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La politique d’Obama au Proche-Orient

Écrit par Stéphanie Krug, Collaboration spéciale
17.12.2008
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  • Barack Obama, président élu des États-Unis(Stringer: AFP / 2008 AFP)

Saura-t-il vraiment se démarquer de son prédécesseur?

Deux chefs maintenant impuissants auront échoué à faire avancer sensiblement le processus de paix au Proche-Orient. Ehud Olmert, premier ministre israélien forcé  d'abandonner son poste en raison de tractations judiciaires, et George W. Bush, président américain impopulaire en fin de mandat, doivent céder leur place à des successeurs aux apparences bien différentes. Une victoire du Likoud aux prochaines élections israéliennes représenterait un coup de barre à droite et un obstacle à la création d'une paix durable. Quant à l'arrivée de Barack Obama à la Maison-Blanche en janvier, nombreux sont ceux qui y voient une lumière au bout du tunnel pour la question palestinienne. Toutefois, élu parce qu'il devait incarner une cassure avec l'administration Bush et le vieux Washington, ses nominations politiques récentes aux postes clés de son équipe en font déchanter certains.

La nomination de Rahm Emanuel au poste stratégique de secrétaire général de la Maison-Blanche renforce cette idée selon laquelle la politique étrangère de Barak Obama sera très pro-israélienne. Ayant déjà travaillé en tant que conseiller politique sous l’administration Clinton de 1993 à 1998, Rahm Emanuel est un habitué de la Maison-Blanche et il est reconnu pour son engagement auprès d’Israël. Fils d’un immigré israélien ayant appartenu à l’Irgoun, milice nationaliste et extrémiste en Israël née d’une scission de la Haganah, Emanuel s’est porté volontaire pour faire partie de Tsahal, l’armée israélienne, lors de la première guerre du Golfe en 1991.

Outre Emanuel, d'autres vétérans de l’establishment politique américain ont été nommés à des postes importants de la future administration Obama.

Les audacieux élans vers le «changement» de Barack Obama pourront-ils vraiment prendre forme considérant son entourage? Ses sympathisants plus réalistes diront que pour gouverner la première puissance mondiale, des gens d'expérience sont indispensables.

C'est sans grande surprise qu'un héritier de l'ère Bush gardera les commandes du Pentagone. Mais Robert Gates, ancien directeur de la CIA, n'est pas Donald Rumsfeld. Depuis son arrivée, la situation en Irak s'est grandement améliorée, si bien que cette guerre n'a pratiquement pas été un enjeu de la campagne présidentielle. On dit de lui qu'il est respecté autant chez les républicains que chez les démocrates et qu'il n'a pas l'intention de s'éterniser à Washington.

L'autre poste très important de secrétaire d'État ira à Hillary Clinton, une décision d'Obama visant probablement à panser les plaies d'une âpre lutte dans les primaires. L'ex-première dame, ayant soutenu l'invasion de l'Irak en 2003, avait été rabrouée à répétition sur ce sujet par Obama qui s'y était opposé. Clinton a également toujours maintenu une position plus ferme face à l'Iran, alors qu'on entend régulièrement parler de discussions éventuelles d'Obama avec Téhéran – mais quand même de moins en moins, alors que les positions dites «libérales» du président élu sont teintées de plus de réalisme politique.

Grandes lignes et priorités

Les grandes lignes de la politique étrangère de Barak Obama au Proche-Orient ne sont pas toutes précises, mais certains bruits courent. Selon le quotidien israélien Haaretz, Obama voudrait proposer un parapluie nucléaire à l'État hébreu pour garantir qu'en cas d'une attaque nucléaire de l'Iran, les États-Unis s'engageraient à riposter avec leur propre arsenal contre Téhéran. Dans les camps américains et israéliens, on n'a pas voulu commenter la rumeur. Si les sources du Haaretz s'avèrent exactes, cela indiquerait que l'équipe Obama estime que l'Iran est sur le chemin du nucléaire militaire, malgré tous les démentis de la république islamique.

Tout porte à croire que loin de mettre fin au militarisme américain, la politique étrangère d’Obama continuera dans une certaine mesure dans le sillon de celle de Bush et de sa guerre contre le terrorisme. Ceux qui l'ont élu en pensant qu'il retirerait les troupes américaines de tous les théâtres n'ont pas écouté ses promesses constantes de diriger le focus sur l'Afghanistan et la lutte contre Al-Qaïda.

