage pour acheter du poisson, s’époumonant afin d’attirer l’attention des pêcheurs et de leurs intermédiaires, qui décident si les femmes auront de la marchandise à revendre ce jour-là.

Parmi les attroupements de pêcheurs se trouve Lillian Onoka, une jeune fille de dix-neuf ans. Avec ses beaux vêtements et ses cheveux soigneusement coiffés en nattes, Lillian ne passe pas inaperçue.

«Je ne vends pas de poisson, mais ma tante oui. Elle me demande de l’accompagner. Je l’aide à obtenir du poisson sans qu’elle ait à se battre», a-t-elle dit à IRIN/PlusNews.

La tante de Lillian se sert de cette dernière afin d’inciter les pêcheurs à lui remettre leurs plus belles prises. Lillian a expliqué qu’elle n’était pas liée à un pêcheur en particulier, mais qu’elle couchait avec celui qui proposait la meilleure affaire de la journée.

Cette tendance est une nouvelle version d’un ancien système, connu sous le nom de jaboya (un client qui est également un amant, en langue locale luo), dans le cadre duquel les vendeuses de poissons entretiennent des relations sexuelles avec les pêcheurs et les intermédiaires, en échange de poissons.

La pêche représente le pilier de l’économie de cette communauté, et la pratique du jaboya est l’unique moyen qu’ont trouvé les commerçants afin de joindre les deux bouts. Étant donné la rude compétition face à des prises bien souvent maigres, les commerçants désespérés proposent désormais les faveurs des membres de leur famille plus jeunes et plus nubiles – dont la plupart ont moins de dix-huit ans – afin d’obtenir une part de la pêche.

«La plupart d’entre eux [les pêcheurs] nous donnent de l’argent, qui nous permet de nous vêtir correctement et de prendre soin de nous», a dit Lillian. La jeune fille a perdu ses parents, tous deux décédés des suites de maladies liées au VIH, a abandonné ses études et a quitté son village afin d’aller vivre avec sa tante à Kisumu, la capitale de la province de Nyanza.

Kennedy Omondi, un jeune homme de 28 ans, travaille comme pêcheur depuis l’âge de dix-sept ans, lorsqu’il a abandonné ses études secondaires afin d’aider son père à gérer une flotte de dix bateaux de pêche. À la mort de son père, Kennedy a pris la relève et gère désormais l’entreprise qui fait de lui un membre plutôt bien nanti au sein de la communauté. Bien que marié et père de deux enfants, il a déclaré à IRIN/PlusNews avoir des rapports sexuels avec des jeunes filles contre du poisson.

«Je préfère avoir des rapports sexuels avec les jeunes filles qu’on nous propose plutôt qu’avec des femmes de l’âge de ma mère», a-t-il dit.

Kennedy n’est pas consciencieux quant à l’utilisation du préservatif. Il a des rapports protégés si la fille apporte un préservatif, mais dans le cas contraire, il n’en utilise pas.

Selon les travailleurs sanitaires locaux, la version actuelle du système du jaboya expose une nouvelle génération aux dangers de la pandémie. La province de Nyanza affiche un taux de prévalence du VIH de 15,3 %, soit le taux le plus élevé du pays. D’après les statistiques de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), en 2006, le taux de prévalence enregistré au sein de la communauté de la pêche au Kenya atteignait les 30,5 %.

«Ces jeunes filles sont attirées dans ce genre de commerce afin de gagner rapidement l’argent qui leur permettra de s’intégrer dans la vie urbaine», a dit le docteur Charles Okal, responsable médical par intérim pour la province de Nyanza.

M. Okal a expliqué que la principale cause à l’origine de cette nouvelle tendance était la pauvreté croissante. Le gouvernement prévoit de lancer des programmes de lutte contre le VIH/sida destinés aux jeunes filles impliquées dans les transactions dites de «sexe contre poisson», et auxquels participeront les groupes de jeunes locaux, a-t-il ajouté.

Une ONG locale, l’Association des pêcheurs et des femmes de Dunga, déploie des efforts afin de mettre un terme à ces pratiques sexuelles dangereuses qui sont devenues monnaie courante au sein de la communauté des pêcheurs.

«Nous avons perdu de nombreuses personnes à cause du VIH et il est triste de constater qu’une majorité d’entre nous adoptent des comportements sexuels à risque», a souligné Sabina Achieng, une des responsables de l’ONG qui travaille elle-même dans le commerce de la pêche. «Ces choses existent, on ne peut les nier. Nous nouons actuellement des partenariats avec d’autres organisations qui partagent nos idées, afin de sensibiliser la population.»

Cette organisation travaille avec une autre ONG locale, OSIENALA (Les amis du lac Victoria), et Radio Nam Lolwe (Radio lac Victoria), une radio locale, afin de concevoir des messages médiatiques destinés aux communautés de pêcheurs, dans la province de Nyanza.

L’organisation humanitaire basée au Royaume-Uni, Merlin, travaille également avec les communautés situées le long des rives du lac Victoria dans le but d’accroître la sensibilisation sur le VIH grâce à des compétitions de musique locale, de danse et de théâtre.

Mme Achieng a expliqué que son organisation prévoyait de faire appel au gouvernement provincial afin d’aider à créer des activités plus productives pour les jeunes filles désœuvrées qui passent leurs journées sur la plage.

Selon le Centre pour les études sur l’adolescence du Kenya (CSA en anglais), la province de Nyanza enregistre le taux de grossesse, chez les adolescentes, le plus élevé du pays, ainsi que le plus important taux d’abandon scolaire au niveau national.

Dans la province de Nyanza, les filles sont sexuellement actives plus tôt que dans les autres régions. En effet, en moyenne, les jeunes filles de la province de Nyanza commencent à avoir des rapports sexuels à seize ans, alors que les filles de la province de Nairobi sont en moyenne sexuellement actives à partir de dix-neuf ans. Selon le CSA, les principales raisons à cette sexualité précoce sont la pauvreté et le manque d’accès à une éducation sexuelle complète, qui traite notamment du VIH/sida.

 

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