La migration des grues cendrées

Écrit par Héloïse Roc, La Grande Époque - Paris
25.11.2008

  • La grue cendrée, grand migrateur européen, est en hivernage dans les Landes de Gascogne. (攝影: / 大紀元)

Les grues cendrées sont une espèce protégée en Europe. Elles traversent la France en novembre et vont regagner le sud de l’Espagne et le Portugal pour y passer l’hiver. À la belle saison, elles nichent au nord de l’Europe, où elles se reproduisent: la Scandinavie, les pays baltes, la Pologne et la Russie. Leurs voyages migratoires suivent un passage spécifique, large de 200 à 300 km. Elles cheminent vers leur nouvelle destination et traversent la France en diagonale, allant du Nord-Est (le Luxembourg, l’Alsace, la Lorraine) au Sud-Ouest (les Pyrénées).

 

Leurs aires de repos sont préétablies, toujours aux mêmes endroits. Elles s’y ressourcent, s’y alimentent et s’y reposent. Autour des prairies près des étangs soit du Saulnois, dans le domaine de Lindre, un territoire de 900 hectares au Nord-est de Nancy, soit près des îlots du lac du Der, se trouve la plus grande concentration de grues. Elles s’y rassemblent par milliers et s’y ravitaillent, puis partent vers le Sud-Ouest. Désormais certaines grues demeurent en Aquitaine pendant la mauvaise saison, et d’autres poursuivent leur voyage. Elles ont choisi deux sites: le camp militaire du Poteau à Captieux et la réserve de chasse d’Arjuzanx dans les Landes.

 

LE LAC DU DER–CHANTECOQ CLASSÉ RÉSERVE NATIONALE

Le lac du Der-Chantecoq est situé non loin de Saint-Dizier, dans les départements de la Marne et de la Haute-Marne. Il est le plus grand lac artificiel de France et de la région Champagne-Ardennes. Il a été, dès sa création, rapidement investi par les oiseaux. Il est classé réserve nationale de chasse et de faune sauvage. Il est géré par l’Office National de Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) dont la mission est de surveiller les espèces et l’environnement.

 

Le lac de Der a été construit à partir de 1967 sur l’emplacement du lac réservoir de Champaubert aux Bois. Il a été inauguré en 1974 par Robert Galley, ministre de l’Équipement. À l’époque, sa création avait pour objectif de désengorger la Marne, et d’éviter ainsi les crues de la Seine à Paris. En effet, les crues de 1910 et 1924 avaient inondé très sérieusement la capitale française. La crue de 1910 avait duré 45 jours, elle a été considérée catastrophique et la plus importante de l’histoire.

 

UN GRAND SITE ORNITHOLOGIQUE POUR LA MIGRATION

Le lac du Der est connu comme un grand site ornithologique pour la migration des oiseaux. Ils transitent sur ces lieux, de fi n octobre à fi n mars. Chaque année des dizaines de milliers de grues cendrées séjournent au lac de Der. Leur temps de repos est variable, allant de plusieurs jours à plusieurs semaines. Le nombre de grues, de passage par saison, est évalué par la LPO de 50 à 70.000. Alexandra Le Coz, animatrice nature du lac explique: «Le Der est une étape très importante dans la migration des grues cendrées. Elles y sont au calme pour se remettre les plumes en place et se reposer. Le lac faisant 48 hectares, il y a de l’espace pour se poser et de la nourriture dans les champs alentours.»

 

Ce sont aussi plus de 270 espèces d’oiseaux qui fréquentent les lieux : cygnes sauvages, faucons pèlerins, oies cendrées, etc. Des postes de guet permettent d’observer les oiseaux migrateurs de près. Ces abris à couvert sont répartis autour du lac, hors de la vue des oiseaux. Le lac est également pourvu d’une grande digue à l’ouest. Munis d’une bonne paire de jumelles, on peut y observer de nombreux oiseaux.

 

DESCRIPTION DE LA GRUE CENDRÉE

La grue cendrée est un grand échassier facilement reconnaissable à sa silhouette stylisée. En effet, elle possède un long cou et de longues pattes. Elle vole le cou et les pattes tendues. Disciplinées, les grues migrent en groupes, parfois importants, et volent en cercle, en V comme les avions de la patrouille de France ou en ligne. Une grue mesure de 114 à 127 cm avec une envergure en vol de 200 à 230 cm, son poids varie de 4 à 7 kg. Au repos, sur ses pattes, la grue cendrée dévoile toute sa beauté. Sa couleur d’ensemble est comme son nom l’indique grise, avec une bande blanche le long du cou, une tâche rouge sur le dessus et une touffe de plumes noires en panache pour la queue. Ses longues pattes lui confèrent une démarche lente et hautaine.

