Les étranges navires du golfe d’Aden

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque - Paris
07.10.2008

Les pirates somaliens ont-ils révélé malgré eux un trafic de combustible nucléaire?

  • (攝影: / 大紀元)

 

Les pirates somaliens ont commencé par pêcher le thon avant de prendre la détestable habitude de se servir sur les bateaux croisant par le golfe d’Aden. Aujourd’hui organisés en petites armées et équipés de fusils d’assaut AK-47 et de lance-roquettes, ils sont définitivement sortis de l’artisanat – et de l’anonymat – en saisissant des yachts de milliardaires comme le voilier français Le Ponant. Encerclés par les bâtiments de guerre des plus grandes marines du monde qui ont décidé d’intervenir, ils créent l’actualité en dévoilant les cargaisons inavouables des cargos passant par leurs eaux : des armes, des chars d’assaut et de mystérieux containers venus de Chine qui tuent en quelques jours ceux qui les approchent.

S’il s'agit  bien, comme on le murmure, de matériel radioactif, les hypothèses les plus graves peuvent être faites. Même si ce n’est que la moindre d’entre elles qui se confirme, les pirates du Puntland, cette région du nord de la Somalie qui s’est pourvue de son propre gouvernement – et de ses multiples administrations mafi euses parallèles, auront donné plus de moyens de pression diplomatique à la communauté internationale que des années de discussions au Conseil de Sécurité des Nations unies. Le 21 août, un groupe de pirates somaliens a pris possession d’un discret cargo marchand iranien, l’Iran Deyanat. Une belle prise de 45.000 tonnes, censément chargée de minéraux et de produits industriels.

Le navire a été affrété par l’IRISL (Lignes maritimes de la République islamique d’Iran) – une entreprise d’État dirigée par l’armée iranienne et à qui le gouvernement américain reproche de falsifi er régulièrement les informations sur ses cargaisons. Le bateau, si on en croit les documents de bord, est parti de la ville de Nanjing, en Chine, à la fin du mois de juillet et devait se diriger vers la Hollande pour y décharger du fer et des produits industriels, indique le Times sud-africain. Le ministre des Ports du Puntland, Ahmed Siad Nur, indique lui au site Internet Long War que parmi les 50 pirates qui ont abordé le bateau, ceux qui sont allés inspecter les cales ont perdu leurs cheveux en quelques jours, montré des brûlures graves et plusieurs sont morts. « Oui, certains sont morts », confi rme Andrew Mwangura, directeur du programme d’assistance à la marine est-africaine. « Je ne sais pas le nombre exact mais l’information que j’ai reçue est que certains d’entre eux sont morts. »

 

L’IRISL dément vigoureusement ces « mensonges éhontés », ajoutant dans une communication reprise par le Teheran Times : « Ce bateau – l’Iran Diyanat – n’a rien de dangereux à bord. » D’après l’IRISL, la cargaison est à destination d’un entrepreneur allemand et aucune rançon n’a à ce jour été payée aux pirates. Pourtant, les propos de l’IRISL, accusée d’avoir dans le passé facilité l’envoi d’armes et de cargaisons chimiques pour le programme militaire iranien, sentent le soufre. L’organisation est sur la liste noire de toutes les banques américaines. Pour les experts militaires consultés, le tableau clinique des pirates somaliens malades ou décédés n’est pas compatible avec un empoisonnement chimique… il reproduit par contre précisément ce qui se passe lors d’exposition à des radiations.

 

« C’est impressionnant », dit Jonathan Tucker, expert au Centre James Martin pour la non-prolifération, cité par la chaîne Fox News. « Je ne connais aucun agent chimique qui fasse perdre les cheveux en quelques jours. Cela suggère plutôt un haut niveau de perte radioactive ». INFO OU INTOX ? Dans un contexte où la Somalie déchirée tire sur tous les leviers possibles pour obtenir une aide internationale, il reste à envisager une information farfelue agitant le spectre des armes de destruction massive pour attirer l’attention sur le pays. Du côté du gouvernement somalien, on affi rme déjà sans avoir pu examiner l’Iran Deyanat que celui-ci contient des armes envoyées par l’Iran à l’union des tribunaux islamiques, lesquels ont déjà repris le contrôle de tout le Sud de la Somalie. Le temps trop long mis par le vaisseau pour arriver au golfe d’Aden argumenterait dans ce sens, de même que le fait que d’autres livraisons ont déjà eu lieu par le passé, avec parfois le soutien du Hezbollah libanais.

 

Mais dans le cas de l’Iran Denayat, on a du mal à comprendre qu’il soit passé par le Sud de la Somalie – fi ef des islamistes qui contrôlent par exemple le grand port de Kismayo – sans débarquer les armes supposées, pour se faire ensuite bêtement arraisonner sur ce qui semble une route toute tracée vers le canal de Suez. L’hypothèse quasi-hollywoodienne que les premières apparences soutiennent est rien moins que l’envoi d’une cargaison de combustible nucléaire par la Chine, à qui ? à l’Iran en évitant le détroit d’Ormouz, étroitement surveillé par les forces américaines ? à la Syrie ? Ce serait dans tous les cas une bombe diplomatique sans précédent : les livraisons d’armes envoyées par Pékin à Robert Mugabe en juin cette année pouvaient encore passer relativement discrètement, mais avec cette nouvelle on entrerait dans une dimension nouvelle, à peine imaginable : l’aide apportée par un membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies à une ou des nations en pleine course à l’armement nucléaire, et dont les objectifs militaires commencent par la destruction d’Israël.

 

La presse iranienne affirme que les États-Unis ont offert de payer aux pirates 7 millions de dollars pour avoir accès au bateau, information que le Pentagone n’a pas souhaité commenter. Sans détailler, un haut-responsable du Puntland indique lui laconiquement au journal Long War : « Je peux vous dire que ce bateau intéresse beaucoup de monde ».

 

FACE À L’ARMÉE

Avec plus de 60 attaques de bateaux depuis début 2008, les pirates du Puntland, qui ont fait de cette zone maritime la plus dangereuse au monde, s’invitent donc aujourd’hui malgré eux dans la grande diplomatie. On en oublierait presque qu’il sont, au moment de la rédaction de cet article, encerclés par six navires américains et refusent toujours de restituer – sauf à recevoir les 20 millions de dollars qu’ils ont exigés – le cargo ukrainien MV Faina, chargé lui d’armes et de 33 tanks. Andrew Mwangura, déjà menacé de procès par l’Iran pour ses déclarations sur l’Iran Denayat, a été arrêté par la police kenyane en début de semaine dernière pour avoir affi rmé que ces armes étaient à destination du Sud Soudan.

 

L’information est confirmée par les services de renseignement américains mais extrêmement embarrassante pour le Kenya qui a pris une position centrale dans les accords de paix entre Nord et Sud Soudan en 2005 et se retrouve donc soupçonné de préparer une reprise du conflit – en se positionnant en faveur du Sud, lequel possède les ressources de pétrole du pays. Les mercantiles pirates somaliens, anciens pêcheurs de thon, ont d’abord simplement cherché à protéger leurs eaux des grandes fl ottes commerciales lorsque l’appareil politique somalien a explosé en 1991. Ils sont progressivement passés au racket organisé, contrôlé par de grandes familles souvent liées à des membres des pseudo-gouvernements successifs de la Somalie. Les voici aujourd’hui, involontairement, faiseurs de scoops médiatiques et d’embarras diplomatiques. L’image romantique du pirate de jadis n’est pas si loin.