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Le difficile gouvernement du Koweït

Écrit par Aurélien Girard, La Grande Époque - Paris
18.12.2008
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  • ession parlementaire le 25 novembre 2008 à Koweït City(Stringer: YASSER AL-ZAYYAT / 2008 AFP)

Le Koweït plonge dans une nouvelle crise gouvernementale, le cheikh Nasser Al-Mohammad Al-Sabah – neveu de l’émir et premier ministre – devant former son cinquième gouvernement depuis 2006, à un mois et demi du sommet économique arabe prévu à Koweit City. L’instabilité politique est au pire depuis deux ans et demi dans le minuscule pays que la famille royale n’est pas assez puissante pour souder, et qui semble subir aujourd’hui encore les effets post-traumatiques de l’invasion par l’armée irakienne en 1990.

Traditionnellement, les relations entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif sont mauvaises au Koweït. La dernière illustration en a été donnée le 25 novembre quand tout le gouvernement a soumis sa démission à l’émir cheikh Sabah Al-Ahmad Al-Jaber Al-Sabah, lequel a donné par voie officielle, le 12 décembre, des signes qu’il allait l’accepter. Un nouveau gouvernement devrait donc être constitué dans les deux semaines.

Le système politique Koweïtien est pourtant qualifié d’avant-gardiste dans le Golfe en termes d’ouverture politique. En vertu de la Constitution de 1962, les compétences du Parlement monocaméral de 50 sièges vont de l’avalisation du prince héritier à sa destitution, en plus de sa fonction de vote des lois et du budget, et de sa capacité à rejeter les décrets de l’émir, chose inimaginable dans les émirats voisins.

Mais c’est justement cette puissance du législatif qui est la source de relations tendues avec le pouvoir exécutif Koweïtien : le Parlement peut retirer sa confiance aux ministres et provoquer leur chute, alors que l’émir peut dissoudre le Parlement. Au lieu de créer un équilibre de forces, cette situation – alimentée de suspicions réciproques – a conduit, depuis juin 2006, à quatre remaniements ministériels provoqués par des procédures anticorruption initiées par le Parlement, et à la dissolution du Parlement par l’émir en mars 2008.

Les factions de palais

Monarchie constitutionnelle venant d’une tribu issue du Nadj, les Sabah, le Koweit est l’émirat phare dans la structuration de l’opposition, ce qui est peut-être lié à sa tradition oligarchique, héritée du pouvoir des élites marchandes qui ont fondé l’émirat à partir du 18e siècle.

L’ancien protectorat britannique de 17 000 km2 est coincé entre trois géants : Iran, Irak et Arabie saoudite. C'est donc un environnement qui a lui aussi permis de stimuler les débats politiques pour la sécurité nationale, l’Irak ayant par exemple longtemps considéré le Koweit comme sa dix-neuvième province.

En janvier 2006, c’est le Parlement qui a pris la décision de destituer l’émir Saad, malade, lequel devait logiquement remplacer l’émir Jabir tout juste décédé. Suite à cela, le pouvoir exécutif a tenté de modifier la carte électorale en multipliant le nombre de circonscriptions rurales afin de favoriser l’élection de députés tribaux – traditionnellement favorables à l’émir. Mais cette réforme s’est heurtée à l’opposition de la jeunesse Koweïtienne, le «mouvement orange» du printemps 2006, provoquant des élections législatives anticipées gagnées par l’opposition.

Celle-ci, élue sur un programme de lutte contre la corruption, est depuis en choc frontal avec les gouvernements successifs et avec l’émir Sabah. Les parlementaires contestent aujourd’hui le fait que le premier ministre fasse toujours partie de la famille régnante, famille qui n’est pas aussi forte que celles d’Arabie saoudite ou du Qatar et qui n’est pas aujourd’hui menée par une personnalité charismatique.

Réciproquement, l’émir Sabah n’accepte pas que le premier ministre doive rendre compte devant le Parlement pour des problèmes de corruption ne l’impliquant pas directement.

En plus de ces dissensions, des factions de la famille régnante pourraient avoir apporté leur pierre pour provoquer le remaniement ministériel en cours, supposent certains analystes. Les ministères clés sont en effet traditionnellement réservés aux membres de la famille royale et actuellement attribués essentiellement à la faction des Al-Jabir, lignée de l’émir, et aux Al-Hammad, alors que la branche Al-Salim de la famille royale est sous-représentée – ce qui brise l’équilibre ancien qui faisait alterner les deux branches Al-Jabir et Al-Salim à la tête de l’État.

Et la montée du salafisme

Mais toute la question n’est pas là. Lors des élections de mai 2008, les salafistes et les représentants tribaux sont sortis grands vainqueurs, soutenus par la plus grande partie de la famille régnante, contre le premier ministre qui lui favorisait les libéraux.

Ces partis islamistes veulent promouvoir des réformes religieuses conservatrices, ce qui les met en opposition frontale avec le bloc libéral du Parlement qui souhaite aborder, par exemple, la question du droit des femmes. Ces oppositions, et la tendance de l’émir à utiliser mécaniquement la dissolution du Parlement, empêchent depuis 2006 tout début de réforme de fond, dans un pays dont le seul horizon actuel est le pétrole. Le pays le plus politiquement ouvert de la région du Golfe est donc en plein cercle vicieux, sans qu’une issue soit visible à l’heure actuelle.

Plus de 204 720 362 personnes ont démissionné du PCC et de ses organisations.