Outre le front afghan, la préoccupation majeure de Barak Obama devrait être l’Iran et Israël n’aura de cesse de faire pression sur l’administration américaine pour qu’elle maintienne une position agressive à ce sujet.

Si Barak Obama entend se pencher de près sur la question du processus de paix israélo-arabe, ce sera peut-être pour changer l’image que l’administration américaine véhicule dans le monde arabe, afin que ce dernier se range auprès du nouveau leadership américain. Ce n'est un secret pour personne, l’administration Bush a mauvaise presse au Proche-Orient.

Mince marge de manœuvre

La marge de manœuvre de Barak Obama en Israël reste assez mince si l'on se fie à Tzipi Livni. La chef du parti Kadima a souhaité, lors de la réunion du Quartet le 9 novembre dernier en Égypte, que la nouvelle administration d’Obama reste discrète dans ses interventions car, selon elle, les négociations avancent et il s’agit d’une question bilatérale qui ne concerne pas les États-Unis.

Elle entend mener à bien ces négociations avec les Palestiniens sans ingérence de la part des États-Unis. «Vous [la nouvelle administration] n’avez nul besoin maintenant de faire quoi que ce soit d’important à ce sujet. La situation est calme. Nous avons ces discussions de paix», a-t-elle déclaré devant les responsables de la communauté juive à New York. Livni a également affirmé en s’adressant aux membres du Quartet : «Nous ne vous demandons pas d’intervenir. S’il vous plait, c’est une question bilatérale. Nous ne voulons pas que vous tentiez d’établir des ponts entre nous. Ne mettez pas de nouvelles idées sur la table.»

Malgré leurs bonnes intentions, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni, ne sont parvenus à aucune résolution d’accord dans le processus de paix. D’après un communiqué du Quartet, «sans minimiser les lacunes et les obstacles qui demeurent», Mahmoud Abbas et Tzipi Livni «sont tombés d’accord sur le fait que les négociations actuelles sont substantielles et prometteuses et qu’ils ont réussi à mettre en place une structure de négociation pour de constants progrès dans l’avenir», mais aucun résultat tangible n’a été obtenu. La situation a peu bougé et même régressé depuis les négociations infructueuses de Camp David en 2000 si l’on considère la vitesse à laquelle s’est propagée l’extension des colonies juives en Cisjordanie.

Rappelons qu’au début du deuxième millénaire, le consensus pour la création d’un État palestinien aux côtés d’un État israélien était beaucoup plus fort qu’aujourd’hui et bénéficiait de plus d’appuis de la part de la communauté internationale, de la population israélienne et palestinienne. Alors que tout le monde s’entendait à dire que cette solution heureuse était de l’ordre du possible, l’avènement d’un État palestinien, aujourd’hui, huit ans plus tard, relève de l’improbable, voire même de l’impossible, tant les négociations trébuchent.

D’aucuns pensent que la victoire de Tzipi Livni aux élections de février 2009 pourrait relancer le processus de paix et lui donner la chance d’aboutir. Partisante de la solution à deux États, Tzipi Livni représente l’espoir d’un possible accord, acceptant qu’Israël se retire presque totalement des territoires occupés. A contrario, son principal rival du Likoud, Benjamin Netanyahu, fermement opposé à la création d’un État palestinien, ferait reculer les pourparlers s’il était élu, tant il demeure hostile à faire des concessions aux Palestiniens.

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La majorité des spécialistes du côté palestinien convergent vers l’idée que la prochaine élection israélienne n’aura pour ainsi dire aucune incidence sur le processus de paix israélo-arabe, car les conditions ne sont pas réunies de part et d’autre pour la création de deux États. L’heure est à la politique de la gestion du conflit, plutôt qu’à l’audace de la création d’un État palestinien voisin. Et les négociations sont bien souvent là pour camoufler d’autres intérêts plus stratégiques, pacifier les camps, tempérer les entêtements, sans pour autant aboutir à une véritable solution de compromis. La nouvelle administration américaine, qui prend ses fonctions en janvier prochain, aura peine à changer cette approche parce qu’elle s’aligne déjà sur Israël qui adopte de plus en plus cette politique de gestion du conflit, sans s’engager dans un véritable processus de paix.

Dans ce contexte peu prometteur, alors qu'Israéliens et Palestiniens s’en tiennent à des positions qui conduisent à une absence d’accord, que souhaite faire Barak Obama?

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