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L’algue Ostreopsis, une hôte indésirable en Méditerranée

Écrit par Suzi Loo, La Grande Époque - Nice
07.10.2008
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  • Photo des fonds marins avec l’algue Ostreopsis pendant une prolifération(攝影: / 大紀元)

Un contrôle de la qualité des eaux de baignade effectué par l’Observatoire Océanologique  de Villefranche–sur-Mer (06) durant le mois de juillet, a révélé la présence de l’algue  Ostreopsis du côté de la rade de Villefranche et a  nécessité, par arrêté municipal, la fermeture d’une plage durant quelques jours pour éviter toute contamination.

 

Cette algue toxique avait déjà été repérée à Monaco dans les premiers jours de juillet 2008. Dans la région, les cas d’intoxication remontent au mois d’août 2006 sur l’île de Frioul, au large de Marseille.

Rodolphe LEMÉE est biologiste marin au Laboratoire d’Océanographie de Villefranche-sur-Mer, CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique, Station Zoologique.)

Pouvez-vous nous expliquer la particularité de cette algue?

Cette  algue microscopique est formée d’une seule cellule, on ne la voit pas à l’œil nu. Sa caractéristique  différe des  autres qui sont faites d’une seule cellule et qui vivent dans l’eau. Cette algue a donc deux flagelles, elle vit fixée sur les macro-algues à une très faible profondeur,  d'une dizaine de centimètres à un mètre, au bord du rivage. Comme les macro-algues vivent sur les rochers, on la trouve préférentiellement dans des zones rocheuses. Elle a été vue pour la première fois en Méditerranée dans la baie de Villefranche dans les années 1970. Depuis une dizaine d’années, elle prolifère dans différents endroits, principalement en Espagne et en Italie et depuis quatre années elle forme des « bloums », c'est-à-dire des petits explosions, des floraisons à des endroits bien précis, on essaye de déterminer ses endroits et les conditions qui permettent sa prolifération

 

Des cas d’intoxications en Espagne et en Italie

Les premiers cas d’intoxications  humaines avaient effectivement été  identifiés en Espagne (Catalogne), et le lien avec l'algue n’avait pas été fait tout de suite, les cas n’ayant pas  été aussi nombreux qu’à Gènes (Italie) en 2005.Des intoxications assez importantes puisque plus de 200 personnes ont ressenti différents symptômes comme des problèmes cutanés, des problèmes oculaires (conjonctivite). D’autres personnes, un peu plus sensibles, eurent des problèmes respiratoires ainsi que grippal avec des céphalées et une légère fièvre, une vingtaine de personnes ont été hospitalisées. Depuis ce phénomène à Gènes, la surveillance est constante   sur le développement de l’Ostreopsis en Méditerranée.

Ce  n’est pas sa présence qui est importante, mais c’est surtout sa concentration. Si elle est en faible concentration, on ne voit aucun effet. Si  elle en forte concentration, là il va falloir prendre les devants et procéder à  des fermetures ponctuelles brèves, à la fois spatiales et temporelles.

Les causes viendraient-elles du réchauffement climatique?

-Oui, l’hypothèse est qu’il y a beaucoup d’espèces de la Méditerranée qui se développent de plus en plus vers le nord à cause du réchauffement climatique. Les premières publications ont montré que c’est une espèce qui viendrait de l’Atlantique, notamment du Brésil.  On ne sait pas si elle a  élargi son aire de distribution au fur et à mesure et si elle  est rentrée par Gibraltar ou bien si c’est une espèce introduite par les ballasts des bateaux ou par d’autres voies.

Vous parlez du Brésil, s’en ont-ils inquiété?

Ces  espèces  à « tendances tropicales » se développent dans les mers tempérées comme la Méditerranée alors que, sous les tropiques, elles ne prolifèrent pas ou peu. Quand elles arrivent à trouver une niche écologique vacante en Méditerranée par exemple, là, elles peuvent proliférer. Souvent ces espèces d’algues, si elles sont introduites, ont une phase de prolifération importante au départ, et on s’aperçoit par la suite  qu’il y a stabilisation et régularisation. Pour l’instant, on ne peut pas savoir si on est en pleine phase d’explosion, si l’année prochaine il n’y  en aura plus ou si dans 10 ans il y en aura partout en grande quantité.

Vous avez parlé de la Méditerranée, mais aussi de l’Atlantique, il est donc probable de la trouver dans d’autres mers?

