Un État palestinien : utopie ou possible réalité ?

Écrit par Stéphanie Krug, Collaboration spéciale
03.12.2008

 

  • George W. Bush et Ehud Olmert(Staff: Chip Somodevilla / 2008 Getty Images)

Le conflit israélo-palestinien n’est pas «un western», «une lutte entre le bien et le mal», c’est plutôt «une tragédie» au sens ancien du terme, c'est-à-dire «un conflit entre deux causes aussi juste l’une que l’autre, un conflit entre deux revendications», pour reprendre les mots de l'auteur israélien Amos Oz dans son livre Aidez-nous à divorcer ! Israël Palestine : deux États maintenant, paru en version française chez Gallimard en 2003.

L’auteur nous dit que «les Palestiniens sont en Palestine parce que la Palestine est la patrie, et la seule patrie du peuple palestinien. Les Juifs israéliens sont en Israël parce qu’il n’y a aucun autre pays au monde que les Juifs, en tant que peuple, en tant que nation, peuvent appeler leur patrie».

Amos Oz révèle dans son livre que la seule solution au règlement du conflit israélo-palestinien demeure dans l’établissement d’un compromis, un compromis qui serait aux antipodes du fanatisme et de la mort. Ce compromis aboutirait à un divorce, seule voie salutaire : «Si je m’attends à quelque chose, c’est plutôt à un divorce, un divorce juste et équitable, entre Israël et la Palestine. Or, un divorce n’est jamais une chose heureuse, qu’il soit juste ou injuste. Un divorce fait mal, c’est quelque chose de douloureux. Et particulièrement celui-là, qui sera un drôle de divorce où les deux parties resteront dans le même appartement pour toujours. C’est un divorce où personne ne déménage. Et comme l’appartement est tout petit, il sera indispensable de décider qui aura la chambre A, qui la chambre B, qui aura le salon, et de trouver, en plus, un arrangement spécial pour la salle de bains et la cuisine. Vraiment pas très commode…»

Les propos d’Amos Oz sont éloquents mais force est de constater que les négociations israélo-palestiniennes n’ont conduit jusqu’à ce jour à aucun compromis, et aucun divorce n’a été conclu. Tout est en suspens et semble augurer le pire, le retour justement du fanatisme et de la mort.

Même si le premier ministre israélien, Ehud Olmert, s’est montré optimiste la semaine passée lors de sa visite aux États-Unis et que Georges W. Bush a affirmé qu’Israël aurait tout intérêt à vivre aux côtés d’un État palestinien voisin, sorte de démocratie frontière fermement engagée pour la paix, les deux hommes vont quitter leur mandat avec un sentiment d’échec.

Lors de la conférence d’Annapolis, en novembre 2007, ces derniers s’étaient engagés à parvenir à un accord de paix pour permettre la création d’un État palestinien indépendant et pacifiste à l’égard d’Israël, mais rappelons que plusieurs questions qui ont été soulevées restent sans réponses : le statut de Jérusalem; le partage des territoires et des frontières; le sort des réfugiés palestiniens habitant aux quatre coins du monde; les colonies juives et le partage des ressources en eau.

Cette rencontre d’adieu pour les deux dirigeants sortants a montré un premier ministre israélien qui tente, selon les mots du quotidien israélien Haaretz, de se poser en «courageux premier ministre» qui «aurait pu apporter la paix» s’il n’avait pas été «chassé de son poste [il a démissionné le 21 septembre mais dirige un gouvernement de transition] à cause de sales manigances de la police, des procureurs et de politiciens comploteurs».

{mospagebreak}Quant à Georges Bush, il essaie en vain de sauver les apparences en montrant qu’il est favorable à l’instauration d’un État palestinien sans pouvoir véritablement trancher sur les questions cruciales. Le président Bush doit quitter ses fonctions le 20 janvier prochain et la seule certitude qui demeure est que les pourparlers israélo-palestiniens risquent d’être suspendus pendant plusieurs mois, au moins le temps que les successeurs américain et israélien s’installent à leur nouveau poste.

