Israël va-t-il attaquer les installations nucléaires iraniennes?

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque - Paris
25.11.2008
  • drapeau de l'Iran(Stringer: - / 2008 AFP)

Le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), publié le 19 novembre 2008, réactive les rumeurs sur de possibles frappes militaires par l’aviation israélienne sur les installations nucléaires iraniennes. D’après l’AIEA, l’Iran pourrait avoir maintenant suffisamment d’uranium enrichi pour réaliser sa première bombe atomique. Alors que le premier ministre israélien, Ehud Olmert, vient de rendre une dernière visite au président américain sortant, Georges W. Bush, la question se pose d’un possible feu vert donné par l’administration américaine à ces frappes.

Dans la rubrique permanente «La menace iranienne» du quotidien Jerusalem Post, les analystes militaires s’interrogent : Téhéran est-il déjà capable de fabriquer une arme nucléaire ou ne le sera-t-il qu’à la fin de 2009?

L’inquiétude grandit depuis que, dans son dernier rapport sur les programmes nucléaires iraniens et syriens, l’AIEA indique que l’Iran a déjà accumulé 630 kg d’uranium non enrichi et accroît ses moyens pour l’enrichir et le rendre apte à usage militaire : 3800 centrifugeuses déjà en fonction auxquelles s’ajouteront 2200 nouvelles. Le document, non encore rendu public mais diffusé au conseil de gouvernance de l’agence le 19 novembre dernier, est massivement repris par la presse qui y a facilement eu accès.

«L’Iran continue avec ses techniques de tromperie et de défilement. La réaction de l’Iran n’est pas à même d’apaiser les craintes de la communauté internationale quant à la finalité réelle de son programme nucléaire», a immédiatement commenté le ministère israélien des Affaires étrangères dans un communiqué. «Israël appelle à nouveau la communauté internationale à intensifier ses pressions sur le régime iranien pour qu’il abandonne son programme d’acquisition d’armes nucléaires.»

L’ambassadeur d’Iran à l’AIEA, Ali Asghar Soltanieh, a critiqué l’agence, lors d’une réunion à Vienne le 22 novembre, pour avoir «autorisé les fuites» sur le rapport du 19 novembre, et a demandé quand arriveraient les preuves d’activité militaire iranienne que l’AIEA est censée fournir.

Richard Garwin, un des pères de la bombe H aux États-Unis, affirme dans les colonnes du New York Times que la quantité de minerai disponible permet la production d’une bombe atomique : «Ils ont clairement assez de matériel pour une bombe et ils savent comment faire l’enrichissement.»

Ce que tempère Ephraim Asculai, expert israélien de haut rang cité par le Jerusalem Post, qui pense que ce n’est pas avant la fin de 2009 que Téhéran pourrait mettre en place – sauf à supposer des installations secrètes déjà existantes – un procédé pour passer de l’uranium enrichi, qu’elle est déjà capable de produire, à l’uranium hautement enrichi nécessaire pour une arme nucléaire : «L’AIEA indique qu’il faut 25 kg d’uranium hautement enrichi pour une bombe nucléaire, et vous ne les extrayez pas de 630 kg d’uranium non enrichi. Mais ils n’en sont pas loin et, s’ils ne sont pas stoppés avant, ils auront assez d’uranium hautement enrichi avant la fin de 2009.»

C’est ce que pense également l’AIEA sur la base des visites du site de Natanz, tout en mentionnant que ceci n’est valable que dans l’hypothèse où toutes les informations sur le programme nucléaire lui ont été fournies par l’Iran. Le Sunday Times indique que, de source militaire israélienne, Téhéran en serait à la calibration d’une tête nucléaire sur ses missiles balistiques capables d’atteindre l’État hébreu.

Diplomatie ou force?

Le chef de l’armée de l’air israélienne, le général Ido Nehushtan a, dès le 18 novembre 2008, indiqué au journal allemand Der Spiegel être techniquement prêt à intervenir. Le général Nehushtan indique qu’une frappe sur l’Iran serait «une décision politique, pas un problème logistique ou technique» et que, d’après lui, «toutes les options sont sur la table […] l’aviation israélienne est robuste et flexible. Nous sommes prêts à faire tout ce qu’on nous demandera».

 

En 1981 déjà, dans une configuration comparable, l’aviation israélienne avait lâché deux tonnes de bombes sur le réacteur nucléaire de Tammuz, proche de Bagdad, en Irak, le détruisant complètement. Les pilotes israéliens s’entraînent à l’heure actuelle dans le désert de Negev, alors que des dizaines de techniciens américains déploient dans la même zone des systèmes de radar à longue portée pouvant apporter un appui logistique crucial, révèle Uzi Mahnnaimi, correspondant du Sunday Times à Tel Aviv.

Déjà, dans son édition du 21 novembre, le quotidien britannique indiquait, sur la base de sources dans les services secrets, que la probabilité d’une frappe israélienne préventive augmentait depuis plusieurs semaines. Israël craint que l’administration américaine qui, malgré un discours ferme, n’a pas réussi à faire renoncer l’Iran à son programme nucléaire ne reste un observateur inactif et que, avec le passage à une administration démocrate en janvier, la dernière chance de destruction des installations nucléaires iraniennes s’évanouisse.

Georges W. Bush aurait pourtant, d’après des sources au Pentagone mentionnées par le Sunday Times, donné, au début de 2008, un feu vert à Israël pour la préparation logistique de possibles frappes aériennes.

Logiquement, la dernière rencontre entre Georges W. Bush et Ehud Olmert le 24 novembre à Washington, aurait donné une place significative à la question iranienne.

Pour autant, il est difficile d’anticiper la position qu’a donnée à Ehud Olmert une administration Bush finissante et déjà entachée par ses insuccès belliqueux en Irak et en Afghanistan. Toute frappe israélienne nécessiterait le survol de l’Irak et donc un accord tacite des États-Unis qui contrôlent cet espace aérien.

Ceci enverrait au Moyen-Orient un message à l’opposé de la tentative de réconciliation israélo-arabe proposée lors de la conférence d’Annapolis à la fin de 2007. Non suivie de succès malgré des déplacements récurrents de la secrétaire d’État, Condoleezza Rice, Annapolis devait préfigurer un accord de paix et la création d’un État palestinien, et laisser au moins un héritage diplomatique positif des présidences Bush.

Le projet d’ouverture d’une représentation américaine à Téhéran – largement critiqué comme donnant un appui au président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, pour sa réélection en juin 2009 – participe probablement de la même volonté… au risque de plonger un peu plus dans l’incohérence les messages de la politique étrangère américaine.

Beaucoup moins hésitant, Téhéran a annoncé, le 22 novembre dernier, avoir exécuté un ressortissant iranien jugé coupable d’avoir fourni des informations militaires au Mossad. Ali Ashtari, 43 ans, qui fournissait l’armée iranienne en composants électroniques, a «confessé» ses crimes pendant ses vingt mois de détention et a été rapidement pendu, ce dont la presse officielle se félicitait vivement le week-end dernier.