Il est sûr que maintenant on en trouve en Atlantique et dans d’autres mers. Maintenant qu’elle fasse des proliférations comme en  Méditerranée, cela n’a pas été montré dans les eaux tropicales dans ses conditions d’origine. Elle va donc trouver des prédateurs et des compétiteurs qu’elle ne repère pas en Méditerranée et qui ne vont pas  lui permettre de proliférer  facilement.

Dans vos recherches, avez-vous trouvé un moyen pour l’éliminer?

Nous avons un programme de recherche « Méditerranée Ostreopsis » qui est financé par le Ministère de l’écologie, le Conseil Général  des Alpes-Maritimes et l’agence de l’eau. Ce projet de recherches regroupe différents laboratoires : l’université de Nice, l’Observatoire de Villefranche, plusieurs laboratoires de l’IFREMER (Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer), la chambre du Commerce et d’Industries de Nice et le CHU de Nice.

Un programme pluridisciplinaire,  avec une étude socio-économique, épidémiologique, scientifique et écologique à la fois. Ce projet a débuté au début de l’année 2008. Il va durer 3 ans. Notre principal but n’est pas de savoir comment on pourrait lutter contre cette espèce, mais surtout de connaître son écologie, sa biologie. Comprendre pourquoi elle va se développer  à tel endroit et pas à un autre. On s’est aperçu cet été, même sans vent, qu’elles peuvent se détacher naturellement. On étudie tous ces phénomènes et on examine aussi la toxicité de cette espèce.

Avez-vous avancé dans vos recherches?

Nous avons commencé au début de cette année.  Nous nous aidons  du microscope et le problème est que c’est très long à compter. Bien entendu comme elle prolifère en été quand la température est chaude, on en a donc profité pour effectuer des prélèvements qui ne sont pas encore analysés. Les résultats seront pour l’année prochaine.

Restez-vous confiants pour l’état de la mer?

De toute façon la Méditerranée a de plus en plus d’espèces introduites. Une partie de ces espèces ne vont pas s’adapter.  Au contraire, d’autres vont  trouver leur place. D’autres, par leur toxicité ou par leur vitesse de croissance, vont prendre la place d’autres espèces.  On va avoir une modification de la faune et de la flore en Méditerranée. Elle se doit d’être surveillée, il faut des observatoires pour voir l’évolution.

Cela peut-il modifier le comportement des poissons?

On ne connait pas grand-chose sur cette algue, donc on essaye de voir l’impact pour l’instant sur les invertébrés, en particuliers sur les oursins et les patelles   (petits mollusques  de la famille Patellidae qui vivent sur les rochers). En fait, en Italie, il y a eu observation d’une forte mortalité d’oursins et de patelles lors du développement de l’algue Ostreopsis. On ne sait pas si cela est dû à la toxine  ou  aux dérivés de cette algue, ou si il y a tellement de biomasse que les bactéries vont consommer cette biomasse quand l’algue va mourir et  vont consommer tout l’oxygène. Pour le moment, nous sommes encore au stade de la réflexion: est-ce  à  cause de la baisse d’oxygène ou  à cause des toxines que l’on a une plus forte mortalité d’invertébrés marins?

 

Luisa MANGIALAJIO est attachée de recherche à l’Université de Nice, laboratoire ECOMERS et nous donne son avis.

« Les études centrées sur les micro-algues benthiques (qui vivent en rapport direct avec le fond marin) ont été très rares jusqu’à présent. Il est donc difficile d’exclure qu’elle n’était pas présente auparavant, l’hypothèse  la plus probable est que cette espèce a été importée par les eaux de ballast des bateaux. Un résultat attendu des recherches menées à l’échelle de la Mer Ligure est de comprendre les facteurs qui favorisent la prolifération de cette espèce. Les résultats préliminaires, publiés récemment, ont montré que la température élevée de l’eau de mer semble la favoriser, mettant en évidence un rôle très important du réchauffement climatique. Cependant d’autres facteurs (ex : les sels nutritifs, les conditions météo-marines) sont sûrement impliqués et leur effets synergiques ou antagonistes restent, à présent, très méconnus. Un effort coordonné des scientifiques, tel que le groupe de travail multidisciplinaire formé dans le cadre du projet «Méditerranée Ostreopsis» ou le réseau d’experts italiens bentox-net  est donc nécessaire à l’échelle méditerranéenne. »

 

 

 

 

 

  • Vue au microscope de l’algue Ostreopsis(攝影: / 大紀元)

 

 

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