Barak Obama qui succède à Georges W. Bush, même s’il a promis de s’atteler à ce dossier dès qu’il entrera en fonction, ne semble pas faire du conflit israélo-palestinien une priorité dans les affaires internationales. Il s’est dit avant tout préoccupé par la crise économique internationale, l’Afghanistan, l’Irak et le dossier nucléaire de l’Iran. Reconnaissant Jérusalem comme «capitale éternelle et indivisible de l’État hébreu», il irrite les Palestiniens qui se sentent négligés et craignent d’être une fois de plus laissés pour compte.

Du côté israélien, depuis l’échec de Tzipi Livni, chef du parti Kadima, à créer un nouveau gouvernement de coalition, les sondages donnent l’avantage pour les législatives du 10 février prochain à Benjamin Netanyahu, chef du Likoud qui reste fermement opposé aux négociations en cours avec les Palestiniens.

Tout le monde s’accorde à dire que la création de deux États est la seule solution pour résoudre le conflit au Proche-Orient, mais les négociations sur les problèmes cruciaux n’ont débouché sur aucun résultat. Le peuple palestinien revendique le droit à l’autodétermination, sans occupation israélienne. Il réclame un État palestinien avec une continuité territoriale, avec Jérusalem-Est comme capitale, le gel de la colonisation en Cisjordanie. Israël, de son côté, n’est pas prêt à céder Jérusalem-Est et n’entend pas freiner sa politique d’intensification de la colonisation en Cisjordanie.

De plus, Nir Barkat, nouvellement élu à la mairie de Jérusalem, se dit favorable à la création de nouveaux quartiers juifs dans la partie orientale de la ville alors que le projet de colonisation de Jérusalem-Est est fortement désapprouvé par la communauté internationale, qui y voit une des principales pierres d’achoppement du processus de paix.

De son côté, Mahmoud Abbas, qui a constaté l’échec des négociations en cours, accuse Israël de ne pas respecter ses engagements auprès de la communauté internationale. En effet, l’État hébreu ne s’est pas soumis aux diverses pressions reçues de la part de Condoleezza Rice qui recommandait l’arrêt total de la colonisation dans les territoires occupés.

Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, n’est pas dans une posture facile, à l’instar de Georges W. Bush et d’Ehud Olmert, fortement discrédités et battant des records d’impopularité dans leurs pays respectifs. Le Hamas, contrôlant la bande de Gaza depuis juin 2007, n’a de cesse de parasiter le Fatah de Mahmoud Abbas en tentant de lui ôter sa légitimité devant le peuple palestinien.

Le mandat du président Abbas s'achève le 9 janvier prochain. La législature actuelle de l’Autorité palestinienne, dominée par le Hamas, est destinée à durer jusqu’en janvier 2010, mais Mahmoud Abbas a posé un ultimatum pour répondre au conflit qui l’oppose au Hamas.

«Si les négociations avec le Hamas n'aboutissent pas au début de l'année prochaine, j'appellerai à des élections présidentielles et législatives», a affirmé le 23 novembre Mahmoud Abbas devant le Conseil central de l'OLP, une instance clé de l'Organisation de libération de la Palestine dont il est le secrétaire général.

Le Hamas a rejeté l’appel de Mahmoud Abbas aux élections, considérant que c’est illégal et inconstitutionnel, que la loi n’autorise pas le président à dissoudre le Parlement de manière anticipée.

Contrairement à l'OLP et au Fatah de Mahmoud Abbas, le Hamas ne reconnaît pas Israël et refuse de souscrire à la solution de deux États israélien et palestinien vivant côte à côte.

Au regard de tous ces obstacles, l’heure est au pessimisme et on peut se demander si la création d’un État palestinien pourra devenir une réalité ou restera une utopie.