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L’enfance au Penso

Écrit par Michal Neeman
25.11.2008
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  • Alain Penso(攝影: / 大紀元)

Notre chroniqueur du 7e, Alain Penso, réalisateur de films et écrivain, nous livre en exclusivité des extraits inédits de son dernier livre Fragments d’un discours enfantin. Issu d’une famille d’origine turque et juive pour qui la France représentait le pays des rêves, Alain Penso décrit le Paris de son enfance avec cette même flamme que lui a transmise sa famille.

«Mon père était résistant, il a connu De Gaulle», nous dit Penso. Sa mère a enseigné le français en Turquie et a été sollicitée par l’ambassade française pour l’organisation de nombreuses activités culturelles. C’est peut-être aussi la raison pour laquelle il décrit avec autant de respect les enseignants qui lui ont laissé leur empreinte - ceux qui croyaient que le rôle du professeur est de transmettre un savoir scientifi que mais aussi et surtout la capacité de distinguer le bien du mal et de penser aux autres avant soi-même. La Grande Époque a choisi de publier cette semaine un fragment qui décrit justement l’un de ces instituteurs remarquables.

«L’enfance m’a permis de rêver d’imaginer et de voyager dans le temps et l’espace de Paris à Istanbul», dit l’auteur. Penso, qui a une formation d’historien et d’ethnologue et pour qui l’analyse est une seconde nature, décrit avec une précision extrême le monde de l’enfance et le regard porté par l’enfant sur le monde qui l’entoure. Il nous permet de toucher et de comprendre ces âmes douces et sensibles, de partager leurs joies, leurs peurs, leurs gênes.

C’est ainsi que Penso le cinéaste a su, à travers son regard enfantin comme à travers l’objectif d’une caméra, nous emporter dans l’univers magique de l’enfance avec ses sensations, ses visions, ses bruits et ses odeurs. Penso avoue être inspiré par des cinéastes comme François Truffaut (Les 400 coups) ou Jean Vigo (Zéro de conduite) mais aussi par Jean Renoir et Jacques Prévert. Quant à Penso l’écrivain, son style a des sonorités d’auteurs tels que Maupassant pour son humanisme ou Sholom Aleichem (un des plus grands écrivains de la culture yiddish, qui décrit entre autres son enfance dans le Shteitel, le village juif disparu) pour sa nostalgie, son humour et son amour. Pour conclure je voudrais rendre hommage à Penso l’humaniste puisqu’il est de ceux qui «croient en l’homme parce que l’homme est bon par nature». 

 

EXTRAIT DE « FRAGMENTS D’UN DISCOURS ENFANTIN », OUVRAGE INÉDIT D’ALAIN PENSO

M. Gauchon était mon instituteur au cours moyen première année à l’école Baudricourt. C’était un homme d’une grande autorité. Il aimait beaucoup son travail et cela se voyait, car l’amour qu’il avait pour les enfants rejaillissait de façon permanente dans l’atmosphère de sa classe. Il avait une blouse grise dans laquelle il mettait de précieuses craies blanches, on eut dit qu’il s’agissait de lingots d’or. Ses cours étaient souvent passionnants. Il esquissait un geste associé à un mouvement du visage, puis enfin à une voix ferme qui énonçait le problème.

J’ai beaucoup aimé cet homme-là et mes camarades aussi, je crois. Il avait souvent la tête en l’air, et nous autres les élèves observions ses globes oculaires de couleur blanche s’élever vers le plafond. Un jour nous nous demandions s’il priait le ciel ou simplement, s’il rêvait. En réalité M. Gauchon était pris d’agitation, car il avait oublié ses lunettes. Cela l’empêchait de lire et d’écrire. Après quelques minutes de battement, M. Gauchon soupira car la journée allait être très longue, sans le secours indispensable de ses lunettes. On frappa à la porte. Surgit alors une belle jeune fi lle avec une paire de lunettes en écaille à la main. C’était la fille de M. Gauchon, envoyée par sa mère en mission. Le maître la remercia et elle prit congé. L’atmosphère de la classe se détendit car M. Gauchon reprit son rythme initial, celui d’un homme remarquable.