 

LIEU DE VIE DES GRUES ET ALIMENTATION

Pour vivre, la grue a besoin de vastes zones tranquilles de marais, boisés ou non, tourbières, landes ou prairies humides. Les sites d’hivernage doivent s’étaler sur une surface d’au moins 15 kilomètres avec des lieux tranquilles de repos, des îles par exemple, de grands plans d’eau, des fleuves, des marais, des landes marécageuses, des vasières, ou aux bords de grands étangs; des lieux paisibles pour passer la nuit et se rassembler, éloignés des hommes et des mammifères.

 

Les zones d’alimentation des grues se trouvent dans les marais, les prés et les grandes cultures : surtout dans les chaumes de maïs à l’automne, les champs de pommes de terre, de fèves, etc. En Espagne, elles se nourrissent, en hiver, des glands tombés des chênes. La grue est omnivore et consomme, en plus des graines, des tubercules, des fruits et des feuilles, des vers, des insectes, des mollusques, des batraciens, des reptiles, des poissons et de petits mammifères.

 

LA GRUE CENDRÉE DANS LES LANDES DE GASCOGNE

Plusieurs lieux privilégiés de résidence et de passage de la grue cendrée sont situés dans les Landes de Gascogne. Ce sont des milliers d’oiseaux qui passent l’hiver dans la région, ils évitent ainsi le franchissement des Pyrénées. Les grues cendrées trouvent dans cette région des conditions favorables à leur habitat: des abris pour la nuit. La nuit, la grue a besoin de dormir les pattes dans l’eau, car elle diminue ainsi le risque d’anéantissement par des prédateurs. Les échassiers y dorment en groupe. Ils se réchauffent et maintiennent la température du groupe un peu supérieure à celle des environs. Les grues s’alimentent des grains oubliés après la moisson, elles préfèrent les grandes parcelles dégagées.

 

LE CAMP DU POTEAU

Le camp du Poteau est un espace particulièrement spacieux étalé sur plus de 9.000 hectares. Il attire les migrantes. C’est un espace militaire à activités réduites. Ce lieu est paisible, peu soumis aux imprévus de l’agriculture et de la ville. L’endroit est parsemé de zones marécageuses naturelles favorables à leur installation. Ce territoire est d’une grande diversité biologique pour la faune et la fl ore, les zones humides sont en effet des écosystèmes remarquables. Mais la plus surprenante des habitantes est la grue cendrée. Elle profi te pleinement de la quiétude du site et de la clémence du climat, pour y dormir les nuits froides hivernales de novembre à mars.

 

LA RÉSERVE D’ARJUZANX

Un autre site d’hivernage situé dans les landes est la réserve d’Arjuzanx (2.452 hectares) de l’ancien site minier d’Arjuzanx, réparti sur les communes d’Arjuzanx, de Morceux, de Rion les Landes et de Villeneuve. Ce lieu est aussi un habitat temporaire ou hivernal de la grue cendrée, car il réunit toutes les conditions écologiques indispensables à sa vie. Cet emplacement a été classé réserve de chasse en 1987. Il est géré par l’Offi ce National de la Chasse et de la Faune Sauvage. Exploitée depuis 1930 pour alimenter les centrales électriques, la mine de lignite d’Arjuzanx a été définitivement abandonnée par EDF en 1992. En juin 2000, le Département a affirmé sa volonté d’acquérir le site pour y développer un projet axé sur la préservation et la découverte de l’environnement.

 

Des travaux de réhabilitation ont donné à ce site une dimension écologique remarquable. Les habitats sont diversifiés, de nombreux plans d’eau ont été créés, des landes humides, des espèces végétales originales. C’est un grand site français d’hivernage de la grue cendrée où près de 20.000 oiseaux séjournent simultanément. Ce lieu est d’un grand intérêt ornithologique, lié à la nidification de diverses espèces. Le réseau hydrographique des Landes de Gascogne, accueille la loutre et le vison d’Europe qui fréquentent également la réserve.

 

LAC DE PUYDARRIEUX DANS LES PYRÉNÉES

Une autre aire de repos est située dans les Hautes-Pyrénées. C’est le lac de Puydarrieux. Avant de traverser les montagnes, les migrateurs recherchent des stations de détente pour reprendre des forces : le lac de Puydarrieux, situé dans cet axe migratoire, est une bonne aubaine. C’est un réservoir artificiel de 14 millions de m3, créé en 1987 pour l’irrigation des terres agricoles environnantes. Il était destiné à réguler le régime des rivières du Gers. Désormais, il constitue l’un des principaux sites ornithologiques de la région Midi-Pyrénées car une zone protégée de 450 hectares a été créée dans l’environnement du lac. C’est en particulier une halte importante et un site d’hivernage pour des centaines de grues cendrées. D’autres oiseaux bénéficient du site en hiver, ce sont les vanneaux, canards siffleurs, pilets, souchets, colverts, sarcelles, courlis cendrés, grandes aigrettes.