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Nouveau général-commandant avant un nouveau président

Écrit par Noé Chartier, La Grande Époque-Montréal
03.11.2008
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  • Le général américain David Petraeus nouvellement en charge du Central Command(Stringer: SHAUN CURRY / 2008 AFP)

David Petraeus prend en charge le Central Command

Quatre jours avant l’élection tant attendue du 4 novembre aux États-Unis, celui à qui on donne le crédit d’avoir fait baisser considérablement la violence en Irak a pris en charge le Central Command, un commandement militaire américain supervisant une région agitée du globe. Le général David Petraeus aurait tellement bien fait à la tête des troupes en Irak, que la question de cette guerre – avec l’aide d’une éclipse nommée «crise économique» – a été reléguée complètement à l’arrière-plan de la campagne présidentielle. Ses nouvelles fonctions corsées pourront cependant indiquer si ses succès relevaient vraiment de son génie ou s’ils ont été fortement influencés par des facteurs conjoncturels.

Lorsque Petraeus a pris la tête des forces de la coalition en Irak en janvier 2007, le pays souffrait d’une véritable effusion de sang et bordait la guerre civile. Quelques mois plus tard, avec l’application d’une nouvelle stratégie, la lumière semble se pointer au bout du tunnel. Mais tout cela est totalement réversible, comme l’indique le principal intéressé.

Le premier pas de Petraeus, surnommé le «guerrier-intellectuel», aura été de réécrire en 2006 le manuel doctrinal de la US Army sur la guerre contre-insurrectionnelle. La version précédente était désuète et très limitée en ce qui a trait aux types d’opérations modernes asymétriques. Dans l’abstrait, la maxime principale est que chaque situation a ses propres particularités, donc aucun problème ne peut être abordé de manière rigide et uniforme. Concrètement sur le terrain, cela s’est traduit par le déploiement des troupes américaines pour qu’elles vivent au sein de la population, elles qui auparavant se retiraient dans leurs divers camps hautement sécurisés.

L’approche de contre-insurrection mise également énormément sur des moyens non militaires pour, comme on l’entend régulièrement, gagner les hearts and minds de la population. En Irak, cela s’est opéré principalement en misant sur l’écœurement et l’isolement des sunnites, manipulés par Al-Qaïda et impuissants devant ses violences. La stratégie américaine a été de donner des salaires à des miliciens locaux pour qu’ils changent leur fusil d’épaule et aident à sécuriser leurs entourages. On procède maintenant, non sans difficulté, à incorporer ces hommes armés dans les services de sécurité officiels.

Face à ce succès, la question sur toutes les lèvres demande si le général Petraeus pourra utiliser de ses expériences et de son expertise pour aider à améliorer la situation en Afghanistan. Le Central Command américain couvre une région allant de l’Égypte à l’Asie centrale, en passant par l’Irak, l’Iran, l’Afghanistan et le Pakistan.

Si la tâche de Petraeus était colossale à son arrivée en Irak, il se retrouve maintenant avec un immense poids de problèmes et d’instabilités, augmenté d’une complexité géopolitique accrue et devant gérer une hostilité aux États-Unis qui bat des records.

On aimerait que les méthodes gagnantes se transposent en Afghanistan, mais le général est réaliste : «Il y a certaines idées qui vont se transposer [...] et beaucoup d’autres qui ne pourront l’être. La première leçon de la contre-insurrection, en fait, est que chaque situation est vraiment unique», affirme-t-il dans une entrevue avec Der Spiegel. Il poursuit en notant que les situations sont très différentes : «En Irak il y a 18 mois de cela, j’ai souvent envié le commandant en Afghanistan, vraiment. Maintenant, l’Irak [s’est améliorée] et elle a clairement de gros avantages. Elle possède d’énormes ressources pétrolières, elle a des réserves de gaz naturel pratiquement inexploitées. Elle a aussi de l’eau, de nombreux Irakiens sont éduqués et les infrastructures sont considérables.»

En comparaison, l’Afghanistan est largement en arrière sur le plan de l’éducation, des ressources et de l’infrastructure.

Le pays du pavot semble aussi être victime des succès en Irak : selon diverses sources, on assisterait à une augmentation de combattants étrangers ayant choisi de se replier sur un théâtre où il est maintenant plus facile d’opérer.

Si la coalition de pays opérant en Afghanistan peut augmenter un tant soit peu la légitimité de l’opération visant à sécuriser le pays, il semble de plus en plus que la mosaïque de pays est en fait un obstacle au progrès. Difficultés à unifier le commandement, règles d’engagement variées, compréhensions différentes de la contre-insurrection, etc. Selon une source haut placée de l’OTAN citée par le Sunday Telegraph, «si les Européens décidaient de quitter [l’Afghanistan], franchement, on ne les manquerait pas tellement. Certains d’entre eux sont dans nos pattes».

David Petraeus devra établir une stratégie pour gagner la guerre en Afghanistan. Que ce soit John McCain ou Barack Obama à la présidence, il n’y aura aucun changement à cela. Obama, qu’on projette comme une bouffée d’air frais moins belliqueuse, a clairement indiqué auparavant que l’effort militaire américain devait se détourner de l’Irak au profit de l’Afghanistan.

Les choses devraient donc bouger. Le «guerrier-intellectuel», qui a un doctorat de Princeton en relations internationales, aura-t-il des frictions avec le prochain locataire de la Maison-Blanche? Son aura de respectabilité lui donnera-t-il un ascendant sur le président ou en résultera-t-il un conflit d’égos? Jusqu’à maintenant, Petraeus se garde d’exhiber toute intention politique : il a d’autres chats à fouetter.

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