Nous étions mercredi, c’était le jour du cours de morale.

- Prenez vos cahiers s’il vous plaît et cessez de parler pour un oui ou pour un non. Vous n’êtes plus des enfants. Faut-il que je me retourne pour désigner le dindon de la farce ? J’espère d’ailleurs que vous connaissez la différence entre un poulet et un dindon, sinon je me chargerai de vous l’apprendre rapidement. M. Gauchon était devant son tableau, écrivant la date du jour, et la matière, pour laquelle nous étions tout ouïe. En effet, depuis cette dernière remarque, nous entendions les mouches voler, et certaines se heurter contre les vitres de la classe. L’autorité du maître développait l’audition des élèves.

- Ecrivez, en haut d’une page, au milieu si possible, cours de morale. Soulignez avec votre crayon rouge. M. Gauchon donnait des indications précises afi n que nous ne soyons pas perdus dans les espaces de nos cahiers. J’avais la très nette impression que M. Gauchon préparait avec minutie son entrée en scène, car l’entendre parler, c’était vraiment parfois digne d’un spectacle de théâtre.

- Je vais vous raconter une histoire mes enfants. Je vous demanderai d’être très attentifs, car après j’aimerais demander à chacun son avis, sur ce récit. Voilà l’histoire. Dans un village du centre de la France, en Auvergne, au Puy je crois, vivaient des pauvres gens, ce devait être en 1930. Chacun faisait tout ce qu’il pouvait pour pouvoir survivre à leur condition diffi cile. Heureusement, il y avait le curé du village qui tentait par tous les moyens d’alléger le fardeau de cette pauvreté impensable au vingtième siècle. Il y avait aussi l’instituteur, qui faute de nourriture terrestre, prodiguait une nourriture spirituelle et intellectuelle. Il faisait réfl échir ces pauvres enfants à l’école, à l’estomac souvent vide. Il avait développé chez eux, grâce à la connaissance, l’espoir d’un monde meilleur.

Les enfants étaient mal habillés et mal chaussés. Le plus pauvre de tous s’appelait Rémo. Il avait une paire de chaussures presque sans semelles. Il mettait du papier journal entre ce qui restait de cuir et son pied. Quelquefois, ses camarades se moquaient de lui, mais pas trop méchamment. Remo n’avait plus le coeur à rire, même son alimentation lui posait des problèmes. M. Gauchon racontait cette histoire qui tirait des larmes à son auditoire. Il continua avec cette voix sensible et sûre d’elle même. - L’instituteur, dit M. Gauchon, aimait beaucoup Remo, car ce garçon était doux et intelligent et n’avait rien fait au monde pour être dans cette situation. La municipalité décida d’offrir à la classe, une paire de chaussures qui devait faire partie d’une tombola. Voici ce que proposa le maître de Remo..... Mes enfants, dit l’instituteur, je sais combien chacun de vous aurait besoin qu’on l’aide pour éloigner un peu la misère. Je vous propose d’écrire sur un bout de papier votre nom, et ainsi par tirage au sort nous saurons qui est l’heureux gagnant. Chaque enfant inscrivit son nom sur un petit bout de papier qu’il plia en quatre, et mit dans le chapeau que lui tendit le maître.

Et on procéda au tirage au sort. Il demanda à l’un de ses élèves de venir tirer un nom dans le chapeau. Le garçon nommé pour cette tâche saisit un papier qu’il tendit à son maître qui l’ouvrit. Il lut, son visage s’illumina. il dit à haute voix - le gagnant est... Les enfants avaient la bouche ouverte, attendant le verdict. L’instituteur ne se priva pas de jouer sur le suspens. Il reprit : - Le gagnant est Rémo. L’ensemble de la classe applaudit. Rémo se leva, après que le maître l’eût invité à le rejoindre. Il s’approcha du bureau, souriant, les larmes aux yeux. La classe se vida, puis le maître tira un autre papier où il lut Remo, puis un autre où il lut encore Remo, puis un dernier enfi n qu’il lut le sourire aux lèvres, Rémo. L’instituteur partit de sa classe, le coeur léger, s’écriant tout bas, ce sont des pauvres, mais ce sont des sacrés gosses.

 

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