La politique étrangère française irradie de bonnes intentions

Écrit par Aurélien Girard
01.02.2008

  • Le triangle d’or de la diplomatie hexagonale dans le Golfe : le PDG de Total, Christophe de Margerie (g.), celui de Suez, Gerard Mestrallet (c.) et celui d’Areva, Anne Lauvergeon (d.), ci-dessus au moment de la signature d’un accord commercial avec les Emirats Arabes Unis, le 15 janvier 2008.(Staff: ERIC FEFERBERG / 2008 AFP)

Du Niger à l’Arabie Saoudite, pour la France le positionnement de la politique étrangère rime ces dernières semaines avec nucléaire et réacteurs EPR.

 

Nicolas Sarkozy a conclu sa visite dans la péninsule arabique par une maigre moisson de contrats, mais avec un positionnement stratégique extrêmement important sur le détroit d’Ormuz, goulot de mer par lequel transite un tiers du pétrole brut mondial; c’est une étape nouvelle dans les relations avec les Emirats Arabes Unis et le Qatar, que la France va maintenant activement contribuer à nucléariser.

 

L’époque où le nucléaire français était un compétiteur mal vécu de la puissance pétrolière arabe est donc révolue, et l’ère des partenariats dans le nucléaire civil s’ouvre au Moyen-Orient. S’agissant très probablement de la région la plus instable du monde et la plus empreinte du risque terroriste, l’implantation de réacteurs de troisième génération ne résistant pas au crash d’un avion kamikaze peut faire se dresser les cheveux sur la tête, s’ils ne le sont pas déjà en ayant imaginé les milliers de fuites possibles vers des mains aux intentions non civiles,  lors de l’approvisionnement des centrales en uranium enrichi.

 

Le soutien logistique et les interactions à longterme qu’impliquent de tels accords valent plus que des accords bilatéraux : le chemin est maintenant profondément tracé pour un partenariat renforcé de la France avec les pays du Golfe. S’achemine-t’on alors vers une diplomatie des isotopes lourds? Les conditions de la libération des deux journalistes d’Arte arrêtés au nord du Niger lors d’un reportage non autorisé sur la rébellion touareg – en plein dans la zone des gisements d’uranium – pourrait en être un signe précurseur : Après huit mois de crise entre le Niger et Areva, qui avaient commencé avec l’expulsion de Dominique Pin, le patron local d’Areva, les choses semblent aller mieux. Le Niger oublie même qu’il a accusé Areva de financer les rebelles touaregs du Mouvement des Nigériens pour la justice (MNJ), actifs dans le nord où se trouvent précisément les gisements d’uranium du pays.

Aux termes du nouvel accord de partenariat entre le Niger et Areva, pour l’exploitation et l’achat d’uranium, Areva reste l’opérateur de référence au Niger malgré une concurrence, chinoise et canadienne notamment, de plus en plus active. Areva a, en contrepartie, accepté une hausse des prix d’achat d’uranium de 50 % pour 2008 et 2009, ainsi que la possibilité pour le Niger de vendre lui-même une partie de la production. On peut raisonnablement penser que les deux journalistes se sont retrouvés malgré eux émulateurs de la conclusion de l’accord – leur libération étant la « cerise sur le gâteau » de la négociation.

La France semble donc avoir, en la personne d’Anne Lauvergeon, président du directoire d’Areva, un nouveau vice-ministre des Affaires étrangères, semant comme un petit poucet des réacteurs EPR ou des contrats d’exploitation sur son chemin, et traçant avec Nicolas Sarkozy la route nouvelle de la diplomatie française.

Pour conclure, la visite dans le Golfe du Président français, et tout particulièrement la création de la première base militaire française dans le Golfe – 500 militaires  sur l’émirat d’Abou Dhabi à partir de 2009 – est absolument stratégique et synonyme à la fois de rapprochement vis-à-vis des Etats-Unis que de positionnement comme un futur acteur important dans la stabilité du Moyen-Orient. Et on entend déjà chuchoter que la diplomatie française telle que connue – c’est-à-dire « à la De Gaulle », basée sur le non-alignement aux Etats-Unis – est morte, ce qui fait grincer des dents jusqu’aux jaloux diplomates anglais, qui se rêvaient seuls qualifiés pour être les meilleurs amis de Washington.