Babine - C’est l’histoire d’un film…

Écrit par Olivier Chartrand, La Grand Époque - Montréal
01.12.2008

 

  • Des acteurs de Babine(攝影: / 大紀元)

Même si cet automne nous avons été gâtés en contes avec deux campagnes électorales au pays et une chez nos voisins du Sud colorée par d’aussi typiques personnages que Joe le Plombier…, on ne se lasse pas des histoires de Fred Pellerin. Luc Picard a su leur rendre justice : celui qui a reçu un prix pour avoir signé L’Audition parvient à livrer, sous forme cinématographique, les savoureuses légendes anecdotiques du ti-gars de Saint-Élie-de-Caxton.

C’est par une nuit d’orage que la Sorcière (Isabelle Richer, Les soeurs Elliott) accoucha de celui qui allait devenir le fou du village, Babine (Vincent-Guillaume Otis, Ce qu’il faut pour vivre, Le déserteur). L’enfant, simple d’esprit, grandira parmi des villageois de Saint-Élie-de-Caxton qui le soupçonnent de tous les maux. Mais c’est seulement lorsque le Vieux Curé (Julien Poulin, Elvis Gratton) mourra dans l’incendie de l’église et surtout avec l’arrivée du Curé Neuf (Alexis Martin, Le banquet) que les soupçons se transformeront en accusations. Cependant, Toussaint Brodeur (Luc Picard, Un Dimanche à Kigali), le marchand général et éleveur de mouches à pêche, sait que son protégé n’est pas coupable, mais il devra trouver le moyen de le sauver de l’impasse fatale!

C’est avec les yeux écarquillés de l’enfant qui contemple les paquets sous le sapin de Noël que l’on retrouve sur grand écran l’univers éclaté de Fred Pellerin, la superstar de cette pratique intimiste qu’est le conte. Babine est un parfait film du temps des fêtes qui transportera les adultes autant que les enfants, il réussit à nous faire rire autant qu’à nous émouvoir.

Avant d’aller plus loin, il faut mentionner un point.  En général, le monde dans lequel on nous plonge ici est bien construit et l’équipe de la production a atteint un résultat impressionnant avec 6,3 millions de dollars de financement. On ne peut reprocher qu’à contrecœur à un film le manque de budget pour les effets spéciaux, mais, néanmoins, certaines scènes auraient nécessité plus de travail pour ne pas nous faire décrocher de l’univers Pellerin dans lequel on a tant de plaisir à pénétrer. L’écart de qualité entre les images des scènes tournées à l’extérieure et celles des scènes tournées à l’intérieure crée aussi une dissonance visuelle inconfortable.

Cela dit, le mélange entre les savoureux dialogues du conteur, les qualités de réalisateur de Luc Picard, une distribution de talent et, pour venir couronner le tout, l’émouvante musique de Serge Fiori et Normand Corbeil donne vie à des situations et des images empreintes de poésie.

Vincent-Guillaume Otis offre une performance réussie. Incarner un personnage de déficient intellectuel en étant attendrissant et drôle sans tomber dans la caricature est un défi périlleux. Luc Picard campe le sympathique et touchant propriétaire du magasin général éleveur de mouches à pêche. Alexis Martin est toujours aussi drôle par la ridicule gravité qu’il réussit à instiller dans ses personnages. Et René-Richard Cyr est hilarant en coiffeur ivrogne!

Souhaitons que ce film fantastique mélangeant poésie et humour donne encore plus de vitalité à cette tradition orale qu’est le conte, qui connaît d’ailleurs un second souffle au Québec depuis une quinzaine d’années. Et gageons qu’à l’approche des fêtes, Saint-Élie-de-Caxton dépassera Hérouxville dans le «Top 10» des villes québécoises inconnues les plus populaires.